Pangur Bán Jowro Futatoro

J'ai fui. J'ai fui malgré ma peur de l'eau. Futatoro est le nom de ma tribu qu'ils ont dévastée. Pangur Ban est le nom qu'ils m'ont donné pour m'enlever mon humanité. Tout Blanc. Quel est ce continent ?

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Maa kodôn bê...

Maa kodôn bê... L'homme a tout pour savoir...   Les ruines de ce qui fut autrefois le palais de Neelam avaient maintenant quasiment toutes disparu sous une végétation luxuriante. Sequoias, fougères, lianes, palmiers et cacaotiers étendaient leurs racines, leurs branches et leurs feuilles autour des quelques pierres encore debout. Le sol était frais. L'humus était riche. Une source d'eau surgie d'on ne sait où alimentait la zone et quelques trous d'eau permettaient aux diamants mandarins, aux marantes, aux becs de corail de s'abreuver. Les insectes bourdonnaient sous une chaleur écrasante : mouches et moustiques s'en donnaient à cœur joie. Comment cet oasis était-il apparu sur un continent d'Herra'tat dévasté par les dragons ? Nul ne le sait. Mais la zone autour de ce qui avait été le palais de Neelam était verte. Une tache au milieu d'un océan de désolation craquelé par le souffle du tyran et de son fils. Anan. Vasu. D'homme ? Aucun. D'elfe ? Encore moins. Mais sur le sol surchauffé aux confins de cet oasis pas plus large qu'une demi lieue, un bousier pousse sa boule de nourriture dix fois plus grosse que lui. En évitant de tomber dans les fissures de la terre morcelée. Il travaille sans relâche à sa survie. Sa survie qui ne tient qu'à un fil. Le pouvoir, l'ambition, la corruption, l'argent, la jalousie, tout ce qui a abîmé ceux qui autrefois vivaient ici, qui marchaient sur deux jambes, tout cela lui est inconnu. Dans son minuscule cerveau d'animalcule, seul compte son voyage pour survivre. La destination lui importe peu. Il stockera sa boulette là où le sol sera moins brûlant.   Sur un promontoire rocheux, une magnifique panthère noire vient observer le tableau vert. Ses muscles font briller sa peau. Les reflets du soleil se perdent dans l'ébène profond de son pelage, presque bleu. Derrière elle, ses deux petits trébuchent et hument l'air de leurs petits museaux palpitants.   Maa kodôn bê... L'homme a tout pour savoir... ... nka i kobê dôn tê. Mais il ne peut tout savoir.

Le tout dernier voyage ?

LE DÎNER MULTICOLORE ?   Après le discours de Prince Samay, au dîner, l’atmosphère d’abord très solennelle s’est allégée. La métaphore filée des « vignes de l’unité » que nous devions cultiver a semblé faire mouche, sauf peut-être auprès de Dame Gugnyk, l’elfe noire pleine de noblesse en face de moi, qui m’a semblé lever les yeux au ciel. Je l’interrogeai sur sa confiance en Samay, sur sa confiance en nous. « Je suis ici car j’ai donné ma parole, me dit-elle. Et puis, j’aime bien votre couleur de peau. » Elle me fit sourire. Elle était alliée, oui, mais semblait vouloir garder à tout prix la culture de sa différence. Cela me fit plaisir d’être assuré de son assistance. J’avais rencontré son peuple lors d’une de mes premières aventures avec le groupe. Opprimés, oppressés par des orcs, les elfes noirs m’avaient touché et ramené dans mon passé.   Dans les épaisses mines de métal, Sous le joug de la naga corruptrice Les kobolds frappent et laissent des cicatrices Moi je creuse la terre comme un animal   Ce peuple si différent du mien avait enduré la même souffrance, celle qui prive un être de ce qui le définit en tant qu’être. Humains, elfes, nains, peu importait. Et ce qui m’avait encore plus ému était la façon dont Samay et mes autres compagnons les avaient aidés, au péril de leur propre vie.   C’est pour cela que j’étais ici. J’avais non seulement retrouvé une famille, mais je sentais qu’en suivant une quête qui me dépassait, j’allais réaliser ce qui pouvait le plus m’apaiser : faire perdurer le nom des Futatoro. Et un jour peut-être, aller chercher les survivants de mon peuple. Sous la table, je serrai la main de Jalal, le berbère à la peau de châtaigne qui avait fait fondre mon cœur sous ma peau d’ébène.   Ko dum o dum laawol ngal dabbude. (Un seul bracelet ne tinte pas, proverbe peul).     LA DERNIERE NUIT ?   Jalel avait planté une tente dehors. Hommes du désert et des plaines, nous y dormirions bien mieux que dans les riches soieries des palais. Et j’avais envie d’être seul avec lui, même si la proximité de mes compagnons d’armes ne m’effarouchait plus. Seul avec lui car je savais que nous risquions de ne plus nous revoir avant longtemps. Nous fûmes sages cette nuit-là, nous contentant de nous étreindre dans les bras l’un de l’autre et de respirer notre odeur. Jalel devait mener ses hommes à la guerre contre les armées de l’ombre. Je devais aller trouver l’écaille de naga dans le tombeau de Mahan Prakaash, dans les ruines du palais de Neelam, avec Samay, Bran, Moonie… et demain matin Katarina devrait affronter le grand père de Mars. Elle nous avait tout expliqué après le dîner. J’avais déjà compris l’essentiel, en écoutant « un peu » aux portes…   LE DUEL REPOUSSE ?   Quelle joie ! Même si ce n’est que partie remise. Karis, le grand-père de Mars, a envoyé sa fille Miranda combattre à sa place ! Katarina bouillonnait ! J’espère qu’elle gagnera sa vengeance. Je la comprends. Son frère est mort. Je comprenais également Kethot qui s’était isolé loin du palais et n’avait pas participé au dîner de la veille. Je fis une entrée tonitruante dans sa tente avec ma Cwengu qui lui lécha le visage ! Mars était magnifiquement allongé auprès de lui, à peine recouvert par le drap. Leur peau à tous les deux était tellement blanche. comparée à la mienne... Albâtre et ébène... « – Laisse-moi Pangur, je dois dormir… – Tu as surtout besoin d’évacuer le tonneau de bière que tu as descendu ! Viens avec nous, Kethot, le duel est repoussé, personne n’est mort, Kay… pardon, Kat, a accepté de repousser sa vengeance personnelle afin que nous partions à la recherche de l’écaille. Il me tarde que nous la trouvions, cette fichue écaille ! Tu sais que c’est ça que je devais rapporter au riche marchand quand je suis parti de Port Shanti..? » Mais je sentais que mes paroles ne faisaient qu’augmenter son mal de tête. En partant, je ramassai discrètement un autre « mouchoir » au pied de leur couche, afin qu’il rejoigne « mon petit trésor » nécessaire à Cwengu lorsqu’il s’agit de renifler la trace de mes compagnons.   Au moment de partir, je donnai ce que j’avais sans doute ce qui me restait de plus précieux à Jalel : mon armure de cuir. Je ne la portais plus, je l’avais remplacée par une plus robuste, avec des clous… Mais celle-ci me venait de ma sœur Shayna qui l’avait cousue de ses mains. En échange, mon compagnon à la pierre tournoyante me confia un talisman en argent gravé en forme de triangle. Des « 8 » entrelacés y étaient gravés. Pour me porter chance. Au revoir Jalel. Au revoir et pas adieu.   Même si, je le sentais, ce voyage risquait d’être la fin. Ou le début… de quelque chose qui me dépassait.     LA VERITE REVELEE ?   Avant d’affronter des crânes de feu lévitant au-dessus de pièges, Bran m’avait fait don d’un grand arc magnifique. Le bois était finement gravé et représentait des feuillages qui me rappelaient les arbres des Futatoro. Je pouvais conserver de côté mon premier arc, offert lui par Sow, mon ami d'enfance.   Shayna, ma sœur, je te montrerai un jour mon armure chic Sow, mon ami, mon frère, je te montrerai un jour mon arc elfique. Je suis un nouveau chasseur, je ne chasse plus le lion Moi Pangur, je sauve le Monde avec mes compagnons.   Merci Bran ! Je ne savais pas encore quels pouvoirs passifs cet arc possédait, mais il fit merveille contre le crâne de feu qui nous menaçait. J’étais devenu un tireur d’élite. Mes flèches rataient rarement leur but.   Katarina est une femme très belle. Elle porte encore en elle son besoin de vengeance mais elle s’affiche désormais au grand jour, elle ouvre les portes comme Kay, elle se bat comme Kay, elle est aussi agile que Kay… avec la même grâce que Kay, mais un poids en moins. J’étais honoré d’avoir fait pivoter la statue en forme de serpent à la recherche d’une ouverture. Elle trouva la serrure. Nous trouvâmes les clés plus tard.   Dans le tombeau de Mahan Prakaash, l’ancêtre de Samay, nous trouvâmes trois sarcophages. Dans celui de Mahan Prakaash, point d'écaille de naaga, mais un bouclier d'apparat. J'en aurais pleuré. Chaque aventure, chaque lieu, chaque instant étaient censés nous rapprocher davantage de la précieuse relique. Mais là j'avais l'impression qu'elle devenait de plus en plus inaccessible... A la place, il nous a fallu résoudre des énigmes, ouvrir un cryptex, lire le journal d'une infecte gobeline perverse au langage ordurier... Pour découvrir que Rufus, le mage naga métamorphosé en liche par le fléau, Rufus dont nous avions perdu la trace depuis longtemps, Rufus le corrompu, avait été là, dans cette pièce, quelques heures auparavant. Le journal de Madriga, la gobeline ordurière, nous apprit qu'il souhaitait devenir immortel, voyager dans le temps. C'était lui, bien sûr, qui devait avoir dérobé l'écaille !   Il nous fallait courir, encore, courir pour vite rejoindre le malfaisant aux gorges de Neelam. Il projetait apparemment l'ouverture d'une faille. Il était en possession du "cube". Et nous savions qu'il possédait désormais l'écaille. Tout n'était peut-être pas perdu.   En guise de vérité, nous comprîmes que le destin de Samay était écrit. Qu'il était en quelque sorte la "réincarnation" de son ancêtre Mahan Prakaash. Qui était Vasuki, dont le tombeau était vide ?.. Qui était Anantaakal ?.. Pourquoi Moonie avait-elle reçu les prédictions "6" et "12" de sa chère déesse Sumie ? 612... Une date charnière dans l'histoire de la famille de Samay. En quittant la pièce, je jetai un dernier coup d’œil aux tombeaux...Personne ne semblait se soucier de la reine consort, elle aussi enterrée ici, son cercueil repeint à la va-vite. C'était définitivement une histoire "entre hommes"... Les couvercles cassés des cercueils me firent mal au cœur... Comme si nous avions ouvert une boîte de Pandore et que le mal ne pouvait plus être y être contenu. Nous ne pouvions plus reculer. Nous étions là pour, nous aussi, affronter notre DESTIN.     DES DRAGONS ?   Cwengu était étourdi et très affaiblie. Couchée sur le flanc, elle semblait presque de l'autre côté. Mon cœur se serra. j'avais à tout prix essayé de débusquer Madriga sur le champ de bataille. La gobeline perverse se téléportait dès qu'elle était à portée de l'un d'entre nous. Je l'avais vue en face de moi, tout près, mais avant que je puisse dégainer ne serait-ce qu'une seule de mes épées courtes, l'infâme avait disparu. Cwengu avait reniflé sa piste à un autre endroit du terrain, non loin des célèbres menhirs des Gorges de Neelam. D'un mouvement de tête, je donnai l'autorisation à Samay de lancer un sort pour la faire apparaître. Mais c'est Cwengu qui tomba... Les orcs présents sur le champ de bataille avaient été balayées par les éclairs de la compagnie et une nouvelle créature très puissante invoquée par Moonie. Une céleste ! Rufus était apparu. Sorti d'un portail bleu. Sa puissance était indescriptible. Protégé par une bulle d'antimagie, mes épées courtes, même imprégnées de magie, ne semblaient même pas l'égratigner. Il se jouait de nous. Il avait brandi le cube... Une sorte de rayon en était sorti, allant frapper... l'écaille d'un dragon ! Un magnifique dragon de bronze qui arrivait derrière nous, volant au-dessus du sol. Il me semblait plutôt petit, mais déjà majestueux, étendant ses ailes sur une envergure d'une bonne vingtaine de mètres déjà... Je n'aimais pas beaucoup la magie, mais j'appréciais ces créatures. Celui-ci semblait dirigé par un être à la peau rouge et à la cape bleue, cornu tel un diablotin... Mais je n'eus pas l'occasion d'admirer la scène davantage, car alors que Rufus allait s'engouffrer dans son portail bleuté, le dragon projeta un souffle de tonnerre terrible, qui nous frappa violemment mes compagnons et moi.   Je serrai entre mes doigts le talisman de Jalel. Et ma dernière (?) vision fut plus effroyable. bien plus effroyable. Du ciel, écartant les nuages de ses membres puissants, Il se frayait un passage. Il était rouge vif. Il était monstrueusement fascinant. Il était monstrueusement dangereux. Il était le début et la fin, l'Alpha et l'Omega. Il était notre mort et notre renaissance. Il était l'Ouroboros. Anan...   Mes amis, je suis là.   Mes esclavagistes m'ont nommé PANGUR BAN "Tout blanc" ; ce n'est pas moi. J'ai fui, j'en suis coupable. Aujourd'hui je renais : JOWRO est mon vrai nom Ca signifie "guerrier", ce n'est pas sans raison.   Sur une page blanche, mon destin s'est écrit Debout face à la mort, j'espère ma survie, J'irai tous vous venger, famille et compagnons, Avec ma panthère, mon fier arc, mon tympanon.   J'étais chasseur, dresseur, j'étais un sauvageon Je suis Pangur, Jowro, je suis FUTATORO Je suis vitesse, je suis dextérité Je ne suis pas mort, mais sans cesse recréé            

