Nuages sombres

Les hauteurs des Chutes Montmorency

Nuit du 12 au 13 septembre 1759     Charles se tenait à bonne distance alors que sa vénérable Sire et la Matriarche Lasombra se faisait face au bord de la cime des chutes Montmorency, le grondement tonitruant des eaux masquants les invectives que les deux femmes se lançaient par la tête. Charles, de plus en plus intimidé par les nuages de colères s'amoncelant sous l'effet des bourrasques verbales des vénérables prédatrices préféra reculer de quelques pas supplémentaires... faisant signe à sa fidèle goule, le lieutenant-colonel des Compagnies Franches Marie-Eustache Juchereau 1, de quitter après que celui-ci lui eut remis son rapport quotidien alors que la situation s'envenimait, la dispute prenant de plus en plus d'ampleur et semblait atteindre un point de rupture alors que les crocs de Milady furent déployés et qu'Aliénor porta sa main au pommeau de son épée, Charles recula par réflexe de quelques pas supplémentaires. Alors, le tonnerre déchira les cieux alors que les bouche à feu sur le fleuve commencèrent à tirer, mais cette fois; celles sur les plages de Beauport leurs répondirent: Sa, ce n'était pas normal. Les deux femmes se retournèrent aussitôt vers les plages en contrebas: les batteries d'artilleries avaient ouvert le feu ce qui ne pouvaient signifier qu'une chose... les anglais attaquaient.   Wolfe allait-il tenter son ultime va-tout avant que l'hiver ne le force à lever le siège? Consolation, l'éclatement des hostilités sur les plages semblaient avoir chassés les nuages orageux au-dessus de Milady et Aliénor. En contrebas, les lignes françaises s'étaient mises en action. Les tranchées étaient en train de se remplir de leurs hommes, on voyait les pavillons des Régiments de La Reine, de La Sarre, du Béarn et ceux des Compagnies Franches, les miliciens de Montréal et des villages de la côte du sud s'enfonçaient aussi dans les tranchées, les guerriers des premières nations un peu plus haut derrières des abattis et dans les bastions étoilés, l'artillerie française répondait coup pour coup aux canons anglais qui éclairaient l'horizon chaque fois qu'ils ouvraient le feu, comme des lucioles dans la nuit, accompagné du tonnerre d'un orage. Bientôt, c'est une forêt de plus de 5000 mousquets qui s'étirent de la St-Charles aux Chutes Montmorency, prêtes à accueillir les anglais; chaque pouces de plage serait balayé par ce feu sans merci, totalement à découvert... les anglais n'avaient que peu de chance de réussir et pas beaucoup plus de survivre.   Allaient-ils tout de même tenter un deuxième débarquement sur les plages de Beauport? Charles, s'approchant de sa sire en lisant le rapport de sa goule déclara: '' Les troupes de Bourlamaque à Cape-Rouge rapporte que tout est calme. Tout indique que les anglais devront lever le siège au plus tard dans 1 semaine... il faut tenir encore un peu, mais je ne peux pas croire qu'ils vont tenter un second débarquement à Beauport, se sera un massacre, ils n'ont aucune chance. ''   Aliénor observait la plage, se délectant déjà de voir des marrées d'anglais y débarquer pour aussitôt être cueilli par les tirs français, les imaginant déjà se faire tailler en pièce, elle dit: '' Les nôtres creusent des tranchées depuis bientôt 3 mois, les rouges vont se faire massacrer, ils vont retourner sur leur île maudite la queue entre les jambes. ''   Milady: '' S'ils sont assez stupides pour débarquer à Beauport, sa risque d'être le cas. ''   Les échanges d'artilleries continuèrent plusieurs dizaines de minutes, puis, quelques barques de débarquement se firent voir approchant dans la baie. En bas, des officiers criaient des ordres aux hommes de se tenir prêts. Aliénor se frottait les mains, mais les barques n'étaient pas assez nombreuses, 50... peut-être 100 hommes, impossible que se soit leur débarquement.   Aliénor: '' Qu'est-ce qu'ils foutent? ''   Les barques anglaises se replient, mais les navires sont encore assez près pour mettre à l'eau des troupes et mettre en oeuvre un débarquement. Le temps semble se figer, puis une barque française en patrouille arrive sur la plage, les soldats sautent en bas, tirent l'embarcation et un officier sort des tranchées pour aller à leur rencontre, les hommes s'échangent quelques mots et l'officier se dirige en courant vers la tente d'état-major de Montcalm.   