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L'écryme

Extraits d'études

OÙ L’ON RÉSUME LES PROPRIÉTÉS DE L’ÉCRYME

Extrait du cours controversé du professeur Phillips, disque retrouvé dans son dossier à l’asile d’Éole.  
Nous ne savons rien ou presque de l’écryme. Les scientistes ont découvert bien peu de choses, en réalité. Ils se sont perdus en conjectures pour expliquer sa présence et son fonctionnement. Leurs débats sur ses origines n’ont guère plus de valeur que les divagations d’un poète opiomane de Tanger. Ce cours se bornera donc simplement à appréhender une réalité, celle d’une mer stagnante, hostile et omniprésente.
 
Notre monde appartient à l’écryme. Une intimité que nous partageons tous, urbains comme traversiers. J’ai passé ma vie à tenter d’en comprendre les mécanismes. Aujourd’hui, ma seule et unique conviction est qu’avec l’écryme, rien n’est jamais absolu. Sa couleur, par exemple, varie du brun au vert, en passant par le cramoisi, et ce en fonction des saisons, et dans une moindre mesure du lieu, de la température, de l’humidité et de la luminosité.
 

De la menace qu’elle représente

 
L’écryme est mortelle pour l’homme et pour de nombreux matériaux. Seuls le verre, la pierre, et les métaux, comme le fer et le cuivre, semblent y résister. Pourtant, l’usure est toujours présente, rongeant en silence les fondations des traverses. Là encore, il s’agit de ne pas être trop réducteur. Mes recherches m’ont amené à croire que cette usure variait en fonction des lieux et des moments. J’ai, en effet, moi-même expérimenté la vitesse de décomposition d’un fil de cuivre dans l’écryme de Venice et dans elle de Méthalume. À quantité égale, le cuivre s’est corrompu en deux jours dans la cité industrielle alors qu’il en a fallu huit dans celle des arts. Un second test effectué quelque temps plus tard a eu des résultats sensiblement différents, tout en maintenant le déséquilibre entre les deux cités.
 
Pourquoi de telles dissemblances ? Parce que les propriétés de l’écryme varient en fonction de la quantité d’eau qu’elle contient. Le cycle de l’eau est connu de tous : la pluie se mêle à l’écryme, puis l’eau s’évapore sous l’action du soleil et se retrouve ensuite dans les brumes du matin et du soir ou sous forme de volutes en pleine journée, alors que le vent souffle plus fort. Une fois condensée en nuages, la pluie retombe à nouveau. Ce cycle extrêmement rapide est à l’origine du climat pluvieux et venteux de la Toile. Pour démontrer ma théorie, j’ai préparé diverses solutions mélangeant eau et écryme. Les plus diluées n’avaient, pour ainsi dire, plus aucun effet sur le métal. J’ai également réalisé l’expérience inverse en concentrant de l’écryme. Pour cela, il a suffi d’en chauffer de petites quantités. Plus je récoltais de vapeur d’eau et plus la solution dans l’alambic était épaisse et son contenu néfaste.
 
Pourquoi toute la surface de l’écryme n’est-elle alors pas entièrement homogène ? Simplement parce qu’elle est trop visqueuse, trop dense, pour être brassée. Et c’est cette propriété qui se retrouve dans de très nombreux phénomènes que nous n’avions pu expliquer auparavant.
 

De son immobilité

 
À première vue, l’écryme est immobile, elle ne produit pas de vagues. Pourtant, vous n’êtes pas sans connaître les travaux de Mazard qui, pendant quatre ans, a étudié l’émergence de la cathédrale de Rainhce près de Méthalume. Quoique réfutée par les scientistes, cette découverte a permis de prouver qu’à l’échelle du temps géologique, en certains lieux, l’écryme est sujette à des marées montantes ou descendantes. Par la suite, certains chercheurs avant-gardistes ont tenté de démontrer qu’elle était animée d’un imperceptible mouvement circulaire, une révolution durant plus d’un siècle. Tenté uniquement, car la démonstration n’était pas absolue. Ces déplacements sont liés à la diffusion de l’eau dans l’écryme.
 