Déchirures de métal et trous de serrure

LE VER POURPRE   Ce mouchoir appartenant à Kethot, je l’avais ramassé dans un couloir du Céleste. Je comptais le lui rendre. Comme l’étoffe de la robe de Moonie à Neverview. En attendant, avoir quelques affaires intimes de mes compagnons me permettait de les faire renifler à Cwengu afin qu’elle se mette sur leur piste. Et là, j’avais besoin qu’elle apporte une potion de soins majeure au druide aux cheveux de feu. Le pauvre était mal en point. Ma fidèle panthère bondit du toit et courut vers Kethot. Malheureusement, elle dut bondir sur une de ces créatures mortes-vivantes qui menaçait le druide à terre… La fiole de potion roula de la gueule de Cwengu et se perdit. Mon sauvetage félin avait échoué. Quant à moi, je bandais très fort… tous mes muscles saillants, afin de retenir l’infâme créature volante encore vivante avec mon grapin de fortune, mon fidèle piège à mâchoires de 20 kilos au bout de ma corde. Je voulais l’empêcher de nous faire encore plus de mal. Samay, couvert comme Moonie de spores verdâtres et fétides, repoussa la créature de sa main télé kinésique. Je me retrouvai soulevé du toit et fis des cercles en l’air. Lorsque l’immonde monstre volant fut enfin mort et que j’eus retrouvé mes esprits, je me retrouvai seul sur le toit, avec une horde de non vivants bien vivants grognant les bras tendus vers moi. J’en tuai un avec mes épées courtes mais je compris rapidement que j’étais en mauvaise posture. Moonie a alors lancé un sort de sanctuaire, je le sus plus tard, afin d’empêcher les créatures de m’attaquer, m’empêchant également de les attaquer encore et encore. Il en viendrait d’autres, encore et toujours. Les hordes geignardes de créatures non vivantes peuplaient cette ville maudite. Ma raison retrouvée, ma rage retombée, je décidai de fuir en sautant, dans un bond prodigieux, sur le toit d’en face. Les mètres qui m’en séparaient auraient paru infranchissables à quelqu’un de banal. Mais je n’étais pas banal. J’étais un chasseur de plus en plus en plus entraîné. Dans l’air, je vis Cwengu entourée de mes compagnons courir au loin. Alors que nous pensions enfin sortir de cet enfer et retrouver la douceur des sièges capitonnés du Céleste, une ultime infâmie se mit en travers de notre chemin. Une monstruosité sortie de terre dans un vrombissement assourdissant. Un ver pourpre immense, à la gueule béante et au corps hérissé de pointes. Il avala Moonie, puis Kethot, qui devaient suffoquer à l’intérieur ! Et alors que Bran donnait de l’épée, moi de la flèche, Samay utilisa ses pouvoir pour faire vomir l’immondice et recracher nos compagnons affaiblis pas les sucs gastriques de la bestiole. C’est alors que je me rappelai des légendes qui entouraient ces monstruosités dans les plaines autour de mon village. Elles étaient attirées par des sons sourds et répétés au sol. Juché sur un toi, je dis à mes compagnons de me rejoindre en hauteur, et de laisser la créature plonger dans le sol et ressurgir ailleurs. Plusieurs sources de bruits furent ainsi conçues, la plus ingénieuse étant celle de notre prince qui anima les restes de non vivants pour les faire marcher au sol. Le ver géant, ayant percé le sol de part en part, finit par disparaître. Mes compagnons me dissuadèrent d’emprunter les galeries qu’elle avait laissées derrière elle pour aller l’achever. Nous l’avions vaincue par la ruse. Nous devions rejoindre le céleste au plus vite.     SOMBREFEUILLE   Quel plaisir de retrouver le Céleste… et les bras de Jalel ! Mon amant m’accueillit avec un « basoutat nigri cartam », « bienvenue mon chasseur d’ébène ». La nuit fut intense. Les suivantes furent brûlantes. Mes blessures furent vite soignées. Arin fut une fois de plus confronté à nous soupçons et nos questions se firent de plus en plus pressantes. Nous n’avions pas trouvé d’écaille de Naga à Clairfeuille. Nous ne savions toujours pas qui il était vraiment, quels étaient ses parents… Il nous avoua que lui non plus ne savait pas. Décontenancé par toutes ces incertitudes, j’allai retrouver mon beau Jalel pour une sieste coquine, et alors que le plaisir allait nous étreindre à nouveau, la Céleste rugit et se plia dans un fracas de métal. J’avais connu un naufrage dans la Mer de la Désolation, voilà maintenant un déraillement. Les hordes de zombies nous entouraient. A nouveau. Heureusement, des soldats de neverview mirent les morts vivants en déroute et nous escortèrent. Jusqu’à Sombrefeuille. Quelle merveille que cette ville. Verdoyante, toute de bois construite. Autant Neverview m’avait rebuté avec ses hautes façades minérales et son argent affiché ostensiblement, autant Sombrefeuille, même si elle respirait une certaine noblesse, m’attirait. Tout respirait la nature ici. Samay a retouvé sa mère adoptive, la reine Mina. Moonie a retrouvé le conseiller Leyvin. Notre prince nous fit un discours exaltant, dont j’ai retenu ce morceau de phrase : « Finies les préférences et les choix ethniques. » Tout comme Jalel m’avait appris à m’ouvrir aux amours masculines, j’avais appris avec mes compagnons à côtoyer des personnes d’autres origines, leur faisant confiance. Mon esprit s’était considérablement ouvert. L’aventure m’avait transformé. Nous gagnâmes une chambre collective en haut d’un manoir magnifique. Samay trouva une énigme dans son livre, parlant de vaisseau échoué de l’âme, de six lettres apparaissant à la lumière de l’amour. Vasuki ? Au bout de ce voyage, à Neelam, là où tout avait commencé pour Samay et les autres, nous attendait l’écaille. Vraiment ? Arin, une fois de plus pressé de questions, nous montra un tatouage de naga rouge se mordant la queue de toute beauté, mais effrayant. Il a oublié beaucoup de choses. Des fragments entiers de son passé… J’errais un peu dans les couloirs du manoir, écoutant quelques conversations aux portes. Moonie me rejoignit bientôt, un livre à la main. Elle semblait déçue de ne pas en apprendre beaucoup plus sur Anaantakal ou le châtiment de l’oubli. Dans le petit salon, avant le dîner, les révélations sont allées bon train. Kay notre roublard a accusé un vieil homme important de Port Shanti du meurtre de son frère… Le vieil homme en question est le grand-père de Mars ! Samay a beaucoup parlé avec sa mère adoptive, la reine Mina. Moi, j’ai rôdé dans les cuisines pour savoir ce que nous allions manger au grand dîner, mais je me suis fait chasser par un drôle de jeune homme avec une cicatrice sur la joue. En m’asseyant en face de Jalel et à côté de Vellor que nous avions retrouvé toujours aussi bavard, je constatai que les mines étaient graves. Kethot n’était pas là… Le lendemain à l’aube, il nous faudrait partir. Je n’ai pas bien compris où. Mais je suivrai mes amis. Je rendrai le nom de ma tribu, les Futatoto, célèbre. Là, dans cette pièce luxueuse, entouré de ses amis, de son bel amoureux à la peau de châtaigne, de tous ces gens importants, Pangur Ban, Panpan, simple chasseur de lions, était arrivé bien loin. Et le voyage n’était pas terminé. Tant que l’homme n’est pas mort, il n’a pas fini d’être créé.

