La Bataille

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Boisé entre la Grande Allée et les Plaines d'Abraham

Matin du 13 septembre 1759  
Accroupi dans les fourrées derrière un tronc déraciné, l'agriculteur de 54ans et père de famille de Saint-Roch-des-Aulnaies, Jacques Soulard, chargeait son mousquet. Sur sa droite, son beau-frère et voisin, Sébastien Harvey; sur sa gauche, un autre de ses voisins; Pierre Castonguay 1. Le village de Saint-Roch avait fourni un contingent de volontaires de 7 miliciens, et ce matin-là; alors que les troupes de Montcalm arrivait par grappes sur les plaines, ils reçurent l'ordre de prendre position sur les flancs des Plaines pour harceler les troupes anglaises et gêner leurs manoeuvres sur leurs flancs. Autour des miliciens de Saint-Roch-des-Aulnaies, l'important contingent de miliciens de Québec, de Lévis et des contingents plus modestes de villages des environs venaient compléter les effectifs ainsi que les 60 guerriers hurons de Wendake. Un dispositif de plusieurs centaines d'hommes bien protégés par les sous-bois longeant la Grande-Allée le long des plaines d'Abraham.
  Lorsque j'eus terminé de charger mon mousquet, j'épaulai ce dernier en appuyant le canon sur le tronc et d'une main je dégageai ma vision en tassant les feuillages devant mes yeux, doucement; ayant l'impression que les milliers d'anglais sur la plaine pouvaient me voir. Devant, des grappes de soldats en uniforme blancs et bleues avançaient en tirant, suivi par des groupes de miliciens. Un jeune officier des Compagnies Franches passa devant nous suivi par un large groupe de milicien en disant: '' Les gars de Trois-Rivières, avec moi, les gars de Champlain, rejoignez les fourrées! '' Alors qu'il continuait son avancée pour rejoindre la ligne française qui était en train de se former, 4 gars se détachèrent des miliciens et se mélangèrent au groupe de Saint-Roch. Un jeune gars se plaça juste devant moi et commença à charger son arme: '' Sa va barder les gars, on va en voir de toute les couleurs à matin. Comment vous vous appelez? '' dis-je aux nouveaux venus.   '' Beaudoin '' répondis le plus proche
'' Contant! ''
'' Dubord! ''
'' Lacoursière '' 2 répondirent tour à tour les 4 miliciens du village de Champlain, près de Trois-Rivières.
  Alors que nos gars avançaient vers les lignes anglaises en tirant, les anglais restaient debout, immobile, sans répliquer. Soudain, alors que nos gars étaient rendus tout proche, on entendit les officiers se mettre à crier des ordres; puis ils épaulèrent leurs armes et tirèrent une salve simultanément qui eut l'effet d'une faux sur nos lignes en train de s'organiser. Des gars tombèrent par dizaines dans la plaine, un '' Oh mon dieu... '' atterré sorti de ma bouche. Devant les lignes anglaises étaient apparus un épais nuage blanc alors qu'ils rechargeaient leurs mousquets pour une seconde salve. Les français encore debout répliquèrent; mais les lignes n'avaient pas eu le temps de s'organiser et les miliciens qui les suivaient s'étaient couchés sur le sol pour se protéger. 3   Une deuxième salve anglaise fauche de nouveau les rangs français, qui répliquent de façon dispersée. Je remerciais le ciel de ne pas être debout sur cette plaine alors que Beaudoin faisait un signe de Croix pour se rassurer. Charest4, le capitaine de la milice de Lévis cria: '' TIREZ PAS LES GARS! ILS SONT ENCORE TROP LOIN! ''   La fumée blanche formait alors un épais manteau devant les troupes, on ne les distinguait que mal à cette distance, mais on vit bientôt les réguliers commencer à reculer en désordre. Plusieurs étaient blessés et fuyaient pour leurs vies, enjambant les cadavres de leurs camarades dans leurs fuites; un spectacle dramatique.   Charest: '' ON GARDE NOS POSITIONS LES GARS! ON VA COUVRIR LEUR RETRAITE! '' cria le capitaine alors que les premiers réguliers passaient devant nous. 5
