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La création des Sphères

Extrait de livre
Avant le début des temps mortels, seul n’existait qu’Abelgapapp, une mer calme, sans fin et sans fond sur laquelle naviguait Narvi le Pêcheur se repérant grâce aux lanternes accrochées dans les cieux obscurs par son épouse Silion. Utilisant sa javeline encordée, Vatendarr, il se nourrissait des poissons frétillants et dodus peuplant les eaux paisibles Abelgapapp. Un jour, Narvi eut la surprise de voir un poisson se débattre, résistant à la poigne du Pêcheur essayant de le remonter hors des eaux désormais agitées. Ce fut avec un grand effort qu’il ramena à bord de sa barque, qui manqua de se renverser plusieurs fois, le poisson le plus étrange. Tout en longueur, dépourvu de nageoires et recouvert d’écailles noires iridescentes, la créature continuait de se débattre et ne manqua pas de planter les crochets acérés qui parsemaient sa gueule dans les chairs de Narvi. Le Pêcheur agacé assomma la créature d’un coup de rame sur sa tête triangulaire et examina de plus près ce poisson si agressif. Il enleva Vatendarr toujours plantée dans l’œil gauche du poisson allongé désormais borgne et jeta l’œil percé par-dessus bord dans les profondeurs d’Abelgapapp.

Se tournant vers la nuit éclairée par les lanternes de Silion, il en appela aux conseils de son épouse et lui montra l’étrange poisson. Déjà alors plus sage et prudente que son mari, Silion, mère de toutes les étoiles, examina la petite créature estourbie aux crochets tâchés du sang de son époux. Elle somma alors le Pêcheur de tuer la bête, celle-ci n’était que malveillance et animosité. Narvi, déjà alors imprudent et présomptueux décida que Silion était cruelle et d’épargner la créature, car quel mal pouvait bien faire une aussi petite chose ?   «La ligne qui sépare le créateur du destructeur est aussi floue que celle qui sépare le génie de l’idiot.»   Sur ces mots énigmatiques, Silion repartit dans l’obscurité entre les lanternes laissant Narvi seul avec la bête se réveillant doucement. Durant les jours suivants, le Pêcheur apprivoisa la créature et partagea les poissons capturés avec la bête qui s’en nourrissait avec bonheur et avidité. Narvi ne pouvant pas continuer de l’appeler «poisson allongé» le baptisa Palarkan, le serpent et lui offrit un présent. Une perle enchantée trouvée dans les entrailles d’un poisson qui vint se fixer dans l’orbite vide du serpent remplaçant ainsi l’œil perdu. Au fil des saisons, Narvi et Palarkan devinrent comparses naviguant sur Abelgapapp au gré de leur repas. Néanmoins, ils durent se faire rapidement une raison, Palarkan grandissant à chaque repas, Narvjel la fidèle barque de Narvi devint trop petite pour les deux. Se saisissant de la mue du serpent, Narvi confectionna des rênes épaisses qu’il enroula autour de la barque et de Palarkan avant de jeter ce dernier dans Abelgapapp. Narvjel, désormais tirée par le serpent, fendait les flots de l’océan sans fin, Narvi pêchant depuis la barque de nombreux poissons bien en chairs.   Les deux compères naviguèrent longtemps ainsi jusqu’à ce que même Narvi, tout insouciant qu’il fut commença à s’inquiéter de la taille gigantesque de Palarkan. Désormais, le serpent dépassait de plusieurs fois la longueur de Narvjel et n’était plus qu’une ombre imposante sous la barque. Devant la terrible créature, les poissons proies ou prédateurs fuyaient en vain et même les effroyables Aboleth ne pouvaient que succomber devant l'appétit de Palarkan. Catastrophé, Narvi en appela à nouveau à la sagesse de son épouse qui réapparut pour constater avec effroi l’horrible situation, plus sombre encore que son mari ne la soupçonnait. Elle l’avertit alors que Palarkan ne dévorait pas seulement les poissons, mais Abelgappap elle-même, se nourrissant de la mer et devenant de plus en plus long alors que l’océan autrefois sans fin se réduisait. Le couple divin, Narvi la mort dans l’âme, se résolurent à mettre à mort Palarkan avant que celui-ci ne dévore le monde entier. Le Pêcheur utilisant Vatendarr frappa la bête de toute sa force à plusieurs reprises transperçant ses écailles épaisses et rougissant les eaux avec le sang du monstre alors que Silion usait de ses arcanes astrales pour contenir la créature. Malgré la puissance des deux dieux, Palarkan trahi, désormais trop féroce rendit coup pour coup blessant Narvi dans la bataille sectionnant le bras puissant du Pêcheur. Brisant ses rênes et plongeant dans les profondeurs sombres d’Abelgapapp, il reprit son festin hors de portée de Narvi et Silion.   