A bord du Céleste, destination la mort

A BORD DU CELESTE Alors que le Céleste des Brumes avançait à toute vapeur au travers des plaines d’Heera’tat, en direction du Nord, je cherchais du réconfort. Nous avions beaucoup discuté avec Arin. Nous l’avions même noyé sous les questions. Nous avions appris que notre prince Samay n’était pas le véritable frère d’Amellys. Qu’il avait été en quelque sorte « créé » pour ensuite se sacrifier. Pour ouvrir un portail. Un peu de sang de la lignée des Prakash devait être versé, pour accomplir le rituel. Sur les dessins trouvés dans les affaire d’Arin, ce n’était pas Samay, mais Mahan Prakash qui avait été dessiné. Samay devrait-il suivre la même voie ? J’étais bouleversé.   Où es-tu, ma sœur à moi ? Ma Futatoro ? Es-tu seulement vivante ? Je conserve de toi cette armure de cuir, précieusement dans mon sac.   Ma famille était ici maintenant. Ils étaient dans ce wagon. Et peu importait mon passé. Peu importait celui de Samay. Celui d’Arin, décidément peu clair. Nous devions avancer. Et pour cela il nous fallait cette maudite écaille de Naga. Il y en avait justement à Clairfeuille. Plusieurs ! Moonie avait interrogé sa déesse. Nous irons. Nous les trouverons. En attendant, j’avais besoin de réconfort. Tard dans la nuit, je me glissai hors de ma couchette pour explorer les couloirs du Céleste. J’avais choisi une cabine près des guerriers berbères et de leur chef le sculptural Jalel. Je n’avais pas abandonné l’idée de partager son corps, à défaut de partager sa langue. Il m’avait tout de même appris quelques rudiments de commun des profondeurs. Il y avait des similitudes avec le commun que nous parlions au quotidien. Mais pour l’heure je n’en avais pas besoin. Des gémissements attirèrent mon attention. Ils ne venaient pas de la cabine de mon chef aux yeux de mandarine, mais de celle de Frey, le guerrier qui avait partagé ma tente au village des Terres Flétries. Après cette nuit, le valeureux guerrier à la peau d’épice m’avait plusieurs fois lancé quelques œillades qui m’avaient rougi les joues, malgré ma peau d’ébène. Frey n’était pas seul, mais peu m’importait. Je me glissai dans la cabine capitonnée de tissu rouge et de dorures et me laissai dévêtir de mes frusques de rôdeur par des mains expertes. J’en comptai six, auxquelles j’ajoutai les miennes afin d’explorer des corps musclés, celui de Frey mais aussi de ses deux compagnons dont je ne connaissais même pas les noms. La parole n’était d’aucune utilité lors de ces échanges, seul le langage des corps comptait, et nous en abusâmes pendant de longues heures. Alors que je prenais un peu de repos sur le sol confortable et molletonné de la cabine, dans une douce fatigue de plaisirs virils, deux nouvelles mains vinrent caresser ma poitrine. Dans un demi-sommeil, je n’avais pas entendu la porte de la cabine glisser. Elles étaient plus grandes, plus douces et pourtant plus viriles encore que les précédentes. Elles vinrent effleurer mes tétons et mon entrejambe avec une grâce infinie, ravivant mon désir que je pensais satisfait. A la lumière de la lune, j’entrevis leur couleur. Celle de la châtaigne.     JALEL Homme du désert, Courageux berbère Aux cheveux de jais, Au yeux orangés   Ta peau de châtaigne, Ta chaleur, m’enseignent L’amour héroïque Un élan magique   Jalel, Jalel… Sauras-tu m’entendre ? Là, dans ton désert, Mon désir est sincère.   Enfin mon ange berbère m’avait considéré. Enfin il avait cédé. Je lui avais cédé. Toutes les portes de mon corps et de mon âme, même les plus secrètes et fermées, avaient cédé. Il m’avait emmené dans sa cabine, me soulevant dans ses bras puissants. Il n’avait aucune jalousie de mes abandons auprès de ses guerriers. Juste du désir et de l’envie. « Où est ta pierre de maîtrise tournoyant habituellement autour de ton large front ? » Il ne comprit pas ma question. Je la vis sa pierre de Tankata, parmi ses effets personnels, protégée par les étoffes écrues de sa tunique. Il avait appris à la désactiver pour se reposer. Cela facilita nos ébats qui durèrent toute la nuit.   LA MORT, LA VIE, DES GAFFES Ces plaisirs exquis durèrent jusqu’à notre arrivée à Clairfeuille. Je crois que mon prince berbère m’aime. Et que je l’aime. Nous partagions de moins en moins la couche de Frey et des autres guerriers, nous plongions de plus en plus longtemps dans les yeux l’un de l’autre. Les quelques mots que nous avions en commun nous suffisaient pour nous comprendre. Puis les mots devinrent des phrases. « Nin pier te niveros ». Je ne veux jamais te perdre. Moi non plus. Aussi, lorsque je trouvai mon homme aux prises avec ces infâmes duegars, un wagon entier de ces nains libidineux et toujours affamés à la peau grise, je le sauvai. Avec Moonie qui était venue prêter main forte. Les nains avides avaient voulu dérober la chevalière de Kay. Je m’interposai. Samay s’interposa. Les nains des profondeurs voulaient de l’argent, mais aussi de la nourriture. Je donnai aux cuisines la recette de mon ragoût de chèvre spécial « Futatoro » : quelques baies nourricières générées par la magie suffisaient à relever la chair fade des biquettes d’une délicieuse point d’acidité. Les créatures bêlantes ramenées de l’antre du naga corrupteur et chargées dans le Céleste, même transformées en délicieux ragoûts, ne suffirent pas tout à fait, cependant, à calmer toutes les envies des nains affamés. Il fallut que la délicieuse et provocante Moonie leur projetât des illusions, des créatures d’un érotisme torride effectuant des danses du ventre molles et lascives. Cela permit aux duegars d’épancher leurs désirs entre eux et de laisser en paix mon prince berbère à la pierre tournoyante. Quand nous arrivâmes à Clairfeuille, ils semblaient calmés. Je fis comprendre à Jalel qu’il devait rester avec Arin pour le protéger au cas où les nains libidineux et avides avaient un retour de flamme. Clairfeuille était loin de ce à quoi nous nous attendions. La ville était en ruines. Dévastée. Des traces de sang au sol, reniflés par Cwengu, nous alarmèrent. Tout sentait la mort ici. Nos espoirs de trouver une écaille de Naga parmi cette désoltaion étaient minces. Arin nous aurait-il menti ? Il fallait de toute façon alimenter le Céleste d’un éclat de fanal. Nous étions bloqués. Nous dûmes affronter de nombreuses créatures à Clairfeuille. De terribles manteleurs qui se divisaient en trois et nous aspiraient la tête. Ma pauvre Cwengu en fit les frais. Un immonde Glabbrezu, que je voulus condamner au silence. Je ne maîtrisais pas ce sort. Sa portée était bien plus imposante que je ne l’espérais. Le démon sorti de l’enfer était certes réduit à ne plus lancer de sorts, et mes compagnons non plus. Ils se retrouvèrent privés de leurs attaques les plus puissantes et me lancèrent des regards courroucés. Première gaffe. J’avais aussi emmené le prêtre Geoffrey sur la terrasse du bâtiment. Pour lui montrer notre céleste, et notre bonne foi. L’individu au visage balafré avait en effet semblé choqué par la poitrine provocante de Moonie et par le culte de sa déesse de l’amour. Je l’abandonnai en haut du bâtiment pour rejoindre mes compagnons : Kay avait lancé un cri d’effroi ! Je le retrouvai aux prises avec un premier manteleur. Seconde gaffe. En effet, une fois débarrassés des manteleurs, de leurs illusions et de l’infâme Glabbrezu, une fois l’éclat de fanal récupéré dans cet entrepôt, nous montâmes tous sur le toit afin de retrouver… des morts vivants ! Geoffrey s’était transformé. Et il n’’était pas seul ! Les hordes de ces créatures mortes affluaient. Et dans le ciel, deux Vrocks, des créatures ailées hideuses, tournoyaient. Ils emportèrent Khetot dans leurs serres et le lâchèrent au sol, au milieu des zombies. Ils firent de même avec Moonie qui reçut en plus d’infects spores de poison sur sa blanche poitrine immaculée. Bran se lança à la rescousse de la prêtresse. Je lançai mes flèches sur les Vrocks. Qu’allions nous devenir ? Il nous fallait fuir. Mais comment ? Même invisible, Moonie ne pouvait échapper à la horde de zombies qui reniflait son odeur enivrante. Bran allait-il pouvoir la sauver ? Et Khetot, très affaibli ? Le druide aux cheveux de feu allait-il succomber à ses blessures ? Samay, Kay, mes amis, résistez ! Il nous fallait retourner au Céleste. Il me fallait revoir Jalel…