  Harvey lança aux soldats qui passaient: '' Vous en faites pas les gars! On vous couvre! '' Ces hommes s'étaient battus pour nous défendre pendant 5ans, c'était notre tour de leur rendre la pareille.
  Alors que le nuage formée par la poudre brûlée par les tirs commençaient à peine à se dissiper, on vit surgir au travers les lignes de fusiliers anglais un régiment d'Highlander en kilt, ils courraient en tirant puis la plupart laissèrent tomber leurs mousquets pour dégainer une immense épée comme je n'en avais jamais vue qu'ils brandissaient bien haut en hurlant et en fonçant vers nos troupes qui fuyaient.   Charest: '' ILS SONT POUR NOUS CEUX-LÀ LES GARS! ATTENDEZ MON ORDRE POUR TIRER. ''
  Les miliciens les plus à l'ouest de nos lignes, ceux de Québec avec les guerriers hurons s'étaient déjà mis à tirer pour ralentir les anglais. Les démons rouges en kilt achevaient les blessés et les mourrants qui avaient le malheur de se trouver sur leur chemin, dévalant la pleine; c'était un massacre sans nom. Les lignes de fusiliers anglais fixèrent alors leurs baionnettes au canon puis ce mirent à avancer derrière les Highlanders. Une vague rouge avançait sur la plaine et avalait tout sur son passage, je serrai mon mousquet de toute mes forces pour ne pas trembler puis j'entendis Charest hurler: '' FEU À VOLONTÉ LES GARS! FEU À VOLONTÉ! ''   Je tirai aussitôt vers les Highlanders, puis sans regarder le résultat; rammenai aussitôt mon armee vers moi pour la recharger, frénétiquement. J'entendais les cris des blessés, le tonnerre des armes, les hurlements des démons écossais qui chargeaient. J'avais l'impression que recharger mon arme prenait une éternité: je sors une cartouche de poudres que je mets entre mes dents pour briser l'extrémité de l'enveloppe de papier ciré, puis je places la cartouche au bout du canon et vide la poudre, jette l'enveloppe vide parterre, prend ma perche fixé sous le canon pour bien compacter la poudre au fond de l'arme puis prend une balle dans la bourse à ma ceinture puis reprend la perche sous le canon du fusil et la pousse dans le canon contre la poudre, presque une minute plus tard, mon arme est de nouveau prête. Je l'épaule, et les derniers fuyards français passent à notre hauteur BANG! L'odeur de la poudre brûlée monte à mes narines. Je me couche derrière le tronc et recommence le processus frénétiquement.   Charest: '' Un groupe de cavaliers! VISEZ LES CAVALIERS! VISEZ LES CAVALIERS!''
