Le luth et l’épée

Antharil le compteur

Écris par Stan
La silhouette de la bourgade le Blanchegarde se dessinait en contrebas du champ de collines. La route, qui sillonne entre les cultures et les prés allant être moissonnés, fissure le paysage comme une cicatrice rappelant un temps passé de prospérité. Au loin, à l’ouest, le soleil se couche par-delà l’océan invisible prodiguant toujours la douce chaleur du mois d’Ottha’Cermië. En cette fin de journée, les paysans ont rentrés leurs bêtes, les artisans rangés leurs outils, les marchands démontés leurs étals, tous satisfaits d’une journée de labeur. Les plus téméraires, se dirigent à la taverne dépenser le fruit du travail accomplis et épancher la soif qui naît tout le long des belles journées d’été. C’est victime de ce même besoin de réconfort qu’un cavalier se dirige vers le bourg depuis l’Est. Il a chevauché longtemps, au rythme lent de ceux qui aiment voyager et qui, certain de la destination, ne cherchent ni à retarder, ni à anticiper la fin de leur périple. Cependant, aussi calme que soient l’homme et sa monture, les bruits de taverne, le fumet d’un bon repas chaud et la perspective d’un lit confortable sont autant d’éléments qui enhardissent le cœur du plus solitaire des vagabonds. La soirée bat son plein à la taverne et l’on prête peu d’attention à l’arrivée de l’étranger dans l’établissement. Sa stature massive ne lui épargne pas quelques regards suspicieux, ni ses oreilles pointues que l’on peut apercevoir une fois le capuchon de son ample manteau rabattu. L’épée suspendue à la ceinture de nouvel arrivant ainsi que la cotte de maille, autrefois luisante, que l’on discerne sous ses atours font lever un sourcil au garde de l’entrée. Le paladin, car c’est d’un paladin qu’il s'agit, pénètre néanmoins dans le vaste établissement sans être inquiété. Ici, tout le monde porte une arme, les incursions orcs ont rendu les gens méfiants. Le nouvel arrivant se dirige directement vers le bar auquel sont accoudés plusieurs badauds. On sert rapidement une bière locale au nouvel arrivant qui redécouvre les contours d’une taverne bien familière. Le luth et l’épée est un vaste endroit, réputé dans tous Qamah ! Sa bière y est d’une qualité supérieure, on dit que les filles de l’établissement peuvent répondre à tous les goûts et satisfaire tous les désirs. Son arène centrale est connue pour avoir vu les meilleurs guerriers y être défaits. Ainsi que les meilleurs parieurs…
La scène de l'établissement fait également l’objet d’éloges à travers tout le royaume, du moins, dans ce qu’il reste du jadis plus grand territoire humain. Un elfe se produit justement, se donnant en spectacle ostensiblement. Le son clair de sa voix résonne dans toute l’auberge et il délivre par son art et son luth une mélodie enchanteresse. Le masque d’argent qu’il revêt ne semble en rien compromettre son talent et ses frusques, amples et colorées, semblent osciller au rythme de sa musique. Les spectateurs, ce soir-là, versèrent larmes, rirent aux éclats, applaudirent de tous leurs êtres. Et lorsque l’elfe aux cheveux blancs eu fini, tous déposèrent une pièce dans le réceptacle qu’il présenta au public. C’est seulement après avoir repris une comptine populaire locale, remercié ses hôtes et pris rendez-vous avec les plus charmantes de ses auditrices qu’il se rendit vers le bar. S’accoudant sur le comptoir, il daigna jeter un regard au Paladin, qui le lui rendit. Il y avait dans ce regard de la malice mais aussi une profondeur que seuls les êtres les plus âgés possèdent. Ce fut néanmoins le barde qui prit le premier la parole.
  "Je sais que je manque facilement aux gens mais de là à me traquer dans ce coin pommé Pelador, tu me surprends.
  • Ne te flattes pas trop Paellas, notre rencontre est purement fortuite, je suis ici pour des affaires personnelles.
  • Hooo, vraiment ? Une de ces dames aurait attiré le regard du grand Pelador ? Sûrement la vieille orc Garuda, elle sait s’y prendre avec les grands qui se la jouent dur mais qui au fond, sont doux comme des agneaux.
  • Fort heureusement, mes vœux m'empêchent de céder à ce genre de tentations.
  • Camoufler son impuissance derrière des vœux de célibats c’est lâche sieur Paladin ! Que penserait le grand Val’alor de son illustre représentant ?
  • Cesse de parler si fort ! Et puis déjà, je n’ai jamais fait vœu de célibat."