De chair et de métal

UN AMI RETROUVÉ Un Mars tout neuf, tout nu et tout mutique, nous suivait ; ainsi que le troupeau bêlant des chèvres que Cwengu et Louna avaient rabattues à la perfection, animaux de combat, animaux de bergers ! Compagnons de fortune et d’infortune toujours présents. En arrivat au village des Terres Flétries, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir notre ami roublard ! Kay ! Il nous avait rejoints en bateau, à bord du fameux Vif Argent, évitant ainsi les plaines dangereuses que nous avions mis trois semaines à parcourir jusqu’au village. Mais jamais je n’aurais échangé ma place avec lui pour ce voyage, l’eau me faisait toujours autant horreur, mes pieds bien ancrés dans la terre craquelée aux abords de ce village martyr me le rappelaient. Kay avait gardé l’orbe ténébreuse, celle-là même que Kethot avait touché à ses dépens, entrevoyant dans une autre dimension le Mal rouge absolu. Au grand soulagement de notre Paladin, l’habile voleur n’avait pas vendu la pesante relique malfaisante. Quant à l’Elfe aux yeux de miel, Arin, il nous donna des nouvelles importantes par une lettre du conseiller suprême de Neverview qui soufflait le chaud et le froid… Le siège d’Edgewind était levé. Les elfes noirs avaient tenu leur promesse. Ces êtres esclaves des orcs, comme moi il y a plusieurs années des kobolds et de notre chamane pervertie, avaient rempli leur part du contrat. Nous les avions libérés, ils avaient libéré Edgewind. Par contre, Sombrefeuille était dans une situation critique, et comment rejoindre le Nord aussi vite ? Il faudrait voler. Il faudrait nous y téléporter… Le conseiller n’avait pas oublié notre belle et plantureuse Moonie. Je vis les yeux de notre chère prêtresse briller lorsqu’il évoqua son nom dans sa lettre.   AMOUR À CŒUR DÉÇU, AMOUR À CORPS REPU Même si j’étais content de retrouver Kay, c’est le beau berbère à la peau de châtaigne qui attirait toute mon attention. Je ne comprenais rien à ce qu’il nous racontait, notre prince Samay s’efforçait de nous traduire ses paroles… Il était questions d’une forteresse habitée par des nains, d’un marchand des Sables énigmatique, et d’un Céleste, un moyen de transport inédit que j’imaginais comme un grand faucon en or… Samay avait rendu à Jalel la pierre de Tantaka, qu’il avait analysée comme étant une pierre de maîtrise ! Il lui avait surtout permis de se lier avec elle, et la pierre effectuait désormais des mouvements circulaires en flottant dans l’air autour de la tête du chef de village berbère. Un acte de la part de notre prince qui montrait une fois de plus sa grandeur de cœur. Car cette pierre aurait pu lui octroyer de grands pouvoir supplémentaires dans la maîtrise de sa magie d’occultiste. Tant de grandeur d’âme me serra le cœur, je voyais bien en Samay un grand roi, honnête, davantage préoccupé par le bien-être de son peuple que par le pouvoir. Tout le contraire de la chamane des Futatoro, la vile Yaatako, qui avait cédé à l’appel du métal et de l’argent. Toujours est-il que paré de la pierre volante, Jalel en imposait encore plus. Alors qu’il continuait à nous expliquer qu’il fallait protéger les femmes et les enfants du village dans une autre cité du désert, sur la route de la forteresse, un élan me saisit. Je lui accrochai deux branches de gui qui me servaient à matérialiser mes baies nourricières dans les replis de ses étoffes. Malheureusement, mon geste resta sans grande réaction de sa part. il eut l’air de penser à un acte de récompense guerrière pour les précieuses informations qu’il nous donnait, et il ne vit pas l’offrande amoureuse que je lui faisais. Moi qui lui avais composé une chanson à accompagner au tympanon ! Le cœur empli de tristesse, je me morfondis pendant le reste de la soirée, brossant le poil de Cwengu et affûtant la pointe de mes flèches magiques récupérées dans l’antre labyrinthique de l’affreux naga corrupteur. C’est alors qu’un des guerriers berbères du village que nous devions emmener avec nous s’approcha de ma tente et fait une caresse à Cwengu, en plantant ses yeux de terre dans les miens. Alors qu’il se léchait les lèvres, je compris que ce fier guerrier, musclé et bien charpenté, n’était pas farouche en ce qui concernait le mélange des corps. Ravalant ma déception, je me dis que si je ne pouvais approcher plus intimement le chef Jalal, je pourrais au moins m’entraîner aux amours masculines avec un de ses guerriers. En attendant qu’il comprenne. C’est donc plein d’un élan nouveau que je m’abandonnai aux étreintes viriles du guerrier dont je ne connaissais même pas le nom. Moi Pangur Ban, moi le chasseur, je partis cette nuit-là en exploration de terrains inconnus pour moi. Ils étaient forts et très doux. Ils étaient chauds et musclés. Ils ne présentaient aucun danger, sinon d’en redemander encore et encore. C’est plein d’une belle énergie que je me réveillai aux aurores, gardant sur ma peau l’odeur de celle du guerrier aux yeux de terre.   LES NEGOCIATIONS RATEES Me faire passer pour un écuyer m’allait très bien. Le marchandage, ce n’était pas mon affaire. Ce Xorlock était un « marchand des sables » selon Jalel. Je me méfiais de l’argent qui corrompt les cœurs, comme le coltan avait pourri le cœur de notre chamane. Rester en retrait et porter l’armure de notre belle et plantureuse Moonie sur le dos de Cwengu m’allait très bien. La Divine avait décidé de charmer le marchand. Elle ne désirait pas se montrer vêtue de plates. Je profitai de notre déambulation dans le couloir du marchand pour composer dans mon esprit un hymne à ce Xorlock. Je savais que la flatterie était le mécanisme qui animait ce genre de personnes. Il avait fallu laisser Louna et Cwengu à l’entrée, les gardes dwergars refusant l’entrée de poils dans la forteresse… Etrange… Mais ce que nous découvrîmes dépassait de très loin notre imagination. Xorlock n’était qu’un immense œil terrifiant, parcouru de pédoncules incurvés comme des couleuvres malades. Rassemblant tout son courage face à ce monstre répugnant il entama la négociation. J’entonnai sur mon tympanon portatif ce chant sans prétention, la voix un peu tremblante, pendant que Moonie gonflait sa poitrine et que Bran et Kay serraient les pommeaux de leurs épées. Ô puissant Xorlock Ô vous, assistants nains, Nous venons en brocs, Nous venons en bien.   Xorlock tout puissant, Prince des Marchands Voilà not’ requête, Ecoutez, c’est chouette…   Une royale offre marchande Que vous devriez prendre Nous sommes dans le besoin D’un seul de vos biens :   Un céleste…   Sur mes dernières syllabes je vis les lèvres de Samay prononcer une incantation, je crois qu’il venait de lancer un sort de « Charme-monstre ». Malheureusement, ni ma petite ode, ni la magie de notre prince ne furent d’aucune utilité. L’infâme créature nous précipita dans un précipice qui s’ouvrit sous nos pieds, nous tombâmes de trop haut pour ne pas subir de dégâts… Quand au son de « tyra ! tyra ! » scandé par les nains gris nous vîmes apparaître une autre créature, énorme et- comme sortie d’un autre âge… Nous comprîmes que notre sort était scellé…     SILENCE ET CHEVAUCHEE « Kay, vise le tyranoeuil avec tes flèches ! » lança Bran à notre roublard. Et en effet, l’œil immonde flottait au-dessus de notre arène, nous lançant d’horribles sorts. Des rayons de magie pure sortaient de son iris. Le pauvre Kethot se vit transpercer le ventre par un rayon violet de magie concentrée. Ses chairs laissaient entrevoir un trou béant, comme les guerriers du village des terres flétries attaqués par le dard des bourdonneurs. Mais le pire… C’est que l’immonde créature savait lancer des zones d’antimagie ! Des zones de magie morte ! La pauvre Moonie était sans armure, vêtue seulement de sa belle robe de soirée rouge, et elle ne pouvait lancer ses sorts salvateurs ! Notre bonne prêtresse courait, toujours élégamment mais en tremblant, la terreur se lisait sur son visage… Kethot se transforma en corbeau pour aller picorer l’iris abominable, mais un rayon le volatilisa hors de son perchoir (une lance récupérée de notre dernière aventure !)… Même notre vaillant Bran succomba à un rayon de sommeil. Et il y avait le tyrannosaure, énorme créature de muscles. Je lançai un sort de silence sur Xorlock afin de nous donner un peu de répit, mais la créature en sortit bientôt, lévitant à l’envi au-dessus de nos têtes. Cwengu n’était pas là pour ajouter ses morsures à mes flèches. Petit à petit, nous grignotons la vie du tyra. Samlay l’abat. Et Kay notre ami mystérieux retrouvé se fait l'auiteur d'une action de grâce ! Il grimpe avec une agilité dépassant l'entendement sur l’immonde œil et lui plante ses épées dans le blanc, projetant des gerbes de sang ! J’utilise mon piège à mâchoires comme grapin pour remonter, mais l’engin n’est pas pratique à projeter. Nos compagnons déjà dans la salle du haut nous font monter Moonie et moi le long d’une corde. Le combat fut terrible. Nous avons tous failli y passer. En déchiquetant les restes du marchand des Sables de son épée, Bran sembla bizarre lorsqu’il toucha du bout de son épée une orbe noire identique à celle que Kay avait conservée. Nous décidâmes de conserver cette abomination que le marchand conservait dans ses entrailles pour communiquer avec un seigneur du mal. Des dwegars, au nombre de six, étaient prêts à nous attaquer encore… Lorsque de prince, Samay se comporta en roi. Il fit un discours d’une noblesse et d’un courage incroyables, il imposa sa fermeté, il soumit les nains gris pour obtenir ce que nous étions venu chercher…   LA CELESTE MACHINE DE METAL HURLANT Les dwegars, courbant la tête, nous guidèrent auprès de deux nains rigolos. Les dresseurs du céleste. Je n’arrivais décidément pas à me représenter cette créature… D’autant qu’elle mangeait du charbon ! Comment une créature de la nature peut-elle ingurgiter cette matière noire dépourvue de tout nutriment ? Puis nous comprîmes. Nous vîmes la merveille. Le monstre de métal hurlant. Prêt à conduire une véritable armée.   Moi Pangur Ban, moi Panpan comme m’appelait Moonie, moi le chasseur des plaines, moi l’ancien esclave, j’allais chevaucher avec mes amis une machine magnifique. Nos aventures s’enchaînaient, nos liens se serraient, le destin du monde nous attendait. Une flèche de plus dans l’œil du malheur.   Sombrefeuille, nous voilà !...