  Lorsque j'eus terminé de charger mon arme, je vis les cavaliers foncer sur la plaine vers les fuyards, devant eux; des officiers avec des galons dorés aux épaules et, cette fois, je prends le temps de bien viser. Castonguay, Beaudoin et Contant font de même et nous ouvront le feu en cascade alors que plusieurs dizaines de miliciens font comme nous. Le premier cavalier est happé par une balle qui lui arrache les doigts puis deux autres le touche au torse, il s'effondre en bas de son cheval et les officiers qui le suivent stoppent net leurs charge, débarquent de leurs chevaux et vont aider leur camarade mortellement blessé et l'aide à se mettre à l'abri. 6 Cependant, malgré tout, nous avions une vague rouge qui avançait vers nous. Les hurons et les gars de Québec à l'ouest avaient commencé à se replier des sous-bois et on entendit l'ordre venir de Charest: '' ON SE REPLI LES GARS! ON SE REPLI! ''   Les highlanders se retournaient désormais vers nous, leurs grandes épées et leurs visages déjà couverts de sang. Je me levai sans demander mon reste, Harvey tira un dernier coup: '' On fou l'camp d'ici Seb. Castonguay, lâche nous pas d'un pouce! ''   Devant, Beaudoin était tétanisé par les démons rouges devant nous, je l'attrapai par le bras et le tirai par derrière: '' FAUT S'EN ALLER BEAUDOIN! FAUT PAS RESTER ICITTE! '' On se mit à courir, puis on traversa la Grande-Allée à toute jambe puis un terrain boisé, puis on s'engagea sur un sentier. Au moins un demi-lieu! On vit alors le Gouverneur De Vaudreuil debout sur sa charette qui faisait de grands signes en criant de reprendre le combat. Autour de lui, des miliciens s'étaient alignés à la cîme d'un coteau pour le défendre. De Vaudreuil était arrivé en renfort avec les acadiens, les gars de Montréal et ceux de Beauport et il tentait d'attraper au passage tous les groupes qui avaient pris la fuite sur les plaines. Les gars de Québec et de Lévis se joignaient à eux avec les hurons et on fit de même. Alors qu'on rejoignait le coteau, on se plaça dans la pente versant sud vers les plaines pour accueillir les anglais, un terrain en pente boisé nous offrait beaucoup de couvertures. Je dis à Beaudoin: '' Ils sont ou les autres de Champlain?! '' Il me répondit: '' Je sais pas! On les a perdu dans la retraite! Je sais pas! ''   Soulard: '' On va les retrouver après la bataille, ok? Reste calme mon vieux. Sa va ben aller. '' tentant de le rassurer. Il se mis alors à recharger son arme, je fis de même puis un autre groupe se plaça devant nous, Harvey leur demanda: '' Vous êtes de quel place les gars? ''
  Un d'eux répondit: '' Cape Saint-Ignace, pis vous autres? '' 7
Castonguay: '' Nous on est de Saint-Roch-des-Aulnaies, là vous avez les acadiens et là les gars de Lévis. '' en pointant notre groupe puis chaque flanc.
Le gars du Cape répondit: '' On est bin entouré! ''   Un officier des Compagnies Franches s'approcha alors de nous, marchant avec son sabre dans une main, du sang coulait sur son front, son visage sal et son uniforme tout autant; il nous dit: '' Il y a des blessés parmi vous les gars? '' Nous et les gars du Cape lui firent signe que non. L'officier dit: '' Je suis le Lieutenant Louis Legardeur 8, je vais prendre le commandement de cette partie de la ligne. Sur nos flancs, les acadiens commandés par Boishébert et les gars de Montréal commandé par De Vaudreuil. On va leur montrer aux anglais de quoi on est capable! '' 9   On entendit alors des cris en haut de la pente faisant face au coteau. Ils arrivaient. Legardeur dit: '' Restez cachés, ne faites pas de bruit et attendez mon ordre pour tirer les gars, on va les cueillir comme des fruits mûrs. '' Rassuré par la présence d'un officier vétéran, nous tenions notre ligne bien fermement en attendant de voir surgir les tuniques rouges et bientôt, on vit poindre les démons écossais couverts de sang qui dévalaient la pente, en hurlant