Disaster / Destruction
Les braises des incendies provoqués par les bombardements et les pillages dans la cité de Québec n'étaient pas encore éteints que les tuniques rouges obligeaient les soldats français et leurs officiers à monter à bord de navires trop peu nombreux pour leur permettre de rentrer en France... la traversée verrait plusieurs de ces hommes périrent dans la complète indifférence des vainqueurs qui, sur les cartes, dessinaient déjà les frontières de leur nouveau morceau d'Empire. Québec en ruine serait dépouillée de son siège politique, la capitale du Bas-Canada serait installée à Montréal qui avait été épargné par la guerre; infligeant une humiliation supplémentaire a la première ville française d'Amérique. Les mortels, hébétés et meurtris par un conflit qui a détruit la plupart des quartiers de la ville erraient par centaine, à la recherche de quelque chose à manger, et il ne servait à rien de trouver refuge dans les campagnes; car avant de raser Québec; les anglais avaient brûlé les champs et les villages de Montréal à Québec, comment feraient-ils pour passer l'hiver? La mort au coeur, les joues creusent et le regard vide; ils erraient, comme des fantômes d'un monde qui s'était évanouit en l'espace d'une nuit; dans l'espoir que, peut-être, ils se réveilleraient de ce cauchemars. L'artiste du clan de la Rose, déjà amer, n'en pouvait plus de ses effluves d'apathie, de désespoirs et de chagrin qui l'envahissaient encore un peu plus à chaque lampée de vitae qu'il réussissait à avaler la gorge serrée par la honte, le remord et le regret. Perséphone, sa fille, qui jamais ne s'était adaptée à cet univers rude avait sombré dans une torpeur de laquelle elle ne revint jamais, un bombardement faisant s'écrouler sur cette dernière un pan de toiture qui l'écrasa. L'artiste se sentait coupable, c'était sa faute. Chaque fois qu'il regardait vers la cité, il entendait les cris des enfants et des femmes qui hurlaient d'épouvantes alors que les soldats vêtus de rouges les tiraient dehors de leur maison avant d'y mettre le feu. Si les tuniques rouges agissaient avec tant de colère, c'était par vengeance et les immortels n'étaient pas sans sang sur les mains dans cette histoire. L'artiste se sentait coupable. La maison qui l'avait accueilli, avait rêvé d'un avenir dans cette belle cité était maintenant amoindrie, meurtrie et au bord de l'effondrement... avait-il fait le bon choix cette nuit-là? L'artiste se sentait coupable. Tourmenté, seul sur la scène de son théâtre, il décida; une nuit que s'en était assez. Il ne voulait plus se nourrir d'épouvante, pourchassé par les remords d'un passé qui plus jamais ne lui offrirait quoique se soit, alors... il y mis le feu, il n'avait pas mis que le feu à sa plus grande réalisation qui renfermait tous ses espoirs en un avenir radieux, non; il foutait le feu à sa honte, à sa colère et à ses doutes. Où partait-il? Affronter l'Aube ou l'Avenir? L'architecte avait rêvé cette ville, il avait parcouru ses allées des centaines de fois, admirant certaines de ses réalisations avec une fierté manifeste, s’enivrant de la gaieté charriée par le sang des mortels offerts dans les cours, les marchés ou les concerts, une bulle de France au nord d'un continent qui, comme une Rose avait éclos avec splendeur pour faner et désécher aussi vite qu'elle avait révélé au monde sa beauté. En cette nuit, son rêve gisait devant lui comme un cadavre déchiqueté par milles martyrs; il aurait pu croire qu'en une telle nuit; les immortels avec qui il avait partagé ce rêve aurait, à tout de moins, partagé son chagrin... mais sa mère lui avait déjà tournée le dos et dans les yeux de sa fille, il ne voyait plus que du dégoût. Il s'était vu gravir dans son clan au même rythme que cette cité, mais la chute fut aussi rapide que brutal. N'ayant plus la force de poser le regard sur une cicatrice aussi béante... il disparut dans les ténèbres d'une cité qui ne connaissait plus la lumière après le brasier qui l'avait emporté. La Maison qui avait chéri un rêve trop lourd à porter s'était écroulée sous le poids de l'adversité, des trahisons et, peut-être, d'un orgueil un peu trop grand pour elle. Dans un tel contexte, on ne sut jamais ce que Sa Majesté Laure de Labadie aurait fait de son règne; Sa Majesté Sigrid, son homologue des Grandes Plaines, mis pied à Québec quelques hivers après la fatidique nuit qui souffla la ville et sans cérémonie, la vieille guerrière du clan gangrel qui ne connaît pas un seul mots de français, enfonça un pieu dans le coeur de la jeune Prince et l'expédia au Roi de France qui, aussitôt, lui arracha ses Lauriers pour les lui reprendre, plaçant de ce fait sous sa houlette le Domaine de Nouvelle-France. La guerrière continua sa route vers l'ouest: son nouveau Domaine. Arnulf et les siens ne se firent pas prier pour la rejoindre, et la meute partie vers l'immensité sauvage. La Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre auraient besoin d'un nouveau fléau, car le vieux gangrel et sa maisons s'eurent trouvés une nouvelle allégeance. Peu après la débâcle, les navires de la Maison du Kraken auraient faits voiles vers l'Ancien monde... où s'en étaient-ils allés? Chez l'impétueux Mithras? L'orgueilleux De Villon? Le Premier Banquier? ou chez la mystérieuse et lointaine Nefertiti? Nul ne le sut, mais la rumeur voudrait qu'il leur fut annoncé le funeste destin de Son Altesse de Labadie et que mêmes eux eurent d'horribles frissons devant le châtiment des Anciens. La frêle dame portait un voile de deuil, assise dans le noir, un éventail dans une main, une coupe de sang dans l'autre, droite et digne; elle écoutait l'officier lui énumérer ses droits douairier: L'aînée d'une lignée décapitée accepta d'hériter de la Noblesse de Québec, mais lorsqu'on lui offrit la tête de son ancienne maison, elle refusa de porter un titre frappé de honte, elle jeta au pied de l'officier le Lys agrafé au collet de sa robe. L'officier poursuivi donc vers les descendants de plus jeunes âges et jusqu'au dernier; il n'essuya que des refus, il procéda donc sans émotion à l'écriture de son registre: Maison du Lys d'Or, création en l'an 1631, à La Rochelle, abrogation 1763; à Québec.