Le serment des Terres Flétries II - La monstruosité du passé et du présent

UN CHEF DE VILLAGE ENVOÛTANT Les terres arides portent bien leur nom. Tout est désolé ici. Mes compagnons souffrent de la chaleur qui craquelle la terre. Moi je suis un peu plus habitué qu’eux. Pas de gibier ici. Pas de plantes non plus. Heureusement que j’avais cueilli assez de branches de gui après notre départ de Neverview, dans une forêt fertile, pour générer mes baies. Nous sommes arrivés aux portes d’un village dévasté. Tout portait à croire que la sécheresse n’avait pas toujours frappé ici. Mes sens aiguisés de rôdeur ont immédiatement reconnu que ce qui s’était passé dans ce qui avait été autrefois un village luxuriant était tout sauf naturel. Le chef du village s’est présenté à nous. Il était vêtu d’une tunique de bédouin. Sa peau de pain d’épice reflétait les rayons du soleil. Ses cheveux longs étaient d’un ébène profond et luisant. Son regard fier et perçant se promenait sur notre groupe. Je ne comprends pas ce qui se passa dans mon cœur mais j’étais plutôt ému. D’une étrange manière. « Si nous venions un jour à être séparés, laisse ton cœur aller vers celle qui le fera vibrer. Ne m’oublie pas, mais n’oublie pas de vivre… » Les mots de ma femme Mariama me revenaient à l’esprit. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant. Je lui vouais la plus grande fidélité, même après ce qui s’était passé au village… Mais… Jalel – c’était le nom de l’envoûtant guerrier à la peau de châtaigne et aux yeux de sable –, Jalel… c’est un homme !   SOIGNER, ABREUVER, FAIRE POUSSER, DIVERTIR, INTERROGER, PROMETTRE Bran notre paladin protecteur soignait les blessés du village. Moonie créait de l’eau. Je distribuais des baies dont la sève nourricière subvenait aux besoins en nourriture d’un individu pour 24 heures. J’en donnai trois à Jalel, sans me faire voir de mes compagnons. Sa main était douce et chaude. Kethot réussit à persuader le fier chef de lui confier une graine d’inversion. Je crois que cette graine représentait un espoir de faire retrouver sa forme humaine à Mars, l’étrange chouette qui accompagnait notre druide en permanence. Mars était le compagnon de Kethot autrefois. Le compagnon. Un homme ? C’est quoi un compagnon ? C’est comme une compagne ? Pourtant cette graine était importante pour le village car elle représentait l’avenir d’une nourriture. Je l’ai bien compris lorsque les enfants du village ont regardé ma Cwengu d’une drôle de manière. Comme s’ils en voulaient à ses gigots ! J’essayais de faire quelques tours avec elle pour divertir les habitants du village tandis que Moonie allait interroger le père de Jalal, feu Ours Empaillé. Elle avait mis à son doigt l’anneau de communication avec les morts que nous avions récupéré sur la figure de proue du Krakken ! Moonie voulait obtenir plus d’informations sur ce qui avait dévasté le village et les terres alentour, mais peu habituée à la magie de communication avec les morts, elle n’avait obtenu que la confirmation de ce que les habitants et Jalel nous avaient déjà dit. Ni ma tentative de diversion qui avait présenté ma panthère comme une éventualité de ragoût pour les habitants, ni l’interrogatoire mortuaire de notre prêtresse n’avaient donc été fructueux. Nous avions de toute façon fait la promesse à Jalel que nous les vengerions en détruisant la source de leurs soucis : des « bourdonneurs » qui avaient laissé leurs plus fiers guerriers – et Ours Empaillé – avec d’énormes trous dans le ventre. Quelles créatures étaient capable d’une telle horreur ? Qu’allions-nous trouver dans le désert ? Saurions-nous retrouver la pierre de Kantata qui avait été dérobée à ce peuple ? Le cœur plein d’inquiétude, je me suis tout de même endormi sur cette terre crevassée, en pensant à la chaleur de la main de châtaigne de Jalel.   LE FIL D’OR Descendre Cwengu dans le trou au milieu du désert n’avait pas été facile. Mais attirée par les chèvres qui étaient tombées au fond, ma panthère s’est laissée descendre au bout de la corde que Bran et moi manipulions avec aisance. D’innombrables galeries… Des bêlements de chèvres… Un endroit étrange. Je déchiffrai une énigme musicale ! Merci Abba de m’avoir appris à jouer du tympanon et à raconter mes chasses en musique. En chantonnant l’air codé des notes du manuscrit, je fis apparaître un fil d’or qui nous mena aux portes d’un immense danger… Des lances récupérées sur des guerriers du village morts entre les mains, nous passâmes un temps infini à traverser les illusions générées par des glyphes sur les murs. Alors qu’il suffisait de les détruire ! Bravo prince pour votre sort ravageur qui nous a ouvert la voie !   EVANOUI ! La caverne qui s’étendait devant nous était impressionnante. Immense. Traversée de pont se dédoublant et surplombant un gouffre infini. Après avoir établi une stratégie (à droite ? à gauche ?) et décidé d’un ordre de passage, des horreurs nous attaquèrent. Voilà ce qu’étaient les « grosses mouches » dont les guerriers du village nous avaient parlé. Les « bourdonneurs »… Des fiélons !!! Enormes, terrifiants, munis d’un rostre proéminent qui avait traversé le ventre des guerriers du village comme s’il s’agissait de beurre de karité ! Et ils étaient au nombre de quatre ! La force retrouvée, je m’élançai dans le combat avec mes compagnons. A l’arc. A la lance… Cependant il y avait autre chose. Mes sens aiguisés détectaient une autre présence dans la grotte. Une présence redoutable. Une magie très puissante. « Statis motes » ! La magie me paralysa. Mes sens m’abandonnèrent. Je m’évanouis. Alors, derrière mes paupières closes, je le vis. Le serpent à tête humaine. La créature de l’ombre lançant ses sorts à distance, motivant ses bourdonnants fiélons à nous attaquer…   J’avais déjà vu une telle créature. Il y a longtemps. Après la destruction de mon village. Après m’être évanoui suite aux coups de fouet du kobold sur ma joue. Après avoir été emmené dans les mines de coltan. Après avoir travaillé dans la roche, sans même avoir pu enterrer les corps de mes parents. Sans même savoir ce qui était arrivé à ma femme et à ma sœur. Avec la seule présence rassurante de Sowi mon ami de toujours, mon frère. Il m’aidait à tenir. Il continuait à m’entraîner à l’arc et à l’épée. Pour un jour nous échapper. Jusqu’à ce qu’un jour les kobolds qui nous asservissaient trouvèrent le grand arc. Nous l’avions pourtant dissimulé sous la terre. Ils nous emmenèrent devant la monstruosité. « La cheffe » disaient-ils. Ils nous descendirent dans un trou sombre. Nous traversâmes des galeries infinies. Des bruits de bêtes se faisaient entendre. Des bêlements ? Puis nous la vîmes. La monstruosité ultime. Un serpent immense. A visage humain. Un visage entouré de cheveux de jais. Le visage de Yaatako. Notre chamane corrompue par le coltan était devenue une sorcière. Puis cela. Un Nagaa. Un Nagaa corrupteur. Comment son corps avait-il ainsi subi cette immonde métamorphose, c’est un prodige que je ne peux m’expliquer. N’avait-elle pas plutôt fusionné avec le Nagaa ? A l’époque je ne savais pas ce qu’était un Nagaa. Ce n’est que sur l’île où nous avions vu le crâne géant de l’un d’entre eux, avec Loen et Lucens, que j’avais compris. Comment le fil de ce qu’avait vécu la tribu des Futatoro, ma tribu, avait pu rejoindre le fil de mes compagnons d’Herra’tat ? Les fils du destin sont-ils tous déjà tracés et se rejoignent-ils au bon vouloir d’une volonté supérieure ? Comme punition, Sowi reçut un coup de queue de Nagaa-Yaatako sur la potirine, à droite. Et moi je reçus un coup de queue sur la poitrine, à gauche. Le venin me consomma pendant des jours. Des semaines. A peine remis sur mes jambes, les kobolds me poussèrent à nouveau vers les mines de coltan, le précieux minerai magique corrupteur. Jamais je ne revis Sowi. Son visage s’effaça peu à peu de ma mémoire. L’image des miens aussi. Il me fallait partir. Il n’y avait plus rien pour moi ici. Plus que des cicatrices sur le visage et sur le cœur. Alors j’ai fui. Je n’ai gardé de ce passé d’esclave que l’oubli et un nom. Pangur Bán. Tout blanc.   VICTOIRE ! La force retrouvée. Tiré de mon évanouissement magique et de mon souvenir prémonitoire par un coup de savate bien placé d’un de mes compagnons, nous avons vaincu les fiélons bourdonneurs. Cwengu en a même achevé un à coups de crocs bien placés. Nous avons traversé les multiples sorts lancés par l’invisible monstruosité. Puis, ses sbires vaincus, elle est apparue. Le serpent à visage humain. Ce n’était pas Yaatako l’ancienne chamane de la tribu Futatoro, non. Mais c’était bien un Nagaa corrupteur. Loen et moi avions lu des choses à leur sujet sur l’île. Alors que j’essayais de lancer un sort de silence à l’aveugle afin d’empêcher l’horrible créature de faire pleuvoir ses sorts sur nous, elle disparut, plongeant l’immense caverne dans un silence inquiétant mais réconfortant. Elle s’était téléportée. La reverrons-nous un jour ? Il me semble que mon destin était désormais lié à ces horribles Nagaas. Notre destin. La pierre de Kantata récupérée et analysée par Samay (une pierre de Yum, une pierre de maîtrise !), quelques potions empochées, un magnifique jeu de flèches magiques pour mon carquois, nous nous mîmes en route pour rentrer au village désespéré. C’est alors que tel l’espoir retrouvé, un jeune homme inconnu et nu nous suivit. La graine d’inversion avait fonctionné. Mars était revenu.   Et moi, Pangur Bán, ancien esclave, ancien sauvageon solitaire, nouveau compagnon d’une troupe bigarrée, allais-je revoir la peau de châtaigne de Jalel ?

Le Serment des Terres Flétries I - Un long voyage

UNE LETTRE Je me méfiais de cet Arin. Il ne faisait pas vraiment encore partie de mes amis. Pourtant j’avais aidé Kethot à soulever la lourde pierre qui le maintenait prisonnier face à la terrible hydre. Je l’avais mis sur le dos de Cwengu. Je lui avais donné de précieuses baies nourricières… Mais le destin m’avait appris à me méfier des étrangers, c’est comme ça. Alors au petit déjeuner ce matin-là, dans l’auberge du « Logis d’Etain » où mes compagnons et moi avions élu domicile, je ne lui ai pas rendu son sourire. Cependant il avait du courrier ! Une lettre pour Samay, et… Une lettre pour moi ! Quand il m’a tendu le parchemin cacheté d’un sceau représentant une magnifique plume, d’une cire d’un splendide vert de jade, je me suis senti empli de joie ! Qui m’écrivait ? J’ai remercié Arin chaleureusement. Après tout, il avait su conquérir le cœur de notre prince, comment pouvait-il avoir le cœur belliqueux ? C’était mon ami Loen ! Le moine bondissant avec qui j’avais partagé des aventures si excitantes sur l’île des nagas, au milieu de la mer du désespoir ! Le même Loen avec qui nous avions partagé deux crocs de serpent constricteur en gage de notre amitié. Il me parlait de destin. Comment notre destin était lié. La tour des Nagas où il avait rencontré les personnes entrevues dans ses visions. Lucens la créature à la puissante magie en faisait partie ! La tragédie d’Edgewind… La ville assiégée par des orcs, alliés à des prêtresses ! Comment le destin pouvait-il se montrer si cruel ? Loen me rappelait aussi le crâne géant de Naga que nous avions découvert sur l’île. Peut-être devrais-je affronter à nouveau ma peur de l’eau pour embarquer vers l’île à nouveau. Car il nous faut cette écaille de naga. Même si Loen, à la fin de sa lettre, me met en garde. De sombres personnages convoitent ces écailles pour un grand mal. Il m’invite à la prudence. Merci Loen. Moi aussi je suis sûr que nos chemins se croiseront à nouveau !   J’ai appris que Kay était parti pour une autre mission. Nous lui avons laissé des potions à l’auberge, certains de retrouver notre compagnon lors d’une autre aventure...   LA PRETRESSE ATTAQUEE Alors que Bran préparait les chevaux et que nous accrochions nos potions à nos ceintures, notre chère prêtresse Moonie a disparu ! « Je veux revoir le conseiller avant que nous partions pour la Cité des terres sauvages » nous a-t-elle dit. Ses beaux yeux brillaient d’amour. Il est vrai que nous projetions d’atteindre la cité en contournant les montagnes de Coppenwren. Un long, très long voyage nous attendait. Moonie est donc partie vêtue d’une belle robe rouge, dans un nuage de parfum épicé. Mais comme au crépuscule elle n’était toujours pas rentrée, j’ai fait sentir à Cwengu ma fidèle panthère la selle du cheval de Moonie sur lequel elle était venue jusqu’aux portes de Neverview. Le postérieur de notre prêtresse adorée avait imprégné le cuir d’une odeur tenace semblait-il, car mon félin adoré bondit à toutes pattes vers le centre de la ville. Je ne sais pas ce qui s’était passée mais Moonie était dans un sale état. Nous l’avons sauvée in extremis. Elle avait été durement attaquée et avait perdu une partie de ses pouvoirs pendant le combat. Elle nous a dit qu’elle avait dû choisir une voie très importante pour elle et que ses pouvoirs iraient dorénavant vers la Lumière, ce qui lui octroyait un fort potentiel offensif. J'étais heureux que Moonie ait choisi la Lumière !   UNE CHANSON PENDANT LE VOYAGE Nous avions cinq semaines devant nous avant les Cités des Terres Sauvages… Beaucoup de plaines ! Je connaissais ce type de terrain. Mes capacités de rôdeur nous ont permis de survivre sans encombre ! Je chassais et je préparais plein de petits plats pour mes compagnons et moi. Mon civet de lièvre sauvage à la sauce aigre douce a rencontré un certain succès ! Mon secret ? Quelques baies nourricières nées de la magie dans ma main, des baies dont les sucs diffusaient un goût acidulé prononcé à mes sauces, mais qui se mariait bien à la chair blanche de mes proies. Arin parlait beaucoup. Des légendes toutes plus passionnantes les unes que les autres. Nous étions tous suspendus à ses lèvres tant Arin mettait de détails dans ses descriptions. On aurait dit un barde ! Il nous parlait d’Anantakaal. Quand le serpent régnait sur les créatures des ombres afin d’étendre un pouvoir absolu sur le monde. Quand son plus jeune fils, Vasuki (qui signifie « le matin ») a été le pivot d’une révolution en se dressant directement contre son propre père. Comment Vasuki est devenu le nouveau roi des Nagas, le Nagaraaja. De chagrin, d’une larme, d’un saphir… Les légendes relatées par Arin nous emmenaient loin dans la nuit et semblaient nous rendre plus forts contre les Nagas ! Si Arin est bon conteur, il est par contre un bien piètre chanteur ! Un soir, j’ai pris mon tympanon et j’ai chanté une chanson que j’avais écrite pour Samay quelques jours auparavant :   Samay, Samay, tu ne sais pas Samay, Samay, si tu seras roi En attendant, prends confiance en toi Tous tes amis seront toujours là.   Samay, Samay, vilaines cicatrices Samay, Samay, que Bran les guérisse Même si elles seront toujours profondes Accueille-les comme l’amour du monde   Bran, Kay, Kethot, Moonie, et moi Pangur Et puis aussi ton tout nouvel amour Nous t’aiderons sur les terres d’Herra’tat Tu n’es pas seul… alors à l’attaque ! J’ai bien senti mon public réagir au deuxième couplet ! L’évocation des cicatrices du prince a provoqué un certain émoi. Quelle gaffe ! Moi qui parlais de cicatrices morales, je me suis souvenu soudain des cicatrices physiques du prince entrevues en toute innocence près de notre camp au pied de la tour d’Elvenbleak effondrée… Que n’avais-je chanté en ma langue natale, le peul… Personne n'aurait compris ! Levant les yeux de mon tympanon au maniement si compliqué, merci à mon père Abba de me l'avoir enseigné, j'ai aussi bien regardé l'elfe aux yeux de miel, Arin, en évoquant le "tout nouvel amour" de notre prince. Mais comment discerner dans ses yeux cet amour pour Samay que j'espérais tant ? En attendant, ma petite ballade sans prétention a déclenché une conversation profonde et sacrée entre notre prince et son fidèle paladin. Des paroles importantes ont été échangées ce soir-là. Une petite indiscrétion pour un grand bien donc.   Petite indiscrétion suivie d’une autre encore plus grosse ! Alors que Bran et Samay étaient à leur sérieuse conversation, j’ai décidé, avec l’aide de Kethtot et de Moonie, de fouiller les affaires d’Arin ! Malgré ses histoires passionnantes que nous avions bues pendus à ses lèvres, malgré ses beaux yeux de miel qui avaient su séduire notre prince, la façon dont il avait laissé ses affaires sans surveillances m’avait intrigué. Alors que Moonie se tenait un peu à l’écart, prête à lancer une lascive danse de diversion, Kethot et moi avons découvert des dessins dans les affaires personnelles d’Arin. Des dessins d’amour, mais aussi des représentations très précises de Samay étreigant un naga ! Et aussi une page déchirée d’un livre, que nous avons réussi à traduire (pas moi, je suis bien piètre linguiste !) Une histoire de rituel ouvrant un portail… Rituel nécessitant quelques objets comme… Un « Ghanakshetr » (qu’était cet objet ?) et… une écaille de Nagaa !!!   Avant de m’endormir à la belle étoile tel le rôdeur que je suis, la tête posée sur ma vieille armure de cuir confectionnée par ma sœur, la lettre de Loen, mon ami le moine, m’est revenue en mémoire… « Méfie-toi des écailles de Nagaa que tu convoites tant. De sombres personnages semblent être capables de les utiliser pour éveiller le mal qui habite ces terres. »