comme des enragés, lorsqu'ils atteignirent en masse le petit valon entre la pente et le coteau, Legardeur se leva en tirant avec son pistolet et il hurla: '' FEU À VOLONTÉ! '' On tira vers les démons rouges, et comme l'avait prédit Legardeur, on les a cueilli comme des fruits mûrs, ils tombèrent comme des mouches dans le valon et leur charge fut stoppée net. Quelques-uns avaient poursuivi leur course frénétique, Legardeur fonça devant nos lignes, embrocha de part en part le premier en évitant son immense épée et un gars du cape fit trébucher un autre avec le canon de son mousquet et Legardeur l'acheva avec son sabre puis il hurla dans la direction des démons rouges: '' ALLEZ VENEZ! VOUS EN VOULEZ ENCORE!? ''   Les démons rouges reculèrent vers la peinte, au couvert de la verdure et, alors que des tirs dispersés continuaient d'être envoyés vers les écossais il hurla: '' CESSEZ-LE-FEU LES GARS! CESSEZ-LE-FEU! ILS VONT SE REGROUPER ET ILS VONT REVENIR! PRÉPAREZ-VOUS! RECHARGEZ VOS ARMES ET ATTENDEZ MON ORDRE POUR TIRER! ''
  Je rechargeai mon arme alors que mes frères d'armes autour faisaient de même, puis posai la crosse contre le sol et m'appuyai contre le canon, nous n'avions pas dormis de la nuit et la fatigue commençait à se faire sentir. J'épongeai mon front couvert de sueur avec ma manche. Legardeur se pencha vers le gars du cape le plus proche en lui tendant une gourde et il lui dit: '' Fait-la circuler. '' Puis le lieutenant se remit debout au beau milieu de nos rangs pour voir les anglais arriver alors qu'on était accroupi, bien protégé par les fourrées. Le gars du cape pris une bonne gorgée d'eau puis tendit la gourde à son voisin qui fit de même avant de la donner au suivant. Je fixai devant, les minutes s'égrainaient lentement puis, on entendit un tonnerre de cris qui se mis à dévaler la pente.
  Legardeur: '' ILS REVIENNENT! TENEZ VOUS PRÊTS! '' alors que Castonguay me tendait la gourde, je la pris rapidement et en bu une lampée avant de la laisser tomber à mes pieds alors que Legardeur hurlait: '' FEU À VOLONTÉ! FEU À VOLONTÉ! '' J'épaulai mon fusil en le braquant devant, la vague démoniaque était en train de traverser le valon et cette fois, ils ne semblaient pas avoir l'intention de s'arrêter là. Je tirai dans le tas puis me mis à recharger mon arme. Les gars du cape devant n'eurent pas le temps de recharger, ils empoignèrent le canon de leurs fusils pour l'utiliser comme un bâton alors que les premiers highlanders atteignaient leur hauteur. Vite! Vite! Vite! Alors que je bourrais la poudre au fond du canon, alors que devant un gars du cape accueillait un highlander d'un coup de crosse de fusil en pleine face. Legardeur: '' LÉVIS! RECULEZ ET COUVREZ AU VALON! SAINT-ROCH! TENEZ VOS POSITIONS ET COUVREZ LE CAPE! '' Alors que l'officier avançait dans nos lignes vers les démons rouges pour entrer dans la mêlée désordonnée au pied de notre position. Je replaçai la tige sous le canon de mon arme, puis la pris solidement entre mes mains, mais je ne pouvais tirer à couvert avec la mêlée devant; je poussai une forte expiration puis me levai d'un coup sec en épaulant mon arme. Je vis alors Legardeur tomber sur le dos, plaqué par un highlander, les gars du cape, débordés, reculaient vers nous. Je tirai sur l'highlander qui venait de plaquer Legardeur, il tomba au sol et je restai debout pour recharger mon arme puis j'entendis Charest hurler sur la cîme du coteau: '' COUCHEZ VOUS LES GARS! '' Alors je me jetai au sol et les gars de Lévis ouvrirent le feu au travers nos lignes, fauchant les démons rouges dans les hautes herbes du coteau. Une balle ricocha contre un tronc juste à côté de mon visage et un éclat de bois se ficha dans ma chaire, je l'en retirai en pestant un tabarnak bien senti.   Harvey couché à mes côtés: '' C'est pas passé loin! Sa va?''
