Free rider
Ste-Cath, 1heure du matin; les cheveux au vent au son du moteur d'une rutilante Harley; je traverse la ville aux artères bondées car en cette année, le monde entier s'est réuni sur cette île: 1976, les jeux olympiques de Montréal; le plus gros terrain de chasse imaginable. À l'intersection de Ste-Cath/St-Denis, j'arrête la bécane à une lumière, tient le guidon avec désinvolture à une main et passe l'autre dans mes cheveux alors qu'une minette en minishort traverse au passage piéton: un clin d'oeil plus tard, elle sert ses petits bras frêles autour de ma taille sur la place passager de la selle de l'Harley. Lorsque le feu passe au vert, je démarre en trombe et sens ses doigts se crisper contre mon torse, son souffle de plus en plus sacadé sur ma nuque et son rythme cardiaque s'accélérer. Ouffffff Ma bête gronde comme le moteur de la moto. J'écrase l'accélérateur et prend un virage serré sur la bretelle d'accès du Pont Jacques-Cartier puis grimpe sur le mince trottoir du pont à toute allure. L'interdit, le risque et la vitesse transforme le coeur de ma passagère en véritable cocotte minute prête à exploser. Je sers les poignées du guidon de la moto alors que mes crocs émergent d'eux-mêmes: Le collier de la Bête ne tiendra pas encore longtemps. Juste après l'île Ste-Hélène, j'immobilise la moto, et débarque; elle fait de même et me saute aussitôt à la ceinture en m'embrassant. Je l'asseois sur le garde-fou du pont et répond à son baisé alors que le goût de son haleine empli ma bouche: une mélange de clope et de bière un peu décevant, mais pas très surprenant un samedi soir sur Ste-Cath, mais sa langue frôle le bout de mon croc et aussitôt le goût de son sang efface complètement la cigarette et la bière par une vague de chaleur au goût ferreux.
Je plantes mes crocs dans sa jugulaire, elle s'accroche en gémissant et ses petits doigts s'accrochent à mon dos avec la même hâte que lorsque je pesais sur l'accélérateur de l'Harley. Je la vide cul-sec comme un shooter que le barman aurait taclé sur le comptoir devant moi jusqu'à ce que cette coquille soit vide. Je n'ai même pas le temps de réaliser que ses doigts ne se crispent plus dans mon dos et que ses bras pandouillent sur mes épaules. Je la pousse pardessus le garde fou et elle disparaît dans un grand ''plouf'' alors que les dernières gouttes de sa vie atteignent mon estomac et que des embruns de ses souvenirs traversent mon esprit ne m'en laissant a peu prêt rien outre un prénom: Gisèle. J'aperçois sur le trottoir près de ma moto un paquet de cloppe cheap et un bic en plastique qu'elle a échappé en se levant de la moto quelques instants plus tôt. Je me penches et je ramasses les deux derniers artefacts de mon one night en minishort. Je rembarques sur ma moto, sort une cloppe cheap du paquet, l'allume et la porte à ma bouche alors que je démarre la moto et en tire une bonne bouffée en écrasant l'accélérateur. Aussi éphémère que sa propriétaire, la cloppe disparaît à la même vitesse que celle-ci et avant même que je n'ais fini de traverser le pont, je snap le butch d'une pichenotte désinvolte pardessus le garde-fou alors que je prends la bretelle pour pogner la 132 qui longe le fleuve et écrase l'accélérateur à fond, le vent dans les cheveux avec un tune de rock qui m'empli les oreilles alors que je passes près d'un bar de motard et que revient au fond de ma bouche un arrière goût... de cloppe et d'bière. Je souris, c'est sa l'éternité.
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