Conception
Mes parents se sont rencontrés à la lisière de la forêt de
Hautesylve, au pied des
Monts Griseux. Ma mère,
Lúthien, était une grande prêtresse de son clan partie ce jour-là cueillir des fleurs poussant sur la terre aride de la montagne afin d’en extraire l’essence pour un remède. Mon père,
Beren, était un humain en quête d’aventure et de sensation qui avait parcouru bien du pays. C’est lors de sa redescente des Monts qu’il chuta de plusieurs mètres et se blessa.
Proche de là, Lúthien l’aperçut et se porta à son secours. Elle lui administra les premiers soins et,
incapable de le déplacer, l’installa du mieux possible avant de repartir. Elle revint vers lui en cachette très régulièrement jusqu’à son rétablissement. Malgré la barrière de la langue, ils apprirent progressivement à se comprendre et à communiquer. Après de longues heures passées à échanger sur leurs vies, ils finirent par tomber amoureux. Ainsi je fus conçu.
Lorsque ma mère réalisa qu’elle me portait en son sein, elle consulta son entourage, qui n’accepta sa situation qu’à deux conditions. Tout d’abord, elle devrait s’exiler afin de ne pas mettre au monde un demi-elfe sur ces terres sacrées. En plus de cela, elle devrait couper tout contact avec Beren si elle voulait espérer garder celui avec sa famille. Elle prit donc la décision de partir, et s’exila dans le bois de Myrviel, où elle s’installa dans un chalet de bois abandonné, à quelques heures de marche de Clairval. Elle avait ainsi abandonné sa famille, son clan ainsi que son amant.
Enfance
C’est dans ce bois que je vis le jour et qu’elle m’éleva par la suite. Les premiers hivers furent difficiles et elle me contraignit très tôt à participer au travail de la maison ainsi qu’aux voyages jusqu’au village pour nous ravitailler en ressources. Je grandis dans la forêt, en compagnie des animaux, des plantes et de moi-même et appris vite à me débrouiller dans cette situation.
Elle m’enseigna rigoureusement son langage ainsi que les quelques notions de commun qu’elle avait acquises auprès de mon père. Elle ne me parlait pas beaucoup de lui mais je sentais en elle cet amour qu’elle tentait d’oublier. Elle retournait voir sa famille à chaque printemps, me laissant alors seul durant une quinzaine de jours. Elle me répétait qu’elle avait besoin de ce contact et de rester en communion avec ses ancêtres.
Au cours de mon enfance, elle tenta de m’emmener à deux reprises en Hautesylve. Je fus très mal reçu la première fois et il fallut que nous fassions demi-tour à l’orée de la forêt. La deuxième fois ne se passa pas mieux, malgré les tentatives désespérées de ma mère pour m’y faire entrer. Elle finit par abandonner, et tenta à la place de convaincre un membre de la famille de venir nous voir. Elle se sentait isolée et avait besoin de ce contact.
C’est finalement son frère,
Rowan, qui accepta de faire le déplacement. Il découvrit notre petit chalet et y passa quelques jours avant de repartir. Trouvant notre compagnie agréable et le voyage divertissant, il revint ensuite régulièrement nous rendre visite afin d’apporter des nouvelles plus régulièrement et ainsi réduire les voyages de sa soeur dans l’autre sens. Sur stricte interdiction de ses parents, il ne me parla jamais de la vie en Hautesylve. Cependant, nous pûmes échanger sur de multiples sujets et il me raconta diverses histoires de voyageurs et de pays lointains. C’est lui qui m’apprit le sens de mon prénom, Adanedhel, homme-elfe. Ma mère avait choisi de prénom dans la volonté que je sois toujours fier de mon ascendance et que je m’en serve comme une force, comme une multiplication des sources dans lesquelles je pouvais puiser.
Apprentissage
Ce fut ma mère qui m’introduit à la discipline des prêtres, en m’enseignant ses pratiques et ses prières. Elle-même dévouée à la déesse de la Forêt et des Animaux,
Mélenna, elle m’apprit les fondements du culte divin et me laissa libre de me dévouer au dieu qui résonnait en moi.
