Soie des entrailles
Évoquant à la fois le coeur d'un être vivant et celui des montagnes, la soie des entrailles porte parfaitement son nom car elle provient effectivement des deux. Les araignées irisées qui produisent cette soie ne se trouvent que dans les profondeurs de la roche, et c'est dans des cadavres de toute taille qu'elles installent leurs cocons de soie pour leur progéniture.
La récolte de la soie s'opère en fin de cycle de reproduction des araignées, lequel est simplement marqué par l'absence de nourriture fournie par les Nains dans les antres d'élevage. La cueillette en elle-même ne présente aucune difficulté, si ce n'est détacher les multiples cocons des os de leurs hôtes, et une journée est amplement suffisante pour récolter tout ce qui pourrait recouvrir un cadavre de taille moyenne, tel un Nain.
Les cocons dépassent rarement la taille d'un poing et présentent un petit orifice cylindrique dans les cas où les oeufs ont éclos, ou ont été dévorés. Si le cocon ne possède pas cette caractéristique, il est brûlé sans autre forme de procès afin d'éviter à toute nouvelle couvée de voir le jour. Leur forme est sphérique ou ovoïde et plutôt rigide de par l'épaisseur des couches de soie. Celle-ci s'avère nécessaire au maintien en température du cocon, tout en lui permettant une longévité suffisante pour de multiples couvées successives sans avoir à remodeler un cocon intégralement. Ils sont également imperméables jusqu'à une certaine profondeur d'immersion.
Ceux récoltés sont entassés sans grand ordonnancement dans des sacs en panse d'animaux pour limiter la forte adhérence de la soie sur son contenant. Les récolteurs emploient également des gants revêtus de boyaux le long des doigts dans ce même but. Les Gardiens assignés à la surveillance de ces antres font souvent office de récolteurs, puisque la tâche ne requiert pas de compétence particulière, et forment leur propre escorte en retournant en ville compte tenu de la préciosité de leur marchandise et de la fin de leur mission de protection.
Les cocons récoltés rejoignent une filature dédiée à la soie, où chacun d'entre eux est mesuré, pesé et comptabilisé afin d'estimer la production de tissu que peut procurer le chargement, aussi bien que pour limiter les vols de tissu au terme de la production. Les Gardiens gagnent d'autres affectations et laissent ainsi la place aux Façonneurs de soie. Les cocons subissent un ensimage, dans une émulsion d'huile végétale et d'eau minérale épurée portées tout juste à température d'ébullition, qui permet d'annihiler les propriétés adhésives des fils et de faciliter leur démêlage. Chaque cocon est par la suite cardé autour d'un rouleau où l'on peut adjoindre d'autres textiles, le plus souvent rares eux aussi pour ne pas dévaluer la soie.
Le filage des fibres s'opère sur des rouets où les fils de soie pure sont assemblés en une petite dizaine de brins pour les épaissir. Dans le cas d'ajout d'autres fibres l'opération s'avère rarement nécessaire. Le fil prend ainsi ses caractéristiques majeures de souplesse et de robustesse, bien qu'il soit particulièrement inflammable privé de sa substance adhésive. Les Nains procèdent à la coloration de la soie après cette étape, par le biais de colorants en poudre ou liquides capables de s'infiltrer dans la fine épaisseur des fils.
Les méthodes de tissage étant exclusives aux Nains, tous leurs tissus sont d'aspect satiné par tradition et probablement goût commun pour ce luisant qui s'avère admirable dans les profondeurs de la montagne à la moindre lueur de torche. On n'en distingue les genres que par l'aspect final dû à l'agencement de l'armure ou des mélanges de fibres. Le plus traditionnel et fabriqué porte la dénomination de soie Kathairine, provenant du nom de la ville et capitale Naine subsistante du Grand Cataclysme. La soie Kathairine, se présente sous la forme d'un tissu épais et lourd, particulièrement imperméable, satiné de part et d'autre d'un lustre équivalent ou non, et le plus souvent finement brodé de fils d'or en motifs particuliers aux extrémités et faces planes au sein d'une soie pure. D'autres genres arborent le nom des Maîtres Façonneurs les réalisant ou des Magnats propriétaires des ateliers de tissage en question. On en dénombre une dizaine, fluctuant au gré de la mode et des succès ou échecs commerciaux de chaque genre.
Cette soie naine s'exporte remarquablement dans le reste du continent, ou du moins partout où les caravanes naines transitent. La soie Kathairine possède une valeur considérable aux yeux de tout monarque et du reste des nobles ou hauts dignitaires de chaque culture, ce dont le peuple nain tire un bénéfice substantiel pour acquérir des produits de rareté équivalente auprès des autres nations, ou de considérables traités d'échanges pour des biens de consommation auprès d'entités de moindre envergure. Les dirigeantes Norskanes en font grand usage malgré la sobriété de leur culture et trouvent à marier des fourrures d'exception à ce tissu incomparable. Les Ordéïdes et Ashintaïs en font un commerce plus important encore, car c'est toute la sphère dirigeante et l'élite de leurs nations qui y trouvent une luxueuse satisfaction.
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