  • En entendant cela le barde s’empara de deux cruches de vins qui venaient d'apparaître à point nommé sur le comptoir.   "Dans ce cas mon cher ami nous avons des histoires à nous raconter. Je veux tout savoir. Qui est la donzelle qui a percée la carapace de noblesse du vertueux Pelador ? Dis-moi mon ami, était-elle au moins consentante ? Éveillée ?
  • Arrête ça tout de suite !
  • Mais tu rougis ! Dirigeons-nous à cette table, puis nous demanderons de la compagnie"
  • Il est un drôle de spectacle que de voir un paladin rougissant essayer de calmer discrètement un barde haussant de plus en plus la parole au fur et à mesure que l'embarra de son compagnon se manifestait.
    "Prends une chambre à mon nom ! Tu auras le meilleur lit dans lequel tu n’ait jamais dormis ! Nous allons profiter de ce merveilleux vin clairet puis je veux voir Pelador le magnifique comme jamais il n’a été auparavant.
  • Paellas, je suis là pour régler un problème...
  • Non, non non non non non. Non.
  • Attend, je t’assure que..
  • Arrête ça tout de suite, j’ai dit Pelador le magnifique, pas Pelador le rasoir toujours au secours de la veuve et l’orphelin.
  • Mais, les vies de personnes innocentes sont en jeu.
  • Tu n'apprendras donc jamais ? Le mal et le bien sont deux facettes d’une même pièce. Ici les gens sont heureux, et tranquilles. Pourquoi vouloir défaire un petit problème local alors que nous savons bien que c’est structurellement l’ordre du monde entier qui est en défaut.
  • Mais je ne t’ai même pas dit de quoi il s’agit !
  • Je sais déjà quel est ton problème ! Ils se ressemblent tous. Un petit noble local ou un chef de gang exploite d’innocentes personnes et tu t’es mis en tête de mettre fin à son terrible joue. N’ai-je pas raison ?
  • C’est à peu près ça. Un nobliau, Alister, c’est auto proclamé régent des affaires de la région. Lui et sa bande ont corrompu le gouverneur impérial local au point de pouvoir littéralement faire ce qu’il veut. Trafic d’esclaves, d’armes, banditisme, combats de non-humains, drogue et prostitution.
  • Et tu crois que le démettre, va servir à quelque chose ? Dès qu’il sera parti un autre plus terrible encore prendra sa place.
  • C’est un risque que nous devons prendre, pour redonner espoir aux gens et espérer un jour rompre ce cercle malicieux.
  • NOUS ? Hors de question de m’impliquer là-dedans.
  • Paellas, il exploite et asservi les populations locales.
  • Je m’en moque ! Et puis vous les habitants des surfaces méritez d’être exploité.
  • Il fournit des armes à l’empire et dénonce les loyalistes.
  • Blablablaaaaaaaaa j’entends riennnnnnnn.
  • Il veut interdire les relations hors mariages.
  • IL QUOI ?
  • Ce dernier point est de mon invention, mais il t’a fait réagir.
  • Fils de Tiranoeil, j‘ai failli défaillir ! Dis-moi quand tu comptes agir que je puisse m’enfuir le plus loin possible de tout ça avant que la boucherie commence, je refuse d’en faire partie. "
  • C’est le moment que choisit un homme pour demander bruyamment le silence. L’annonceur se tenait debout parmi les tables les plus luxueuses de l’établissement. Son accoutrement fortuné mais de mauvais gout laissait paraître son opulence récente. Plomore était connu des locaux comme une personne à craindre car il était le bras gauche d’Alister. Les habitants se moquait d’ailleurs dans son dos de son ventre bedonnant, de sa moustache taillée à l’impérial et de son faux accent étranger qu’il se donnait. Cet homme affichait ouvertement sa soumission à l’occupant dans l’espoir non dissimulé d’en obtenir les faveurs. Cependant, lorsqu’il faisait face à son auditoire, comme c’était le cas ce jour là, tous lui souriaient et l’acclamaient craignant les représailles de Plomore le Vil.
    « Mes amis, mes voisins, mes frères. Vous êtes venus ce soir, pour assister à un spectacle des plus grandioses ! Nous vous avons promis un combat légendaire et vous l’aurez ! Mais avant cela camarades, je vous demande à tous d’acclamer votre bienfaiteur, le seigneur Alister »
    En disant cela, l’annonceur se tourna vers la table adjacente à la sienne, présentant à la foule un jeune homme vêtu à la dernière mode d'Erionth. A peine son nom fut il prononcé que le noble se leva pour saluer la foule, chassant ses cheveux blonds qui lui tombaient sur le visage. Nul besoin d’être un observateur attentif pour remarquer les nombreux bijoux qui ornaient l'homme. Trois fines chaines de mithril se détachaient du lot. Reliant sa ceinture aux colliers de ses trois esclaves elfes, elle luisaient d'un bleu inquiétant. Les visages de ces femmes, autrefois fières et libres, étaient marqués par les nombreux coups qu’elles avaient reçus.
