La Cité de Sheke

Il existe sur le Souffle quelques très longues falaises qui balafrent les plaines sur des dizaines de kilomètres. La plus à l’est du territoire se nomme la faille de Shektaum. Elle longe la partie sud de la chaîne du Nerf, et accompagne le lit de la Namat jusqu’à la naissance de la Vradmat. C’est sur ses flancs sarbonneux qu’a jadis été taillée l’impressionnante cité de Sheke. Cette grande ville troglodyte est probablement l’un des édifices les plus impressionnants de la société enspirée.    

Histoire

L’Eveil a trouvé le Souffle relativement sauvage. Beaucoup de décombres semblaient suggérer que çà et là s’étaient dressés des bâtiments, mais ceux-ci s’étaient effondrés et ne ressemblaient plus qu’à de vagues éboulements. La faille de Shektaum était alors vierge, et à l’endroit de l’actuelle cité se dressaient deux monumentaux piliers rocheux.   La première moitié du premier siècle, les tribus de passage explorèrent les cavernes de l’endroit. Celles-ci étaient nombreuses et profondes, et promettaient quelques ressources rares telles que des gemmes, des champignons, du minerai et même quelques saphioles dans une moindre mesure. En outre, l’endroit était stratégiquement intéressant, puisqu’il se trouvait non loin de l’entrée de la route des Flaques et de la forêt du Namel, tout en étant flanqué à l’est par la chaîne du Nerf.   Les premières pièces creusées dans la roche sous les piliers de Sheke datent environs de l’an 60. L’étape était devenue incontournable pour les tribus en rotation dans l’est, et la plupart des négociants du Llahe appréciaient également avoir un point de rassemblement sécurisé pour procéder aux échanges commerciaux.   Elle ne commença pourtant à prendre ses accents de grandeur qu’après que les exploits de Tar Pepëpio et Tar Acocce soient entrés dans la légende. Ces deux frères de la troisième génération avaient suffisamment marqué l’Histoire du Souffle pour que leur souvenir inspire leurs semblables pendant des siècles après leur mort. La Cité de Sheke avait été leur berceau, et pour marquer la fierté de la terre, c’est elle que l’on tailla en leur mémoire.   Ainsi depuis le début du second siècle, tous les clans et tribus de passage prennent soin d’apporter leur coup de burin à l’édifice. On modela les deux piliers pour leur donner les airs de masques qu’ils présentent aujourd’hui : Tar Pepëpio au nord, Tar Acocce au sud, tous deux tournés vers l’ouest. Sur les falaises de part et d’autres, la cité s’agrandit peu à peu, se dotant de toujours plus de petits refuges caverneux reliés par d’impressionnantes coursives en pierre massive.   Cette tradition ne s’est toujours pas perdue, et il est encore d’usage de déléguer une partie de ses tailleurs de pierres à l’amélioration ou à l’entretien de la gigantesque œuvre d’art que représente la ville à chaque fois que l’on s’y arrête. Le Cité de Sheke dispose aujourd’hui d’une certaine renommée au sein du Refuge, et représente pour beaucoup d’étrangers un des témoins de la grandeur de la culture vèdre.  

Fonctionnement et usage

En sus de son remarquable aspect, la cité est dotée d’un système sonore intégré qui utilise directement les ouvertures circulaires creusées pour les masques comme d’immenses cornes de brumes. Assez littéralement, celles-ci sont équipées de technologies modulaires en bois, qui permettent de contrôler l’intensité et la note du souffle sonore produit par le vent qui s’engouffre à l’intérieur. On s’en sert pour faire passer divers messages aux vèdres alentours selon un code simple. Ceux-ci peuvent prévenir qu’une tribu occupe actuellement la cité, ou bien informer sur les mouvements des brumes les plus dangereuses, et sont audibles jusqu’à la passe d’Opta.   Bien qu’elle ne soit pas naturellement protégée des brumes, comme les villes d’Alprra ou de Caelora Magna, la cité de Sheke est néanmoins capable de s’en prémunir dans une certaine mesure. Ce sont encore les ouvertures circulaires dans les masques qui sont utiles à ce niveau : en déplaçant les panneaux de bois à l’intérieur, on peut les faire agir comme des aspirateurs puissants, qui “avalent” ainsi les brumes pour les recracher par les cheminées extérieures sans les laisser atteindre les habitations. Cette parade n’est néanmoins fonctionnelle que lorsque le vent souffle vers l’est. Dans le cas contraire, il faut fuir la ville - comme cela arrive souvent dans le Refuge - soit en la quittant, soit en s’enfonçant dans les cavernes.  

  Le troisième et dernier avantage de ce réseau taillé est qu’il est équipé de machineries rudimentaires en bois et en toile qui, à la manière d’un moulin à vent, permettent de produire à moindre effort de la farine de graines de bokah, divers pigments et autres poudres et huiles alimentaires, médicinales et cosmétiques. Il existe même quelques monte-charges qui bénéficient de cette force naturelle pour transiter les marchandises d’un niveau à l’autre de la ville.   La Cité de Sheke est l’un des rares endroits sur le Souffle qui soit continuellement ouvert au commerce. On y trouve donc le plus souvent une foule bigarée, qui s’y arrête en général quelques semaines pour écouler et renouveler sa marchandise auprès des tribus vèdres. Parmi ces dernières, celles qui ont le plus de mal avec les étrangers - les Daenkar et les Heliptui - se font une raison : ils savent que l’étape est ainsi, bien que ça ne leur plaise pas. Si certains heurts sont toujours à déplorer lors de la cohabitation avec celles-ci, elles ne gâchent pourtant pas leur plaisir lorsqu’il s’agit de mettre la main sur des denrées rares d’outre-frontières.   Seules les strates supérieures sont accessibles aux étrangers. Pour s’enfoncer plus profondément dans les réseaux souterrains et accéder aux grottes aménagées, il faut porter des spires. On dit que le ventre de la cité de Sheke abrite notamment l’un des plus grands temples de roche du Souffle, la fameuse Cave d’Oölua.