Sans le savoir, les Loges emploient cette propriété dans nombre d’améliorations techniques et, en particulier, avec leurs dirigeables portés par l’hydrocryme. Ce gaz n’est rien d’autre qu’un mélange de vapeur d’eau et d’écryme. Les scientistes dissimulent leur sapience en évoquant un procédé peu coûteux permettant de le rendre rapidement utilisable. En réalité, ils prélèvent simplement de l’écryme qu’ils font bouillir. Dans un premier temps, seule l’eau s’évapore puis vient ensuite l’hydrocryme. Il est impossible d’obtenir un gaz d’écryme pur, car le matériel de chauffage se dégrade sous l’action de l’acide concentré avant la fin du procédé. Toute la difficulté pour le scientiste est de savoir distinguer vapeur d’eau d’hydrocryme, mais également de s’arrêter au bon moment. On parvient à diminuer l’usure de la chaufferie et donc à augmenter considérablement la production d’hydrocryme en ajoutant, de manière continue, de l’eau à la distillation. Bien qu’il ait permis l’essor extraordinaire du dirigeable et des machines à vapeur, on connaît encore mal les caractéristiques de ce mélange gazeux. Tout juste pouvons-nous affirmer qu’il est plus léger que l’air, qu’il n’est pas inflammable et qu’il n’est pas corrosif. Ce qui, compte tenu de sa provenance, est particulièrement étonnant…
 

OÙ L’ON SUPPUTE LES ORIGINES DE L’ÉCRYME

Extrait de Scène de vie et modernisme traversier par Jacques Lencone, Phonodition Carfeg & Fils.  
D’où provient l’écryme ? C’est une question simple pour une matière qui dicte l’intégralité de nos vies. Et pourtant, personne n’en connaît la réponse. Trop occupés à survivre, nous n’avons eu ni le temps ni les moyens de chercher les véritables causes de sa présence. Notre société s’est contentée d’adhérer à des mythes pour justifier son présent.
 

De l’explication du scientisme

 
La théorie la plus couramment admise, celle des scientistes et adoptée par les Loges, affirme que notre monde est né d’une découverte que nos ancêtres furent incapables de maîtriser. Pour contenir la famine, ils auraient créé une plante nourrissante poussant sous toutes les latitudes. Négligeant son développement anarchique, ils auraient ensemencé partout où la nature s’y refusait encore, transformant ce végétal en un aliment universel jusqu’à ce qu’il soit trop tard. La plante, comme une mauvaise herbe, serait devenue incontrôlable, recouvrant les continents, gagnant la mer. Pour beaucoup, l’écryme aurait trouvé là sa forme définitive. Une alchimie complexe, mêlant l’eau au végétal, serait à l’origine de notre horizon actuel, cette vase engloutissante qui n’épargne que quelques îlots. Les Loges voient là la conséquence logique d’un progrès irraisonné.
 
En se basant sur une idée fédératrice, simple à appréhender, les scientistes sont parvenus à imposer leur vision du passé à une grande majorité de citoyens. Pourtant, la force de cette théorie ne provient que de sa reconnaissance publique.
 

Des mythes emblématiques

 
Cette version de l’histoire n’est admise que par défaut et l’écryme reste un terreau fertile pour les légendes d’inspiration religieuse. Chacune d’entre elles nous renvoie à notre incompréhension de cette mer acide, pourtant omniprésente. Bien que déformées par chaque narrateur, elles survivent au dogme scientiste et présentent de troublantes similitudes comme, par exemple, de constamment montrer du doigt la science et ses effets néfastes.
 
Les croyances des céphales condamnent sans détour l’innovation technique. Selon eux, la société de l’Antécryme, société des machines, était si aliénante que les hommes finirent par en ressentir une profonde amertume. Ce Cri de désespoir résonna dans les rêves d’une humanité perdue, se cristallisa puis, mû par une force inconnue, donna naissance à l’écryme.
 
Pour les tenants de la Terre Morte, légende populaire sur la genèse de l’écryme, notre planète serait en train de mourir. Cette uniformité fangeuse en serait le symptôme le plus concret, le signe annonciateur d’une fin inéluctable. Le progrès est directement pointé du doigt comme responsable de cette agonie. Les conteurs évoquent un lent processus de putréfaction de la faune et de la f lore dont l’homme serait le spectateur résigné.
 
Il serait dérisoire de citer toutes les croyances cherchant à comprendre et interpréter ce déluge délétère. Les alchymistes de Méthalume décrivent l’écryme comme une maladie des machines mêlant l’huile au sang. Selon eux, cette thèse se retrouve dans les légendes des locomotives suintant de l’acide. Les moines carbonistes évoquent un monde d’esprits liquides et considèrent l’écryme comme une mer des âmes conduisant à la réincarnation. Certains, enfin, prétendent que l’écryme a toujours existé. Elle engloutirait les générations précédentes en suivant un cycle immuable de crues et de décrues, laissant entendre que des cités, aujourd’hui entièrement immergées, dorment sous nos pieds. Ils sont rejoints en cela par les adeptes de la Vague, qui parlent d’un raz-de-marée gigantesque dont le retour régulier réduirait les hommes à un éternel recommencement.
Type
Elemental / Molecular

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