La force retrouvée

UNE MONSTRUOSITE A peine remis de notre chute de la tour d'Elvenbleak, je n'ai même pas eu le temps de vérifier que Cwengu était bien retombée sur ses pattes... Il nous fallait sauver le pauvre elfe de l'abomination. Une monstruosité plutôt. Encore un semblant de serpent. Pas un, mais sept serpents. Une hydre. Une monstruosité. Tout a déjà été écrit sur ce combat. J'ai essayé de sauver Bran avec Cwengu. Mais notre Bran, fidèle à lui-même, à sa légendaire bravoure, n'a pas voulu être sauvé. Au contraire, il a déclenché un duel forcé pour attirer l'horreur derrière lui. 7 têtes, 8 têtes, 9 têtes... Alors que Kay et moi lancions nos flèches, les têtes poussaient, se multipliaient... Mais Bran résistait. Il ne fallait pas le sauver. C'est lui qui nous sauvait. C'est ça un paladin. Moonie, brave Moonie... elle soignait tout ceux qu'elle pouvait. Compagnons à deux ou à quatre pattes. Mais elle s'est retrouvée à terre elle aussi. Et je n'ai même pas tenté de la sauver cette fois. J'ai eu peur. Alors j'ai encore voulu fuir. En sauvant l'elfe aux yeux de miel, dont notre destin, je le sentais, dépendait. J'ai aidé Kethot à soulever la pierre qui le retenait prisonnier.   Et j'ai voulu fuir. Comme j'ai fui jadis mon continent, car il ne semblait plus rien y avoir là-bas pour moi.   J'ai chargé l'elfe sur Cwengu. La panthère était en pleine forme... les félins retombent toujours sur leurs pattes ! Puis notre prince Samay a lancé un sort. Mes connaissances en magie sont limitées, je ne sais pas ce que c'était. Mais cela a inversé l'issue du combat. Alors que la monstruosité hydresque poursuivait toujours notre paladin de lumière au loin, mais à distance, nos flèches et nos sorts endommageaient la créature sans que de nouvelles têtes apparaissent ! Moi qui pensais avoir perdu courage, moi qui pensais fuir et abandonner, j'ai retrouvé espoir. Nous avons retrouvé espoir. Et moi le chasseur, moi le rôdeur, moi le sauvageon... J'ai décoché l'ultime flèche qui a transpercé le monstre aux cent têtes, le serpent multiplié qui hoquetant s'est enfin abattu au sol. Je ne l'ai pas vaincu seul, ce monstre, pour sûr. J'ai même failli fuir. Mais ce n'est pas peu fier que je l'ai achevé d'une de mes flèches de simple chasseur. Le groupe m'avais transmis sa force. Et au campement, avec Arin Aleksander Drake, l'elfe aux yeux de miel que nous avions sauvé, je me suis délecté de la chair du monstre cuite au feu de bois ! Et ma panthère la fidèle Cwengu aussi !     L'AVEU A ce moment de mon journal, je dois avouer l'inavouable. J'ai honte... J'ai suivi Arin et notre prince qui avaient chacun un sourire étrange aux lèvres. J'avais peur pour Samay. Même après l'avoir sauvé et lui avoir donné des baies, après les présentations, après le baiser de Kethot, je ne faisais pas confiance à l'étranger. J'ai encore du mal avec les étrangers. C'est idiot. Moi qui étais un étranger au yeux de tous ! Pourtant les autres m'ont accepté ma panthère et moi, sans peur.... Bran avait déjà envoyé Louna surveiller notre prince. J'ai pisté la louve. Facile pour un rôdeur. J'ai entendu des gémissements et des petits cris, j'ai eu peur pour Samay. Mais le plaisir semblait envahir la tente. L'amour, et non la peur. Et alors que Samay se redresse, me tournant le dos, hors de la tente... Je les vois ! Des marques de son passé. Des marques profondes. Comme celles sur mon front et ma joue gauche. Aussi rouge de honte que la couleur de ma peau le permet, je suis vite retourné au campement retrouver les autres. Et jouer de mon tympanon. Mais l'image des cicatrices m'est restée gravée dans le cœur.     LA VILLE Nous sommes à Neverview. Beaucoup de choses importantes s'y sont déroulées. trop pour que je les raconte toutes ici. Je n'aime pas les gens des villes. Leur richesse semble étouffer la nature à laquelle je resterai toujours attaché. Le luxe, les murs froids de la grande ville, les préoccupations de ses habitants... tout me laissait penser que seul l'argent gouvernait ici. Je n'ai pas aimé le conseiller. Homme de paille d'un pouvoir qui lui échappe, homme d'apparat. Contrairement à notre prêtresse qui a fondu d'un simple coup d'œil de l'homme de pouvoir qui, il faut bien l'avouer, avait une certaine prestance. Méfie-toi Moonie. Cet homme ne mérite pas ta générosité sans borne ! Mais s'il t'offre du plaisir, prends-le. Toi tu le mérites.     LE NOUVEAU VISAGE ? Nous sommes à Neverview. Au Poney frétillant. Une auberge que mes compagnons connaissent. Une première pour moi. La bière me réchauffe, mais en même temps elle m'emplit de tristesse. Mon cœur semble se vider de sa joie. Mes compagnons ne sont pas loin, il sont joyeux, mais moi je me sens m'éloigner. Au cœur de la grande ville, loin de ma nature, loin des miens, loin de chez moi... Depuis que j'ai perçu les marques sur le dos du prince (honte à moi !), mes propres cicatrices me brûlent. Intensément. Bran, le paladin protecteur le voit. Il voit les cicatrices sur mon visage me brûler, et vider mon cœur de toute son énergie. Il me dit qu'il peut les effacer. Je dis "d'accord". Je n'ai pas la force de lutter. Dans la petite chambre toute simple du Poney Frétillant, assis sur le lit à la couverture rapiécée, la douleur a été inimaginable. J'avais l'impression que le paladin me découpait littéralement le visage. Ou plutôt, qu'il me le brûlait. Ma chair était comme en fusion. J'avais l'impression que mon crâne allait apparaître à nu. Je pensais à la cicatrice que j'avais sur la poitrine, elle il était hors de question de la faire opérer ainsi. Fort heureusement mon supplice n'a duré que de quelques minutes, même si elles m'avaient semblé des heures de douleur. Et la douce chaleur émanant des mains de Bran m'a réparé la peau. J'étais régénéré. Mais encore torturé de l'intérieur. Bran me dit alors que je dois m'accorder un temps seul. A réfléchir. Je sombre dans mes pensées, dans un demi-sommeil, la joue endolorie, j'entrevois les terres de mon continent...     LE PASSE DE PANGUR I - LA DEVASTATION DES FUTATORO Tout était calme dans la tribu des Futatoro, sur la terre des Peuls, la terre de mes ancêtres. La terre que j'avais toujours habitée et que je pensais habiter pour toujours. Chasseur de lions, chasseur pour protéger ma tribu, pour protéger les miens. J'étais entouré d'amour, celui de mes parents, Abba "père" et Inna, "mère". Celui de ma femme... Ma douce et tendre Mariama, qui allait bientôt donner la vie. Celui de ma sœur Shayna, qui m'avait confectionné une superbe et naturelle armure de cuir. Celui de mon ami avec qui je chassais, que je considérais comme mon frère, Sowi... Tout était beau, tout était naturel. Nous protégions la nature, la nature nous protégeait. La chamane Yaatako avait toujours œuvré pour le bien des Futatoro. Tirant son savoir de la nature, elle savait trouver les proies des chasseurs, provoquer les pluies pour faire pousser les semences, conseiller les familles, aider les femmes à donner la vie. Son visage n'avait pas d'âge. Ses cheveux blancs encadraient des traits de bonté et de bienveillance. Jusqu'au jour où elle reçut la visite d'un kobold d'une tribu voisine. Je me méfiais des autres races. Surtout des kobolds.   Yaatako se mit alors à changer. notre chamane protectrice, notre conseillère universelle se mit à délaisser la nature pour nous parler d'une mine lointaine. Une mine de coltan. Un métal précieux au propriétés magiques qui pouvait être vendu très cher et rapporter beaucoup d'argent à la tribu. En travaillant pour récolter le coltan, les jeunes hommes de la tribu pouvaient apporter bien plus qu'en allant chasser ! Offrir aux enfants des divertissements insensés, aux femmes des bijoux dorés, aux hommes des élixirs de puissance quasi éternelle... Pour tout cela, il suffisait juste de signer un contrat avec le chef des Kobolds. Je me méfiais de la magie et de l'argent qui corrompt les cœurs, même les plus purs. Tous les Futatoro s'en méfiaient. Nous avons tous refusé. Seule Yaatako voyait notre futur dans les mines de coltan. Que lui avait dit ce kobold, comment l'avait-il changée à ce point ? Quel sort lui avait-il lancé, que lui avait-il fait boire à notre pauvre chamane ? Toujours est-il qu'elle se tenait désormais isolée du village. Dans une hutte sombre et éloignée. Les fleurs ne poussaient plus autour de chez elle. Les oiseaux ne se posaient plus sur son toit. Des enfants l'ayant aperçue ne l'avaient pas reconnue. Ils avaient parlé d'une sorcière décharnée aux cheveux de jais.   Puis vint ce matin où, rentrant de chasse avec Sowi... J'en tremble en l'écrivant. Notre village en flammes. Abba et Inna torturés par les kobolds qui avaient essayé de savoir où j'étais pour m'emmener dans les mines de coltan. Mais il n'avaient rien dit. Ils m'avaient protégé. Dans un dernier souffle, mon père me redit le proverbe qu'il m'avait toujours dit depuis que j'étais tout petit, sans que j'en comprenne vraiment le sens. Nde ne'd'do naayaay fuu tagidaaka. Tant que l'homme n'est pas mort, il n'est pas fini d'être créé. "Sauve-toi mon fils. Sauve-toi et perpétue le nom de ta tribu. En te sauvant tu perpétueras le nom des Futatoro." Les yeux embués de larmes, je n'eus même pas le temps de chercher ma femme Mariama...   Devant moi se tenait la sorcière. Un kobold leva son fouet. Elle ordonna quelque chose dans un dialecte que je comprenais pas. Ma joue me brûla. Et tout devint noir.     LA FORCE RETROUVEE Je me suis réveillé sur la couverture rapiécée de la petit chambre du Poney Frétillant. Ma joue réparée par Bran semblait me brûler encore. Les cicatrices allaient revenir, j'en étais sûr. Mais tant pis. Elles étaient la trace de ce passé qui était moi. Je me sentais maintenant prêt à l'accepter. A l'affronter. A vivre avec.   La voix cristalline et enjouée de la brave Moonie retentit dans la chambre, alors qu'elle ouvrait la porte de bois doucement. "Pangur, ça va ? Il faut que nous allions enquêter dans l'atelier de Rufus, tu viens ?" Oui je vais y aller. Je vais continuer avec eux et avec mes cicatrices. Je suivais Moonie le cœur plein d'une force retrouvée. A côté d'elle il me semblait apercevoir une autre silhouette féminine. Une déesse protectrice de Moonie ? La prêtresse de Sumie, qui semblait avoir lu mes pensées m'a alors dit : "Oui Pangur. Tu la vois aussi ? C'est Imana. Cela signifie la foi en langue céleste. C'est la foi que j'ai en mes amis. Et celle que tu dois avoir aussi."   Je les suivais de mon léger pas de chasseur. Je ne sentais plus ma joue me brûler. Je ne sentais plus qu'une force puissante me porter. Ma force au service de mes amis.            