Je développai alors ma dévotion envers
Möndovaël, dieu des nomades et du voyage. Ce dieu avait une signification toute particulière pour moi. Nous n’étions pas de grands nomades mais l’exil avait fait de nous des personnes ayant besoin de voyager régulièrement. J’espérais, à travers ma foi, pouvoir protéger ma mère et mon oncle lors de leurs nombreux déplacements et, au fond de moi, protéger également mon père, où qu’il soit. Je me rendais au temple le plus à chaque lune afin d’y pratiquer mon culte.
Mes jours de présence au village me permettaient également d’y pratiquer des soins, que ce soit pour des blessés, des malades, ou bien pour aider certaines femmes à accoucher. Je refusais d’être payé pour ces quelques services, alors les villageois me donnaient souvent de la nourriture pour remerciement. Quelques fois, j’étais accueilli pour la nuit dans l’une des généreuses chaumières qui avaient assez de place pour moi. Il m’arrivait souvent de rapporter la nourriture à la maison afin de la partager avec ma mère, qui était bien contente alors de varier son régime alimentaire.
Le départ
Finalement, âgé d’une vingtaine d’hivers, je me décidai à partir sur la route dans l’espoir de retrouver des traces de mon père. Ma mère tenta longuement de m’en dissuader mais j’étais résolu à le retrouver. Lorsqu’elle comprit que je ne reviendrais pas sur ma décision, elle me demanda de lui accorder du temps pour que nous préparions ce départ. Nous passâmes alors sept jours ensemble, pendant laquelle elle me raconta tout ce qu’elle savait de lui. Entre les larmes et les sourires mélancoliques, sous la lumière des étoiles et bercés par les chants de la forêt, elle se confia à moi sur leur histoire et leur amour.
Le jour de mon départ arriva et, sur le seuil de la porte, ma mère me confia une petite statuette de chouette sculptée dans un os. Elle m’expliqua que celle-ci avait été réalisée par Beren. Pendant sa rémission, entre deux absences de sa sauveuse, il avait consacré tout son temps à représenter l’animal qui la représentait le mieux selon lui. Il lui avait offert au moment de son exil, comme une promesse qu’ils se retrouveraient un jour.
Je partis avec ce précieux souvenir, comprenant que ma mère me l’avait confié pour la même raison : une promesse de retour. Je voyageai longuement, m’aventurant au sud de Myrviel, jusqu’au Bois d’Astreis, passant dans tous les villages qui se présentaient sur le chemin, mais ne trouvai aucune trace de mon père.
Je fis le tour du bois de la même manière mais toujours en vain. Je me rendis jusqu’à l’océan Pélurique, au bord duquel je m’arrêtai pendant de longs mois, fasciné par l’étendue d’eau en face de moi. Un jour que je me promenais sur la berge de la ville de Ferrance, je rencontrai un vieil homme en train de prier face à la mer. Je m’installai près de lui et me mis à prier en silence. Quelques heures plus tard, autour d’un repas, nous fîmes connaissance. C’était un ancien marin nommé
Liam, qui avait prié toute sa vie la déesse de la Mer et des Marins,
Linnarré. Il avait appris son art lors de ses passages sur terre après avoir longtemps admiré d’autres prêtres à l’action. Quand il apprit ma volonté de rester sur place quelques temps, il insista pour m’accueillir chez lui. Il était plus qu’heureux de recevoir un frère chez lui et me traita comme son fils. J’allais prier au temple avec lui le matin, puis l’abandonnais pour exercer en tant que soigneur l’après-midi et rentrais le soir avec des vivres à partager.
Un soir que je soignais un voyageur d’une vilaine blessure, celui-ci me raconta qu’il était récemment passé à Clairval. Il avait appris que le village allait bientôt inaugurer un nouveau temple. C’était un projet mené par le grand
Karoom Dhürvan qui allait enfin aboutir. Je ne pouvais manquer cet évènement,
d’autant plus que je songeais depuis un moment à retrouver ma mère. Je m’inquiétais de la savoir seule depuis autant de temps, elle qui m’avait toujours eu à ses côtés. Je quittais Liam et fis alors chemin vers Clairval, que j’atteignis quelques dizaines de jours plus tard.