Impuissants devant la fuite de Palarkan, le couple divin ne put que constater son échec et la perte du bras vigoureux maniant Vatendarr. Toujours sagace et comprenant qu’ils n’arriveraient jamais à vaincre le monstre seuls, Silion décida de procréer avec Narvi avant de repartir dans les cieux obscurs entre ses lanternes. Durant les saisons qui suivirent, le Pêcheur, seul et incapable de se servir de sa javeline observa désemparé Abelgapapp se réduire comme peau de chagrin. Devant l’arrivée imminente de sa femme et de ses enfants, il entreprit d’agrandir Narvjel transformant la petit barque en un véritable navire avec mat et voile capable d’accueillir les siens. Pendant ce temps, venant des profondeurs et fuyant l’appétit du sans cesse croissant Palarkan, des poissons étranges et inhabituels firent leur apparition proche de la surface. Notamment, une colonie de méduses luminescentes qui se prirent d’affection pour Narvjel et son occupant, Narvi nomma la plus belle et chatoyante : Volesse et lui donna un peu de la lumière provenant des lanternes des cieux.   Alors que Narvi commençait à désespérer de revoir un jour sa femme, il se tourna vers le vide entre les lanternes et la supplia de revenir. Quelques instant s’écoulèrent avant que n’apparaissent Sillion auréolée de sa lumière et trois inconnus à bord de Narvjel. Le Pêcheur reconnut ses enfants dans son cœur de père avant même que leur mère ne les lui présente. L’aînée, Jarna, majestueuse comme l’aurore et avec le regard tranchant d’une lame se tenait aux côtés de Silion, une main sur la poignée de Fleur d’Acier, l’épée forgée dans les étoiles. Elle eut pour son père des mots durs sur son insouciance, mais sans cacher un sourire espiègle montrant que la pomme n’était pas tombée loin de l’arbre. Le puîné, Nessos, aux oreilles pointues et à l’œil curieux ne s’occupa point de son père ne lui adressant qu’une salutation avant de parcourir Narvjel admirant le navire. Il se transforma en poisson pour contempler la coque nageant parmi les méduses lumineuses et en oiseau pour se poser sur le mat en poussant un chant avant de revenir parmi les siens. Le cadet, Herall, caché derrière sa mère, n’avait qu’une faible et petite apparence ce qui déçut Narvi demandant alors des explications à Silion. Sermonnant son mari, elle lui expliqua que dans son égoïsme, il l’avait rappelée trop tôt, Herall n’avait pas fini de grandir et serait inutile contre Palarkan.   Malgré la faiblesse du cadet et l’handicap de Narvi, désormais manchot, laissés de côté pour le plan de bataille, les dieux se décidèrent à affronter Palarkan avant que ce dernier n’est dévoré toute l’existence. Le monstre se cachant hors de portée dans les profondeurs d’Abelgapapp, Nessos proposa un plan astucieux pour attirer la créature à la surface. Il fit alors monter à bord de l’embarcation un bien étrange être que Narvi reconnut comme Volesse. Bénie par les étoiles, elle n’avait plus de la méduse que le chapeau, son corps étant celui d’une jeune fille à peine plus haute que Herall. Nessos expliqua avoir rencontré Volesse autour du navire, attiré par sa voix envoûtante résonnant dans les eaux de l’océan et proposa d’utiliser le chant de la méduse pour leurrer Palarkan. Se réunissant autour de Volesse ravie d’aider à débarrasser Abelgapapp du serpent, chacun des dieux lui donnèrent un présent, l’accueillant ainsi parmi eux. Narvi lui donna de sa malice pour piéger leur ennemi, Jarna prit la vélocité d’un espadon et l’offrit à Volesse pour qu’elle échappe au serpent, Nessos lui fit présent de sa curiosité pour explorer le monde une fois le monstre vaincu. La lumière de ses lanternes ayant déjà empli la méduse grâce à son mari, Silion lui offrit son amour maternel.   