Sur le chemin de Nouvelle-Audarque, Ll'ÿel entre dans une espèce de transe. De tout le voyage, il ne déroge pas son attention de Malakshir. La main sur le pommeau de celle-ci en tout temps, il ressent une multitude d'émotions. Il avait connu sa soif ,la soif de sa lame qui se transmettait en sadisme, une satisfaction de voir souffrir ses ennemis, une exaltation dans l'agonie dont laquelle il retire lui-même du plaisir même s' il ne veut pas vraiment se l'avouer.
Mais dans les brumes c'était différent, ce n'était pas du sadisme non... Il ressentait de la colère face aux morts, les murmures de Malakshir se transformaient en hurlements dans sa tête, une espèce de haine viscérale envers ces serviteurs de l'armée éternelle. Il sait que celà à sûrement une explication, mais il est trop fatigué pour y penser d'avantage. Pour l'instant, il se contente d'essayer de rester sain d'esprit. Il a parfois l'impression que son corps se trouve toujours là bas, dans les brumes, la pression qu'il ressent lorsqu'il s'y trouve est toujours présente sur ses épaules. Un désir obsessif le pousse à toujours en savoir plus, sa "curiosité" l'a souvent mise dans l'embarras par le passé, mais ça fait partie de lui, il est prêt à vivre avec tout ce que ça comporte. Par contre, il sait qu'il n'est pas encore prêt à tout savoir, que certaines choses prendront du temps, qu'il devra faire sa place au sein de l'Art arfae Earja. Raaqis, Le Danseur obtiendra un jour son numéro, mais ce sobriquet lui sied bien pour le moment.
Lors d'une courte halte, il s'en va discrètement à l'écart et fouille dans son sac à dos. Il en sort alors un masque de bal, un objet confectionné par sa mère peu de temps avant le décès de celle- ci. Il sort aussi un de ses vieux costumes de spectacle composé d'une grande capuche sur laquelle sont fixées des espèces d'épaulettes laissant pendre de longues lanières de cuir dans son dos jusqu'à sa taille, différents motifs et broderies ornent le vêtement. Un costume de bonne qualité qu'il n'a pas porté depuis un bon moment.
Il se met alors à se remémorer des moments de son passé, il y a bien des choses qu'il aimerait oublier, mais d'autres dont il est quand même fier, même s' il sait que dame Ludivine ne le verrait pas du même œil.
Bien qu'il ait passé une grande partie de sa vie dans les taudis, le jeune homme vivait plutôt bien. Tant que lui et sa bande se rendait utile aux syndicats il ne manquait de rien. Que ce soit de faire des vols de cargaison aux riches afin de ramener de la nourriture pour les "familles",faire des diversions, chercher de l'information et autres activités du genre. Il ne regrette pas d'avoir quitté ce mode de vie, mais il sait que ces expériences lui ont donné un vécu que peu de gens ont à son jeune âge.
Un savoir qui pourra lui permettre d'aider le Marquisat à sa façon.
Il se sentira toujours redevable envers cette Rinn qui l'aura sortie des cachots. Une femme noble qui lui donne une chance de s'en sortir ? Qui le voit pour qui il est, et non pour ses origines et son passé plus que nébuleux ? Il la considère maintenant comme une amie, espérant un jour qu'elle le considère tel, mais il connait son rang, il n'osera jamais l'appeler ainsi.
Quelques mois auront suffi pour se faire accepter par la communauté du Marquisat, il y a trouvé des amis, une amour, mais aussi de la reconnaissance. Le sentiment de faire quelque chose de bien, de servir une cause qui le dépasse, de faire partie d'une grande histoire, de se sentir à sa place, son sentiment d'imposteur commençant à se dissiper peu à peu.
Il a aussi développé une certaine complicité avec Le Baronet Mier et ses conseillers. Il en sait peut-être même plus sur eux que cette chère dame Ludivine. Quelque chose qu'il pourra utiliser à son avantage le moment venu. Il sait aussi que l'un des Rose Lame qu'ils avaient combattu dans les souterrains des taudis avait reconnu Grégoire. Il aura peut-être une chance d'en savoir un peu plus à leur sujet à lors de sa rencontre avec ses futurs confrères, sur le conseiller Balthazar entre autres qui sert la famille depuis des années.
Lorsque la caravane est prête à se remettre en route, il range ses affaires soigneusement dans son sac. Se relève doucement en s'appuyant sur un arbre, s'empêchant de perdre l'équilibre puis se dirige vers la charrette.