Pour une écaille de Naga...

Dans l'agitation des quais, parmi la foule aux couleurs bigarrées, moi Pangur Bán Futatoro, je dois prendre le bateau. "Trouve le capitaine Bottle Bottom de ma part" m'avait dit le collectionneur, ce El Shakaat qui aime trop l'argent.   Pangur Bán n'est pas mon vrai nom. C'est ainsi que me nommaient mes tortionnaires. J'ai compris bien plus tard pourquoi cela les faisait rire. "Tout Blanc". La couleur de ma peau n'était pas la même que la leur. Mais ce nom je l'ai gardé.   Avec un délicieux curry de poulet dans le ventre offert par l'aubergiste, j'étais en pleine forme. Mais sans un sou. Restaurer mon armure de cuir que j'aime tant - merci Shayna, ma sœur adorée - avait fini de me vider les poches. Le bateau je ne peux le rater. Des aventuriers de tous bords se pressent pour y monter. Ils m'effraient un peu. Mais ce qui m'effraie davantage, c'est que je vais devoir remonter sur un bateau. Et retrouver les sensations de l'eau, les odeurs, le tangage, les souvenirs de ma traversée de deux ans les fers aux pieds.... Devant moi un moine dans mes âges, aux cheveux courts, athlétique, me fait bonne impression. Il se nomme Loen. Quand je lui dis que je pars à la recherche d'une écaille de Naga, il blêmit. "Cette créature est très dangereuse" me dit-il. Je le sais. Chasser des créatures dangereuses est mon nouveau métier. Depuis deux ans je me suis fait une réputation sur cette nouvelle terre. Il y aussi une créature. Une créature noble qui m'impressionne. Elle dégage une aura de sagesse et de mysticisme. Sa robe est magnifique, légère, couleur de rose, elle s'agite dans le vent. Sentant qu'elle pouvait m'aider à me faufiler dans l'embarcation sans dépenser une pièce d'or, je lui ai parlé et elle m'a proposé son aide. Elle a elle-même fort à faire avec le capitaine que j'aperçois enfin, un homme rustre au visage basané. un vrai marin, assurément, mais il ne veut pas de femme à bord. Il hurle. Et finit par conclure un marché avec elle. Une histoire de cabine à partager. Je n'ai pas tout entendu, mais Lucens - c'est le nom de la créature mystique à la robe ondulante - semblait un peu dégoûtée et décidée à ne pas remplir sa part du marché. J'ai senti sa haine envers Bottle Bottom transparaître de son visage aux traits parfaits. Elle a dissimulé ma corde sous son corsage. Me faufilant vers l'arrière du bateau, profitant de l'agitation des armateurs qui chargent les tonneaux de rhum, surmontant mon horreur de l'eau, je plonge. Trois mètres seulement me séparent de la coque. Et à l'arrière je me faufile aisément lorsqu'elle me lance la corde après avoir diverti les chiens de garde à l'entrée du bateau. Par un sort. Les sorts me font peur, moi qui ne compte que sur mon arc et mes épées. J'ai recroisé Loen sur le bateau. "Les ensorceleurs sont très respectés ici" m'a-t-dit. Je le crois. Il m'a dit que Lucens était un homme. Voilà pourquoi il ne voulait pas aller dans la cabine du capitaine ? Peu importe. Il m'inspire confiance. Je ferai la traversée vers l'Ile du Serpent dans la cale. Caché. Cela ne me dérange pas. Je préfère me faire discret. Lucens est adorable. Il m'a apporté à manger. De la viande étrange. Du rat ? Peu importe. J'ai déjà mangé bien pire. Calé derrière des tonneaux de rhum, mon armure de cuir est bien rembourrée. La mer semble bien calme mais le roulis me dérange quand même. Je suis un chasseur des plaines. Pas un marin enfermé entre des planches de bois. Je m'endors en souhaitant arriver le plus vite possible sur l'île maudite des Nagas.   Pangur Bán. Oui, ce nom je l'ai gardé. Comme trace de mon passé et comme une page toute blanche pour ma nouvelle vie. Futatoro. C'est aussi mon nom. Le nom de ma tribu qu'ils ont dévastée. Je ne les oublierai jamais. Je retrouverai les survivants. Un jour. Shayna ma sœur et Sow, mon ami, mon frère.   Catastrophe. Moi qui redoutais la tempête, je suis servi. Le bateau semble prêt à exploser. Tout le monde court partout. Je retrouve Lucens et Loen sur le pont, face à une vision de cauchemar. J'ai entendu parler de cette créature quand j'ai fui, esclave sur le bateau. Un krakken. Un monstre marin d'une puissance inimaginable. Ses colossales tentacules, vineuses et écœurantes, ont déchiqueté l'embarcation de part en part. Nous apercevons son crâne, immense et menaçant. Tout le monde saute à l'eau, et nous aussi. Je suis Lucens et Loen. Je ne connais qu'eux et je peux leur faire confiance. Mon instinct me trompe rarement. A peine arrivés aux rochers, un autre monstre nous guette. Moins imposant que le krakken mais très dangereux. Un squale. Nous ne voyons que son aileron dépasser de la mer, entre les débris du bateau. Loen est en difficulté face à elle. Il fuit. Son ki est puissant. Lucens lui lance un sort magnifique, une lumière semblant tomber du ciel consume la créature. Mais elle n'est pas morte. Ayant grimpé sur un rocher, mes pieds en contact avec un élément terrestre, je cible le squale et ne le quitte pas des yeux. Mes flèches en viennent à bout. Son sang répandu dans l'eau forme une trace rouge effrayante. Loen bondit de rocher en rocher vers l'embarcation du capitaine qui nous hurle dessus. Il pense que Lucens est la cause de l'attaque car les femmes à bord portent malheur. Quel idiot. Nous parvenons tous les deux à grimper sur son frêle radeau. Et avant que nous l'ayons ligoté Lucens l'a fait fuir définitivement. Alors que nous dérivons vers notre destin, la fatigue m'envahit.   Même dans les mines de coltan où j'étais esclave je n'avais pas aussi peur que sur un bateau. La terre sous mes pieds enferrés, je me sentais en communion avec les arbres, les bêtes, le vent. L'eau détruit tout. Nous allons mourir ? Au moins je mourrai libre. "Creuse ! Creuse ! Trouve le coltan !". Shayna... Sow... Ma tribu... Mon village... Mariama !   Nde ne'd'do naayaay fuu tagidaaka. Tant que l'homme n'est pas mort, il n'est pas fini d'être créé. J'ai survécu. Je me réveille sur une plage magnifique. Du sable sous mes pieds. Mon armure de cuir est trempée mais le soleil dardant ses rayons aura vite fait de la sécher. Mon carquois. Mon arc. Une gourde pour ma gorge desséchée. Et... ils sont là, parmi les débris du radeau de fortune. Lucens. Sa robe déjà sèche ondule sous la brise. Sa chevelure de blé est encore plus magnifique sous ce soleil, sur cette plage, que sur les quais de Port Shaanti. Quant à Loen, son calme est impressionnant. Son ki est puissant. Ses yeux perçants dirigés vers la jungle, il semble déjà l'explorer en pensée. Et moi Pangur Bán, chasseur des plaines, j'ai survécu à une attaque de krakken, un squale, un Bottle Bottom en colère, et après avoir dérivé en mer, à un naufrage ! Nous partons explorer la forêt touffue à la recherche de nourriture. Lucens ne reconnaît pas Heera'tat. Nous n'avons pas dérivé si loin. Nous sommes ailleurs. Perdus sur une île au milieu de la mer de Désolation. Mais les noix de coco que Loen fracasse sur le sol nous donnent du courage. En haut des cocotiers, il a repéré une structure triangulaire impressionnante. Un temps peut-être. nous décidons de nous diriger dans sa direction. La saveur sucrée des noix de coco emplit encore notre gorge lorsque nous trouvons une sorte de clairière avec un énorme crâne d'animal. Nul doute que le squelette est là depuis des dizaines, des centaines, peut-être des milliers d'années. Près de lui un squelette humain. Nous décidons de monter notre camp ici, la structure pyramidale est encore loin. Je pars chasser. Lucens se réfugie à l'intérieur du gigantesque crâne du naga. Son œil acéré remarque quelque chose qui brille près du squelette. Une plaque d'identité qui nous apprend qu'il s'agissait du capitaine Navar. Il a aussi un coffre derrière lui. Ce dernier n'est pas fermé et contient une carte marquée d'une croix rouge. Impossible pour nous de déterminer si c'est une carte de l'île. Il se pourrait que la croix soit la structure aperçue par Loen. Une rivière géante semble traverser le territoire. Nous y verrons plus clair demain. Alors que Loen et Lucens plonge dans le sommeil, je prends le premier tour de garde. Un bruit discret mais bien présent éveille mes sens de chasseur. Je me redresse sur mon arc et vais vers lui. Le bruit s'éloigne de nous. Un animal sauvage. Quatre pattes. Une ombre noire. C'est une panthère ! Une femelle. Elle est magnifique. Ses muscles jouent sous sa peau d'ébène qui brille aux reflets du de notre feu de camp. Je vois dans ses yeux qu'elle ne nous attaquera pas. Je vois aussi autre chose. Une envie de nous aider. De nous accompagner. Lucens, réveillé, m'envoie une grâce de sa prêtresse. Il est avec moi pour dompter l'animal. Il se réjouit de la beauté de la la panthère. Je fais apparaître quelques baies sucrée et apaisantes dans ma main. L'animal vient les manger avec plaisir. Sa langue est râpeuse. Je pose ma main sur son front. Je décide de l'appeler Cewngu.   