Les vailes

Un voltigeur vèdre ne serait rien sans sa vaile. Grandes toiles colorées montées sur des cadres en bois robuste, ces voiles individuelles en forme de croissant de lune leur permettent de décoller dans les vents violents du Souffle pour virevolter dans les airs, loin au dessus de leurs camarades. La maîtrise de tels engins est l’apprentissage de toute une vie.  

Fabrication

  Une vaile est principalement constituée de deux parties : sa voile et son cadre.   La voile est faite d’un un tissu épais aux mailles très serrées, à partir des fibres de chön - une plante commune sur les plaines. Etirée en de longs filaments friables, la fibre est traitée au suc de maridre, un lézard cette fois qui pullule dans les crevasses balayées de poussière, qui la rend plus robuste et imperméable. Elle est ensuite tissée longuement par de patients artisans. La toile obtenue est teintée, puis peinte aux motifs du clan.   Le cadre est quant à lui partie la plus technique à réaliser. En effet il s’agit en général de branches qui s’emboitent avec ingéniosité pour permettre à l’ensemble de se replier lorsqu’il n’est pas en usage. Il est conçu dans le bois clair et à la fois léger, souple et résistant des jompes, ces grands arbres qui poussent dans les régions sud à la frontière avec Vertoile.   Le voltigeur enfile sa vaile comme un harnais, qu’il sangle au niveau de la poitrine et de l’entrejambe. Repliée, la voile lui fait comme la traîne élégante d’un oiseau, quasiment jusqu’aux talons. Il n’a qu’à se saisir des deux poignées pour déployer l’engin autour de lui. Un déclic sonore bloque le mécanisme qui fige le cadre dans sa forme de vol, jusqu’à ce que son propriétaire enclenche le taquet qui permet de le replier.    

Apprentissage et usage

  Les leçons de vol à la vaile occupent la majeure partie du temps des jeunes voltigeurs. Equipés de vailes adaptées à leur taille, les novices commencent par planer doucement accrochés à leur instructeur à l’aide d’un court filin - ce qui donne lieu à l’envol de joyeuses grappes braillantes qui amusent énormément le reste du clan.   Petit à petit, les jeunes gagnent en autonomie mais demeurent ancrés au sol par de longues cordes, les faisant ressembler à de petits cerf-volants. Lorsque les aînées estiment qu’un apprenti est suffisamment à l’aise dans les volutes agités, ils lui accordent enfin le privilège de voler sans entraves, en faisant un voltigeur accompli.   Tous les voltigeurs sans exception sont propriétaires d’une vaile, et savent à priori s’en servir - bien que les disparités de niveau de pilotage existent. Le vol est utilisé pour la chasse, la reconnaissance et la guerre principalement. Il est fréquent de voir des paires de voltigeurs et de piliers oeuvrer ensemble, l’un flottant dans les airs tandis que l’autre en dessous, monté sur mâchepierre, assure son coéquipier d’une ancre de corde mobile. En effet, le vol “libre” sans attache est le plus sujet aux accidents dramatiques, les bourrasques du Souffle pardonnant rarement.    

Risques et limitations

  Les voltigeurs peuvent remercier leur constitution vèdre, sans laquelle le nombre de victimes d’accident fatals au sein de leur caste exploserait tous les records. En effet, et même parmi les voltigeurs les plus aguerris, les chutes sont extrêmement fréquentes. Est en cause bien entendu leur environnement direct : bien que la force du vent soit la seule raison pour laquelle ils parviennent à décoller du sol, c’est aussi cette même force qui est la plus susceptible de les y renvoyer sans douceur. Il faut toute une vie pour être capable d’anticiper correctement la direction des rafales, et les vétérans eux-mêmes ne sont pas à l’abri de l’imprévisibilité de celles-ci.   Ainsi on évite de voler trop haut - une centaine de mètres pour les plus imprudents - et on limite les vols sans ancre au temps calme.    

Esthétique

  Assez logiquement, sa vaile constitue la grande fierté d’un voltigeur. Celles-ci peuvent adopter différents motifs et couleurs, et parfois même différentes formes.   La forme la plus commune est celle en croissant de lune, car c’est la plus facile à maîtriser. Les ingénieurs de certains clans travaillent néanmoins sur divers prototypes qui sont régulièrement testés par de braves cobayes, aussi voit-on fleurir parfois des escadres entières de voltigeurs portés par des vailes aux formes exotiques et intriguantes.   Les couleurs des vailes sont généralement criardes, afin de permettre la bonne vision des vèdres en vol. Certaines escadres privilégient une certaine teinte afin d’uniformiser leurs troupes, quand d’autres préfèrent que chaque individu soit facilement distinguable.   Quand aux motifs que l’on peint sur la toile, ils sont la plupart du temps relatifs aux symboles tribaux associés.


Cover image: by Flora Silve