      "Pelador ne me dis pas que tu comptes agir ce soir.
  • Non évidemment, ce serait déraisonnable.
  • Content de te l’entendre dire, je peux donc siroter mon vin tranquillement ?
  • L'occasion serait tout de même idéale...
  • N'en dit pas plus. Je vais empaqueter ma cornemuse et mes frasques, je reviens te dire au revoir. "
  • Le barde finit alors cul-sec le reste de son verre puis se rendit dans sa chambre, laissant Pelador seul face au spectacle à venir. L’ambiance dans la taverne était à son comble, plus de trois cents convives étaient venu pour l’évènement. Le brouhaha général n’était couvert que par la voix du teneur de comptes qui, à l’aide de ses assistants, prenait note des différents paris. Rapidement, le premier combat débuta et l’on vit s’affronter un gnoll et une araignée géante, suivit d’une joute entre deux esclaves. Il s’écoulât plus d’une heure, durant laquelle les clients devenaient de plus excité par la perspective de combats toujours plus grandioses, avant que Paellas ne revint. Alister avait bu sans modération et avec sa coterie hurlait encouragements et insultes aux différents combattants. Plusieurs fois on l’avait vu s’emparer d’une baguette de bois souple et punir ses esclaves qu’il jugeait responsables de ses mauvais paris.
      « Pelador, je ne suis pas de nature à juger facilement mais aucune femme ne mérite qu’on la traite ainsi, sauf si elle le demande bien sûr.
  • Je ne veux même pas savoir à quoi cette dernière remarque est sensée faire référence. »
  • Enfin, alors que le garde personnel de l’infâme seigneur venait de terrasser trois orcs en combat singulier, Alister se leva, enivré d’alcool et de sang.
    « Qui se propose pour défier mon champion ? De l’or et de la gloire pour quiconque le défait ? Personne ne répond ? Peut-être devrais-je désigner quelqu’un au hasard ? »
      Cette dernière déclaration jeta une chape de silence sur la salle, qui semblait étouffer le bruit de toutes les conversations. Nul ne voulait être remarqué par le noble, car tous savaient qu’il était capable de grandes colères.
    « Peladooooooor ! Que je ne me retrouve pas embarqué dans tes histoires! Ne fais pas le malin et il se calmera. Ne le provoque pas ou tu mettras tout le monde ici en danger.
  • Hummm.
  • Sérieusement, retiens toi d’intervenir, il faut absolument que tu.. »
  • Mais le barde n’eut pas le temps de terminer sa phrase, le Paladin c’était déjà levé et sa puissante voix résonnait dans tout le bâtiment :
    « Qu’attendez-vous pour relever ce défi ? Vous êtes nombreux et il est seul, faible. Ne comprenez-vous pas que son autorité vient du pouvoir que vous acceptez de lui accorder ? Aujourd’hui, ce sont ces elfes qu’il maltraite mais demain se seront vos sœurs et vos filles dont il abusera ! »
      Sa prise de parole avait surpris la foule et si le charisme imposant du Paladin donnait de la force à ses dires, tous craignaient la réaction à venir d’Alister. Le visage de ce dernier était déformé par la colère. Comment cet étranger osait-il lui parlé ainsi ? Lui qui s’efforçait de sortir ces pouilleux de leurs conditions de rampants sans valeur.
    « Gardes, tuez cet homme et son compagnon ! Jetez son cadavre aux rats ! Alphonso, mon champion, arrache-lui la tête à main nue ! »
      A peine eut il prononcé ces paroles que la foule s’écarta des deux compères. « Je tiens à préciser que je n’ai rien à voir dans cette histoire et que je suis simplement un barde itinérant à la recherche de l’inspiration.
  • Je crois que c’est hélas trop tard Paellas.
  • Merci beaucoup Pelador. Au fait, je te hais. »
  • Ignorant son compagnon vexé, le paladin dégaina son épée qui se mis à rayonner d’une lumière chaleureuse. Lorsqu’il prit la parole, se fut d’une voix calme et posée. « Je ne veux de mal à personne et je préférerais éviter les effusions de sang inutiles, rendez-vous maintenant. Changez Alister. Devenez quelqu’un de meilleur au service des autres. Vous en tirerez une satisfaction que tout votre or et votre pouvoir ne peuvent vous apporter.