Soulard: '' Ouais, sa va! '' Me remettant sur mes genoux pour recharger mon arme alors qu'Harvey et Castonguay firent de même. Les gars du cape rampaient vers nous, Legardeur se releva, seul à l'avant et il tira un coup de pistolet alors on entendit Boishébert ordonner à ses hommes d'obliquer leurs tirs dans notre direction puisqu'on y essuyait le gros de l'assault anglais. Des tirs de flancs nourris se mirent à faucher les highlanders qui tentaient de monter le coteau. Je finis de charger également, épaulai de nouveau mon arme et ouvrit le feu dans le tas. Les gars du cape arrivèrent à notre hauteur puis, ils se relèvent devant nous pour tirer puis ils se remirent à couvert. Beaudoin se leva à son tour et tira vers les anglais, il en toucha un en pleine gorge,et il s'effondra au sol en gargouillant de manière horrible, Legardeur acheva ses souffrances d'un estoc salutaire alors que le feu nourri des acadiens labouraient les rangs des rouges qui déccrochèrent et virèrent de bord.   Beaudoin: '' ON LES A EU LES GARS! ILS RECULENT! ''
Harvey: '' HAHA! ON LES A EU!!! '' celui-ci me donnant une bonne tape sur l'épaule, que je lui remis avec enthousiasme.   Legardeur: '' Beau travail les gars! On se remet en position! C'est pas fini! Ils vont remettre sa! On tient notre ligne les gars! On tient notre ligne! '' Plantant son sabre devant lui pour pouvoir recharger son pistolet. Alors que du côté des acadiens et des montréalais, on entendait aussi des exclamations de joie dans leur rang.   Soulard: '' On lâche rien les gars! On lâche rien! ''
Un gars du cape: '' On va retourner avec Legardeur à l'avant, faudrait pas qu'il lui arrive malheur. ''
Beaudoin: '' Vous en faites pas, on vous couvre. ''
Un gars du cape: '' Vous faites bin sa! '' en levant le pouce vers nous en marchant vers sa position au bas de la pente du coteau.   Je repris la gourde de Legardeur que j'avais presque oublié à mes pieds et je la tendis à Castonguay qui me remercia et en pris une bonne gorgée avant de la passer à Beaudoin. Les gars du Cape avaient repris leurs positions, Legardeur pris le temps de donner des conseils de tirs aux hommes autour de lui puis il monta vers nous, tenant son sabre d'une main et son pistolet de l'autre: '' Vous avez assez de poudres et de balles les gars? ''   Chacun inspecta sa cartouchière, certains lui firent un pouce en l'air et d'autres lui répondirent par l'affirmative. '' Vous avez fait du bon boulot les gars. '' Il s'accroupi '' Ils vont revenir et sa va barder. Si les gars du cape doivent reculer, faudra nous couvrir comme vous avez fait pour pas que le tenant se disloque, il faut tenir cette pente. Je peux compter sur vous les gars? ''   Soulard: '' Vous en faites pas lieutenant, St-Roch va tenir. ''
  Il nous fit un signe de tête, puis il se leva et dit vers les gars de Lévis à la cime: '' CAPITAINE CHAREST! TOUT VA BIEN EN HAUT?! ''
Charest: '' OUI MON LIEUTENANT! ON LES ATTEND D'PIED FERME LES TUNIQUES ROUGES! PAS VRAI LES GARS?! '' Et des cris d'approbation montèrent le long de la ligne lévisoise.