Aliénor: '' Qu'est-ce qui se passe? ''   Les minutes s'égrainent puis... les heures passent, les soldats, miliciens et guerriers restent à leur poste dans leurs tranchées, réveillées par les échanges de plus en plus sporadique d'artillerie. Trois heures du matin, Charles pointe vers la porte Saint-Jean alors qu'il observe avec sa longue-vue: Un signal d'alerte venant des ramparts.   Charles: '' Probablement qu'ils ont vu les navires dans la baie et qu'ils nous alertent d'un possible débarquement. ''   Peu après, les vaisseaux anglais s'éloignent, les tirs cessent. Des ordres semblent être données afin de permettre aux hommes de retourner à leur bivouac pour prendre du repos et tout s'interrompt alors que des coups de canons sont entendus tirés des ramparts de la ville. Il est 4heures du matin.   Aliénor: '' Les enfoirés, ils ne vont pas débarquer alors qu'on sera dans nos cercueils! ''   Milady, aussi accrochée à sa longue-vue dit: '' Là, regardez. '' Pointant vers le pont-à-bateau entre les deux rives de la Saint-Charles. Un cavalier venait de le traverser et l'adjudant-général Gohin était allé à sa rencontre, puis l'officier s'empressa de donner des ordres à des estafettes qui coururent vers les tranchées du Régiment de Guyenne sur l'ouest du dispositif défensif, près de la rivière Saint-Charles... les soldats sortirent de leurs tranchées et se mirent en rang, se mettant à avancer vers le pont, vers Québec. 2   Les vampires se regardèrent, cela ne pouvait signifier qu'une chose, la plus improbable de toutes: Les anglais attaquaient Québec. Comment était-ce possible? Quelques minutes après le mise en marche des colonnes du régiment de Guyenne, le mot sembla se répendre dans les tranchées qui se mettaient en branle. Les réguliers et une bonne partie des miliciens se mettaient en marche vers Québec, Charles entendit une estafette venir en courant, se dirigeant vers le campement sur la rive est de la Montmorency pour les avertir de la manoeuvre, Charles l'intercepta et lui demanda: '' Qu'est-ce qui se passe?! ''   L'estafette dit: '' Les anglais ont monté par l'Anse-aux-foulons! Ils sont 4000 sur les plaines en ordre de bataille! '' le jeune homme continua sa course   Charles resta figer sur place, L'Anse-aux-foulons? Comment une armée avait-elle pu escalader une falaise escarpée de la sorte? En pleine nuit?! Le diable était du côté de ses satanés tuniques rouges!   Aliénor, qui entendit l'estafette dit: '' Perfide Albion! ''   Charles: '' Le jour va se lever, il faut nous mettre à l'abri. ''   Les trois vampires se dispersèrent... avec comme une chape-de-plomb sur leurs épaules alors qu'ils savaient que durant leur sommeil, le sort de leur ville allait se jouer. Les soldats de Montcalm, qui n'avaient pas fermé l'oeil de la nuit, allait devoir marcher des plages de Beauport jusqu'aux plaines d'Abraham pour affronter les anglais, ce qui ne serait pas une mince affaire...    
1. Marie-Eustache Juchereau fut effectivement Lieutenant Colonel des Compagnies Franches de la Marine, descendant de la lignée des Barons de Beauport dont la plupart firent une carrière militaire au sein des Compagnies Franches, il sera renvoyé en France par les anglais à la fin de la guerre de 7ans et il perrira sur le vieux continent durant la Révolution Française, pendant La Terreur en 1792.
2. Durant la nuit du 12 au 13 septembre, des opérations de diversions sont lancées par les anglais afin de fixer les troupes de Montcalm à Beauport, pendant ce temps, 4000 anglais débarquent à L'Anse-aux-Foulons, après une brève escarmouche avec l'avant-poste qu'ils neutralisent, ils montent la falaise et se positionnent sur les Plaines d'Abraham et ont plusieurs heures pour se reposer alors que les troupes de Montcalm, tenus en éveil doivent ensuite marcher de Beauport aux Plaines pour affronter les anglais. Cette manoeuvre de Wolfe, fort perilleuse, fut cependant couronnée de succès. Si elle avait échoué, son état-major avait déjà pris la décision de lever le siège avant l'hiver, Wolfe avait joué son va-tout.

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