  • Tes tours de magies ne marchent pas sur moi sorcier ! Je tirerais une satisfaction bien plus grande encore à empaler ta tête sur une pique ! »
  • Paellas intervint :
    « Il ne semble pas sensible aux charmes. Un cousin elfe éloigné peut-être ? »
     
    Alphonso et ses hommes profitèrent alors de cet échange pour attaquer les deux compères. Ils étaient en large surnombre et armés jusque au dents mais c’était sans compter sur les talents cachés de Paellas. Saisissant son luth il composa un accord dont la mélodie générée se transformât en onde de choc, assommant la majorité des assaillants. Faisant encore face à plusieurs ennemis il dégaina sa rapière et engagea le combat avec les brutes. Alphonso quant à lui s’était précipité sur le Paladin. Mercenaire expérimenté, il avait appris l’art de pourfendre lors de nombreuses campagnes. Son style était simple, rustique, brillamment efficace et sans fioriture. Malheureusement pour lui, il faisait face à un génie du duel, un maître du style défensif. Paladin qui plus est ! A peine les lames des deux combattants s’entrechoquèrent qu’un bruit de tonnerre retenti dans la salle. Une explosion de foudre repoussa Alphonso, ouvrant sa garde dans laquelle Pelador s’engouffra. La lueur radiante qui s’échappait de Karsiomir, l’arme du paladin, se changeât en une flamme qui embrasât le corps du mercenaire. Alors que ce dernier tombait à terre hurlant pendant qu’un brasier le consumait, l'ultime garde trépassait sous les coups de Paellas. Cet acte commis sans remord fini de convaincre la majeure partie des clients de quitter la taverne de peur d’être impliqués dans ce massacre.
      « Et voilà, j’ai déchiré mon manteau tout neuf. J’espère que tu es fier de toi.
  • Je ne comprends rien à ce que tu racontes, le trou de ton masque n’est plus en face de ta bouche.
  • C’est mieux ?
  • Certainement. J’ai vu le gros parleur sortir depuis la porte arrière.
  • Je m’en occupe mais tu me dois un nouveau costume »
  • Paellas lança donc à la poursuite d’un Plomore courant pour sa vie. Pelador quant à lui s’avança, tout en évitant les clients qui fuyaient, vers la table du seigneur Alister.
    « Tu es un excellent combattant Paladin, défaire Alphonso si facilement, tu es digne d’éloges. Peut-être seras tu même un duelliste à ma hauteur ? Vois-tu, un homme doit être capable de se défendre lui-même. »
    Le jeune homme tira de sous la table deux magnifique rapières de très grandes factures et se mis en position de garde. Écartant une table qui gênerait leur duel, le guerrier se replaça face à son adversaire et adopta une garde défensive auquel il excellait. Personne ne bougea pendant plusieurs minutes, les deux opposants scrutant la moindre faiblesse dans leurs postures. La tension qui se construit lors d’un duel qui voit s'affronter de si formidables combattants est presque palpable. Elle occupe une place qui est sienne dans la salle et devient un élément considérable de l’affrontement. Cette tension ne se brisa que lorsque le jeune seigneur s’élança vers son adversaire les deux lames pointées vers le bas pour complètement retomber au moment où celui-ci se rappela qu’il était attaché à ses esclaves par trois chaînes. Retenu par les belles elfes qui tirèrent d’un coup sec sur leurs liens, il tomba sur le dos. En position de faiblesse, il ne put éviter la forme massive de l’orc Garuda qui s’abattit sur lui. « Alors petit homme, on pense pouvoir me vendre sans conséquences ? » 
    Ce qui suivit n’a pas sa place dans une nouvelle tout publique mais disons que les trois esclaves et l’orc eurent l’opportunité de faire regretter au triste sire les sévices qu’il leur avait fait subir. Pelador était resté en retrait face à ce défoulement de violence. Il n’aimait pas l’effet qu’avait cette émotion sur le cœur des néruviens. Il rengainât son arme, sorti du bâtiment et se dirigeât vers l’écurie ou l’attendait son ami barde.
    « J’ai laissé le gros Plomore vivant après lui avoir vidé l’esprit de toute mauvaises intentions.
  • Tu as bien fait, suffisamment de sang a coulé aujourd’hui.
  • A qui la faute, hein ?
  • Je n’ai pas l’impression que tu te sois particulièrement contenu.
  • Une fois le combat commencé... Mais, dis-moi, où comptes tu aller ?
  • Je ne sais pas encore, passer le reste de la nuit loin d’ici en tout cas.
  • Je compte faire route vers Erionth pour y passer quelques temps, faisons la route ensemble.
  • Bonne idée ! C’est bon de te retrouver Paellas.
  • Allons, allons, ne nous épanchons tout de même pas trop. Mais ça fait plaisir de te recroiser aussi camarade !
  • Je parlais à mon cheval…
  • HA NON MAIS C’EST PAS POSSIBLE TU VAS PAS RECOMMENCER ?

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    Author's Notes

    "Relu par Anthony le 30/05/2019"


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