  Legardeur redescendit à l'avant avec les gars du cape, juste à temps alors qu'on entendait des cris de ralliements en haut de la pente en face de nous.   Legardeur: '' ILS REMETTENT SA LES GARS! TENEZ VOUS PRÊTS! ''
  Je pris une grande inspiration, tirai le chien de mon mousquet puis me levai en épaulant mon arme alors que les démons rouges dévalaient déjà la pente à toute allure. Fallait admettre qu'il leur fallait une sacrée pair de couilles pour nous charger une troisième fois. Ils débouchèrent sur le valon meurtrier au bas du coteau Sainte-Geneviève et les gars du cape les accueillirent aussitôt avec une volée de tirs fauchant les premiers devant eux. Je tirai, imité par les gars de St-Roch et de Beaudoin puis je m'accroupi pour recharger alors qu'une volée de tirs de Lévis passait au-dessus de nos têtes. Lorsque je me relevai pour tirer de nouveau, les gars du cape étaient déjà débordés, Legardeur rampait vers nous. Je tirai vers les tuniques rouges et réalisai qu'avec les Highlanders, il y avait d'autres régiments et Beaudoin cria: '' C'EST DES GARS DE VIRGINIE! ''   Castonguay: '' C'EST EUX QUI ONT BRÛLÉ NOS VILLAGES! '' 10
  Harvey: '' CREVEZ BANDE DE CHIENS! '' hurla-t-il avant de tirer
  Les virginiens tirèrent une volée en désordre vers le coteau, des balles sifflèrent à mes oreilles, certaines se fichèrent dans le sol tout près soulevant de petites gerbes de terres. Beaudoin tomba sur le dos en hurlant.   Beaudoin: '' CHUIS BLESSÉ! JE PISSE LE SANG! ''
  Soulard: '' Harvey! Va mettre Beaudoin à l'abri derrière les gars de Lévis! ''
  Je me relevai pour tirer alors que mon beau-frère se précipitait vers Beaudoin, passa son bras autour de ses épaules et commença à monter la pente vers la cîme pour mettre Beaudoin gémissant à l'abri. Devant, les gars du cape avaient été submergé et levaient les mains en l'air et je ne voyais plus Legardeur. Des highlanders fonçaient vers nous. Je pestai un tabarnak bien senti.   Soulard: '' St-Roch tient les gars! '' alors que j'ouvris le feu sur le plus proche highlander entendant les autres de St-Roch répéter: '' ST-ROCH TIENT! '' puis Charest: '' ST-ROCH TIENT LES GARS! COUVREZ LES! '' Une volée de tirs salutaires passa en haut de nos têtes, fauchant les highlanders les plus proches nous donnant encore quelques secondes de répit. Je me relevai en prenant mon arme par le canon de mon fusil pour en faire une mayoche, quittant la couverture des hautes-herbes en me relavant, je tombai nez-à-nez avec une tunique rouge qui brandissait devant lui son arme avec la baionette au canon et, sans réfléchir je lui envoyai la crosse de mon fusil en pleine tête, il tomba parterre et je posai un genoux au sol perdant l'équilibre à la fin de mon élan. Je sentis alors une vive douleur à mon poitraille et m'aggripai à mon fusil. Un autre virginien fonçait sur moi, sa baionette dirigée droit vers mon torse. Je réunis mes forces pour tenter de dévier la baionette d'un coup de crosse alors que Legardeur surgit des hautes-herbes son pistolet en main et lui fit sauter la cervelle puis il fonça ensuite vers moi, passant son bras sous mes aisselles pour m'aider à me relever: '' Allez mon vieu, on fiche le camp d'ici. '' puis il hurla aux gars de St-Roch autour: '' ON DÉCCROCHE! RECULEZ VERS LA LIGNE DE LÉVIS! ''   Pour nous, c'était la fin de la bataille.  