Je chassais les lions dans mon village. Les léopards. J'en dressais aussi. Nous avions des troupeaux d'antilopes qui nous offraient leur viande. Des chèvres qui nous offraient leur lait. Nous visions en harmonie avec la nature. Avant qu'ils n'arrivent et dévastent tout, violent nos femmes et emmènent les hommes dans les mines de coltan.   Tous le monde est réveillé. Loen est complètement apeuré par Cewngu. Il s'est fait attaquer par une panthère des années auparavant. Il ne lui fait pas confiance. Pourtant c'est en trottinant paisiblement plusieurs mètres devant nous que Cewngu nous accompagne en direction de la structure. Loen en quelques secondes atteint le sommet des arbres pour vérifier que nous avançons bien dans la bonne direction. Alors que nous découvrons une petite étendue d'eau apaisante, nous décidons de faire une pause pour nous restaurer. Cewngu est partie chasser. Lucens aperçoit quelque chose qui brille au fond de l'eau. Un autre coffre ! Loen, redoutant des créatures marines (nous avions déjà donné...), modifie son bâton de combat en échasse pour rester hors de l'eau. Il est vraiment d'une agilité incroyable. Je reste sur le bord. Hors de question de retourner encore une fois dans cet élément maudit ! Lucens plonge vers le coffre, retenu par une corde à Loen qui reste à la surface, bien stable sur son bâton-échasse. Lucens remonte le coffre, suivi... d'un crocodile ! Ses yeux sont injectés de sang et sa peau semble dure comme de la pierre. Et alors que j'entends un bruit derrière moi, une autre de ces créatures voraces apparaît ! Je décide de perforer le monstre de mes flèches et appelle Cewngu à la rescousse. La panthère bondit sur le crocodile et lui inflige des morsures et des coups de griffes mortels. Je jette un coup d'œil vers Lucens et Loen. Lucens est parvenu à revenir sur la rive et jette un sort très puissant au crocodile qui semble se flétrir, moisir sur place, pour finalement se décomposer. Quelle puissance chez cet ensorceleur ! Le contenu du coffre est conséquent. Des tourmalines et des pièces d'or. Je n'aurai plus à être un passager clandestin ! Si jamais je reprends le bateau un jour... Le coffre contenait également trois fioles, deux rouges et une orange. Lucens garde la fiole orange, Loen et moi prenons les rouges. Echappés des crocodiles, nous parvenons enfin à la structure. C'est un temple ancien. Les pierres recouvertes de mousse semblent témoigner d'un passé rempli de légendes. Quels dieux pouvait-on bien vénérer ici ? Dans les arbres des singes s'agitent et nous tenons fermement nos sac fermés. Cewngu leur montre ses crocs. Loen a découvert une grande porte en pierre, avec des bas-reliefs. Il y en a 16, représentant chacun un serpent. L'un dévore un soleil, l'un un roi à la couronne brisée, l'un est fait d'eau, l'un est en feu, l'autret en métal... Nous comprenons qu'il s'agit d'un mécanisme pour ouvrir le temple. Les bas reliefs semblent s'enfoncer. Mais dans quel ordre ? Loen a alors l'idée lumineuse de gratter de son bâton la mousse qui recouvre les pierres. Une phrase apparaît... La légende d'Anan Takkal ! Lucens nous la raconte. Ce roi serpent magnifique a vaincu le roi soleil. Loen décide d'enfoncer les pierres dans l'ordre de la phrase trouvée sous la mousse. Mais alors que j'enfonce la quatrième, un mécanisme m'envoie un poison mortel ! Je suffoque ! Mes yeux pleurent. Cewngu vient me lécher le visage... "La potion rouge !" crie Loen. Je l'avale avant que le poison ne parvienne à mon cœur. Immédiatement la lumière revient en moi. Je retrouve mes forces. Nous trouvons le bon ordre pour enfoncer les pierres, et nous entrons dans le temple. Partout au mur, des illustrations liées à Anan Takkal. Et dans une immense pièce, un autel en pierre, très massif. Un bout d'étoffe beige dépasse du socle. Nous essayons par tous les moyens de soulever la pierre. Loen essaie de faire levier avec son bâton. Mais rien ne bouge. L'idée nous vient alors de creuser le sol. La terre est meuble entre les joints du dallage. Nous arrivons enfin à extraire l'étoffe, qui renferme un objet allongé... C'est une arme. Une grande dague à la larme tordue. Des reflets verts s'en échappent. C'est un kriss ! Et il est très certainement imprégné d'une puissante magie d'après Lucens. Derrière l'autel, deux statues semblent nous fixer d'un regard torve. Des sacrifices s'accomplissaient ici, nul doute. En l'honneur d'Anan Takkal le roi serpent maléfique ? Nous découvrons des souterrains, qui semblent correspondre exactement à la carte du capitaine Navar trouvée près du squelette de Naga. Nous avançons sur un sol jonché de squelettes humains. Des yeux semblent nous épier dans le noir. Et nous l'entendons, la rivière souterraine. Il nous faut la franchir sur des rochers. Encore de l'eau à franchir. J'ai failli tomber. Loen lui bondit encore plus facilement que Cewngu sur ses proies. Nous parvenons à l'emplacement marqué d'une croix rouge sur la carte. Cette fois ce sont des ligots d'or qui nous attendent ! Six lingots ! Je n'en ai jamais possédé de ma vie. Nous en prenons deux chacun et ressortons de cet endroit maudit avant que les yeux dans le noir ne se rapprochent trop de nous. Revenus dans la pièce de l'autel à sacrifice, nous décidons d'emprunter l'immense escalier de pierre qui monte entre les deux statues de prêtresses diaboliques. L'ascension est longue. Nous apercevons bientôt toute l'île. Car nous sommes bien sur une île. Encerclés d'eau de part en part. Nous voyons au loin le crâne de Naga à côté duquel nous avons campé. Là où j'ai trouvé Cewngu. Un mauvais pressentiment m'oppresse alors que nous débouchons sur une grande place pavée de pierre. Avec en son centre un grand pilier de pierre. Et autour du pilier... "Un naga !!!!" crie-je naïvement, pensant déjà à l'écaille que je devais rapporter au collectionneur El Shakaat. "Impossible ! Me répond Lucens. Ils sont éteints. C'est un serpent constricteur géant. Moins dangereux qu'un naga, mais ils peuvent t'étouffer en un rien de temps si tu l'approches." Derrière la place il y a un promontoire avec un escalier et en haut ce qui semble être un feu de détresse à allumer. Profitant de ma mobilité exceptionnelle de chasseur des plaines, je décide de m'y précipiter alors que Lucens, Loen et Cwengu s'attaquent au terrible serpent qui ondule en leur direction. Loen fait pleuvoir des nuées de coups sur la créature, son ki explose de mille feux. Lucens jette des sorts. Cewngu perfore les peau du monstre de sa gueule. Mais alors que je suis à mi-chemin dans l'escalier j'entends un grand cri. Me retournant vers le champ de bataille, j'aperçois la chevelure de blé de Lucens dépasser de la gueule du monstre ! Ce dernier l'engloutit ! Loen, dans un saut prodigieux, lui bondit dessus et l'attaque de toutes ses forces. Moi, parvenu enfin en haut du promontoire, j'allume avec une pierre de feu ce qui semble bien être un feu, un phare, une tour de guet... Un bateau de pirates est en contrebas de l'île ! Loen semble être venu à bout du serpent géant ! Vite, je redescends et nous découpons précipitamment le cou de l'immonde bête géante... Pour y trouver un Lucens dans un piteux état. Je souffle à Loen : "Il est mort ?". Mais les longs cils de Lucens papillonnent et me donnent la réponse : Lucens est bien vivant ! Au bord de la mort, épuisé, mais vivant ! Son corps a perdu énormément de sang, sa peau est livide, mais il est vivant ! Sa prêtresse a dû le protéger. Loen et Cwengu ont tué le serpent juste à temps ! Une course effrénée s'ensuit pour redescendre vers le bateau des pirates. Et fuir de cette île maudite. Mais moi je voulais en savoir plus sur les nagas. Loen et moi y retournerons, après avoir négocié avec les pirates. Nous y découvrirons l'horrible culte de Anan Takkal, qui voulait ramener à la vie des nagas. La transformation des prêtresses en créatures troglodytes, ces yeux qui nous épiaient dans les souterrains... Et le pouvoir du kriss qui ramène le mal à la vie en flétrissant le bien. Loen conservera cet objet maudit, malgré sa peur de se lier à lui et d'en subir l'influence néfaste. Il me donnera un croc du serpent constricteur géant en signe de notre amitié et il conservera l'autre.   Je n'ai pas trouvé mon écaille de naga. Mais j'ai trouvé deux amis. Et une soif d'aventures.   Je suis Pangur Bán Futatoro. Je suis un chasseur. Tant que l'homme n'est pas mort, il n'a pas fini d'être créé.   Herra'tat... J'arrive !    

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