Volesse plongeant alors dans l’océan et se mit à chanter, sa voix cristalline portant dans l’immensité d’Abelgapapp résonnant dans tous les recoins où le serpent n’avait pas encore planté ses crochets. Plus le chant de la déesse s’amplifiait et plus son corps luminescent brillait d’une lumière intense repoussant l’obscurité des profondeurs agissant tel un phare dans la nuit noire. Lorsqu’elle vit s’approcher un œil fendillé brillant de haine et d’avidité, Volesse fuit, fendant les eaux grâce au présent de Jarna. Elle creva la surface de l’océan suivi par le monstre sous le regard des trois dieux attendant en embuscade. Titanesque, Palarkan brisa le calme des eaux provoquant des vagues monumentales et poussa un rugissement monstrueux. Le serpent devait avoir mué plusieurs fois depuis son dernier affrontement avec les dieux, sa taille cyclopéenne dépassait les pires cauchemars et ses épaisses écailles semblaient invulnérables.   Terrible fut la bataille qui s’en suivit, Sillion fit tomber ses lanternes du ciel pour aller frapper le monstre et l’océan aux alentours créant un véritable chaos. Palarkan n’en eut que faire, se mouvant avec grâce et vélocité, il évitait sans problème les étoiles tombées du ciel. Nessos se transforma en rapace virevoltant autour de la tête du monstre puis en requin prenant d’assaut ses parties immergées, mais ni ses serres tranchantes ni ses mâchoires acérées ne purent entamer la carapace d’écailles. Jarna l’épée au clair tournoyait autour du serpent frappant dans sa direction pour le découper de sa lame forgée dans les étoiles, mais la créature d’une agilité surnaturelle esquivait chacun de ses coups. Palarkan semblait invulnérable et les dieux ne pouvaient l’atteindre.   Narvi au loin sur son navire contemplait impuissant son épouse et ses enfants combattre sans aucun espoir de victoire. Palarkan pourtant de la taille d’une montagne esquivait leur coups les plus dévastateurs sans effort. Le Pêcheur en proie au désarroi sentit une petite main le tirer pour obtenir son attention. Il baissa les yeux pour voir Herall lui rendre son regard, son cadet, auquel il ne prêtait pas attention, tenait dans sa main Vatendarr, mais l’enfant avait transformé le simple outil de pêche en une longue lance effilée et mortelle. Tendant l’arme à son père, il montra l’œil gauche de Palarkan au loin, celui-là même que Narvi avait crevé et remplacé par une perle enchantée. Le Pêcheur comprit alors que l’œil gauche du serpent lui conférait son invincibilité, lui permettant de voir les coups venir à l’avance. Narvi se saisit de Vatendarr et en appela à Nessos lui jetant la lance et lui intimant de s’en servir contre la perle de Palarkan. Le dieu armé de Vatendarr désormais lance se rua sur le colosse vipérin dardant son épieu en direction de l’œil. Le serpent reconnaissant l’arme maudite l’ayant blessé autrefois oublia son féroce appétit un instant fatal pour le voir être remplacé par la peur. Nessos frappa vigoureusement avec Vatendarr arrachant la perle de l’orbite mort de Palarkan. Ivre de douleur, le monstre hurlant ayant perdu son invulnérabilité ne vit point venir les assauts suivants. Une étoile arrachée du ciel par Silion vint le frapper de plein fouet l’étourdissant et brûlant ses écailles dans une gerbe de flammes. Jarna se saisit de cet instant de faiblesse chez l’ennemi et s’élança la lame haute frappant la gueule du monstre venant trancher le serpent gargantuesque sur toute sa longueur d’un coup fatal. La dépouille sectionnée de Parlarkan s’effondra sur la surface de l’océan, les dieux étaient vainqueurs.   Ils avaient terrassé la bête, mais les dégâts causés par celle-ci étaient considérables. L’océan autrefois infini d’Abelgapapp n’était plus que l’ombre de lui-même et les poissons dodus dont raffolait Narvi avaient presque tous disparus. Les dieux prirent alors une décision. Avec les eaux restantes d’Abelgapapp, ils firent Yesod : la Rivière de l’Existence. Avec la chair, le sang et les os de la dépouille titanesque de Palarkan, ils créèrent les Sphères qui une fois placées sur Yesod verraient la vie se développer en elles. Ainsi, sur les séquelles de ce terrible affrontement, fut créée Kadmon la pénultième Sphère, le monde des mortels.
Ouvrage
Les mythes fondateurs de Kadmon
Auteurs
Textes recueillis et adaptés par Narbeth Inabella et Erlareo Carric
Publication
La Chimère Blanche. Seramor.

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