Hôpital Générale de Québec

Soir du 13 septembre 1759   Charles ouvrit le dernier rapport de Juchereau alors qu'il marchait vers le mur de pierres grises entourant l'hôpital. '' Montcalm est mort, nous avons perdu des centaines d'homme; mais la résistance des miliciens commandés par Vaudreuil nous a permis de regrouper les troupes et sauver l'armée, nous avons rejoint les forces de Bourlamaque stationné à Cape-Rouge et nous marchons vers Montréal. Nous reviendrons. '' 11
  Je passai la missive à mon infant, François qui se mis à la lire et me demanda: '' Je vais les rejoindre. ''
Charles: '' C'est du suicide, il y a des garoux partout dans les forêts; tu ne ferais que mettre ces hommes en danger. '' '' Vaudreuil a tenu caché des navires de ravitaillement en rade devant Saint-Augustin! Je pourrais en prendre un et... '' Nous traversâmes alors l'entrée menant à l'hôpital, et alors que nous vîmes le triste spectacle et il ne peut qu'articuler un: '' Oh mon dieu. '' alors que l'odeur du sang montait à nos narines.
  Une fosse était creusée, des brancardiers y jetaient des corps mutilés et des dizaines d'autres étaient alignés au sol, certains recouverts par une bâche, d'autres simplement par leur surcot d'uniforme. Des brancardiers transportaient d'autres corps inertes dans cette funeste file d'attente. Nous entendions les gémissements des blessés et des mourants venant de l'hôpital, une charette nous dépassa, transportant elle aussi son lot de souffrance avec à son bord des morts et des blessés. Il y avait tant de blessés que des dizaines avaient été entassés sur les balcons tout autour de l'hôpital et des tentes de fortunes étaient en train d'être érigée pour accueillir le flot de blessés qui ne tarissait pas. Dans cette cohut monumentale, des nonnes se démenaient tant bien que mal afin de prendre soin de ceux qui avaient peut-être une chance d'en réchaper, offrant les derniers sacrement à ceux sur le point de rendre l'âme. Une scène sordide et terrible. Arrivé à la hauteur du balcon sur la façade, nous vîmes un officier des Compagnies Franches tenant la main d'un milicien blessé et lui dit: '' Tu t'es bien battu Jacques. Tes enfants seraient fier de toi. '' l'homme sourit légèrement puis rendi l'âme, là, sur le balcon de l'hôpital. Le lieutenant lui ferma les paupières respectueusement alors qu'un autre milicien qui se tenait à ses côtés se mis à pleurer, le lieutenant lui fis une accolade et lui dit: '' On va porter Jacques et Beaudoin à leur dernière demeure, ils méritent bien sa. '' Ils trouvèrent de quoi couvrir le visage de leurs deux camarades, un brancard et transportèrent ces derniers avec les autres, près de la fosse.   François: '' Je le connais, c'est le lieutenant Legardeur. Je me suis battu contre les iroquois avec son père près Lachine. ''
Charles: '' Ce sont nos géants qu'on enterre ici. '' dis-je, atterré, réalisant que rien ne serait plus comme avant.    
1. Jacques Soulard, Sébastien Harvey et Pierre Castonguay: Ces trois pères de famille de Saint-Roch-des-Aulnaies se sont tous portés volontaires dans le contingent de milice de leur village lorsque l'officier Chaussegros-de-Léry vint lever la milice de celui-ci quelques mois avant la bataille des plaines d'Abraham. Ces miliciens participeront au siège de Québec puis à la fatidique bataille des plaines lors de laquelle Pierre Castonguay sera capturé par les anglais tandis que Jacques Soulard sera blessé et apporté à l'hôpital générale dans le Faubourg Saint-Sauveur, mais ce dernier perrira des suites de ses blessures et sera enterré dans la fosse commune jouxtant l'hôpital avec des centaines de victimes de la bataille. Le Mémorial de la Guerre de 7ans sera érigé à l'endroit de la fosse commune et le nom de Jacques Soulard y figure aux côtés de centaines d'autres victimes. Sébastien Harvey survivra à la guerre, il retournera dans son village qui, malheureusement, fut détruit par les anglais durant l'été 1759.
 
2. Joseph Beaudoin, Jean-Baptiste Contant, Joseph Dubord et Pierre Lacoursière sont 4 miliciens volontaires du village de Champlain ayant participé aux hostilités, ceux-ci seront tous tués lors des combats.
 
3. Le matin du 13 septembre les troupes de Montcalm arrivent par grappe sur les plaines après une nuit sans avoir fermé l'oeil et une marche entre Beauport et les plaines, ils tentent de s'organiser. Les régiments de Wolfe attendent dans une longue ligne sur les plaines, ils ont chargé leurs mousquets avec 2 balles et attendent l'ordre d'ouvrir le feu. Cette ordre viendra seulement lorsque les français seront à portés optimales, 4000 soldats anglais ouvriront le feu en simultanée et cette salve ravage les rangs français qui sont décimées. Les survivants peinent à s'organiser, mais y parviennent tout de même; mais les anglais enchaînent les salves alors que les français n'ont pas eu le temps de coordonner l'ensemble de leurs lignes. Bientôt, les rangs se disloquent et les troupes battent en retraite.
 
4. Étienne Charest est le capitaine de la milice de Lévis, il commande ceux-ci à la Bataille des Plaines. Celui-ci a déjà combattu les anglais plusieurs mois plus tôt à la Pointe-Lévy lorsque les tuniques rouges y débarquèrent en force; il tenta de résister avec ses hommes et tint bon plusieurs heures avant de devoir se replier devant la force du nombre. Il rejoint Québec avec sa milice et il sera blessé durant la bataille. Il recevra du Roi la médaille de l'Ordre des Chevaliers de Saint-Louis pour ses faits d'arme et sa bravoure, il sera le seul milicien décoré de cette médaille.
 
5. Alors que les lignes des vétérans de Montcalm se disloque sur les Plaines, les miliciens et les guerriers des premières nations gardent leurs positions dans le but de couvrir la retraite de l'armée régulière, ils couperont la route aux anglais qui tentent de prendre avantage de la fuite des réguliers français pour achever leurs régiments. Par cette couverture, les miliciens sauvent les régiments de réguliers qui se replient en désordre pour la toute première fois de la guerre.
 
6. Wolfe mène une charge de cavalerie au devant des fusiliers qui avancent pour clouer ce qui reste des réguliers français sur les plaines. Cependant, le feu nourri des miliciens et guerriers amérindiens dans les sous-bois le touche à trois reprises, lui arrachant les doigts d'une main et le touchant mortellement au torse. Wolfe mourra quelques minutes plus tard sur les plaines. On ne saura jamais les balles de quel guerrier des premières nations ou de quel milicien l'ont atteint.
 
7. 6 miliciens du Cape Saint-Ignace ont leurs noms qui se sont rendus jusqu'à nous, ces 6 combattants furent capturés par les anglais durant la bataille des Plaines d'Abraham, certains seront déportés et mis en prison et ne retrouveront leurs familles qu'après plusieurs années de détention. Leurs noms sont: Michel Couest, Alexis Gagnier, Joseph Gagnier, Joseph Gamache, Jean Fortin, André Richard et Lazare Richard.
 
8. Louis Legardeur de Repentigny est un officier des Compagnies Franches de la Marine natif de Montréal. Il est âgé de 38ans lors de la bataille des Plaines d'Abraham à laquelle il participe. Cet officier est un vétéran qui a participé à plusieurs batailles du conflit avant celle des plaines d'Abraham, en effet; il participe à la prise du Fort William Henry, la bataille de Fort Carillon ainsi qu'à la Bataille de Beauport et après la bataille des Plaines d'Abraham, il combattra de nouveau à la Bataille de Sainte-Foy en 1760 lors de laquelle il commande le centre des lignes françaises et il s'y distinguera pour sa bravoure et recevra également du roi la médaille de l'Ordre du Chevalier de Saint-Louis.
 
9. Le Gouverneur de Vaudreuil arrive sur le champ de bataille durant la retraite des réguliers avec des renforts de miliciens, il organise la défense du Coteau Sainte-Geneviève avec environ 1200 miliciens et des officiers des Compagnies Franches qui organisent et prennent le commandement du dispositif. Leur résistance est l'unique victoire française de la bataille, en effet; les miliciens repousseront deux assauts des highlanders anglais en leur infligeant de très lourdes pertes et ceux-ci devront recevoir du renfort de deux régiments pour venir à bout de la résistance de la milice qui déccrochera lors de la troisième charge anglaise. Les miliciens tiendront tête à trois régiments anglais pendant 2 heures, résistant à 3 charges avant de fléchir. C'est également lors de ces combats que les miliciens subissent le plus de pertes. Cette résistance héroique permettra aux vétérans de Montcalm de retraiter au-delà de la Rivière Saint-Charles pour se regrouper, sauvant ainsi l'armée du général qui meurt lors de la bataille.
 
10. Wolfe envoya des Rangers américains ainsi que les Blackwatch écossais pour brûler les villages à l'est de Québec. Ce n'est donc pas un régiment colonial américain qui a accompli cette triste besogne, mais parmi les miliciens, le mot s'est rapidement répandu que ce sont des coloniaux britanniques qui ont fait le travail. De plus, lors de la troisième charge, un des deux régiments envoyés en renfort aux Highlanders était un régiment de soldats coloniaux britanniques.   À noter qu'on ne désigne pas encore les habitants des 13 colonies britanniques comme étant ''des américains''.
 
11. Les survivants des plaines font jonction avec les forces de Bourlamaque stationné à Cape-Rouge, ils partent pour Montréal pour l'hiver et le Chevalier de Lévis en prend le commandement. Dès le printemps 1760, ils reviendront effectivement à Québec et vaincront les anglais à la Bataille de Sainte-Foy.

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