Pas d'orcs, mais des brumes
Par
Tyfdur Quickpeek
Enfin, de retour sur le terrain! Le mois passé a été long. Notre dernière sortie a été tellement dure que nous avions besoin de souffler, mais pas autant. Surtout, qu'on a toujours pas trouvé d'
orcs... Existent-ils? Je vois avec plaisir que notre petit groupe d'aventuriers comporte mon vieil ami
Solairik et aussi
Vlad, remis de son retour solitaire en plein blizzard. Je savais que j'aurais dû continuer à le chercher; il s'en est sorti, mais je crains les séquelles. Je suis content de voir qu'un nain nous accompagne :
Vondor, il a l'air d'un fier gaillard. Avec
Rillius, c'est le deuxième nain que je rencontre. Il me plait déjà! Et il doit bien connaître quelques chants nains que nous pourrons entonnés en canon pour égayer les feux de camp. Nous sommes aussi accompagnés par un membre du conseil. Je suppose que l'on doit être flattés qu'un personnage important ait choisi notre groupe (ou alors il a perdu un pari avec ses pairs). Vu le résultat de notre dernière sortie, j'espère que nous ne serons pas responsables de la disparition de
Kaski.
L'objectif est bien sûr de trouver ces fameux camps orcs qui, selon les rapports, sont bien à l'
Ouest. Nous avons prévu de longer la
côte jusqu'à être plein Nord par rapport au
camp Marcil et de fondre sur celui-ci en ligne droite. Nous devrions couper à travers le territoire orc et pointer leurs places-fortes
La première journée est plutôt morne, la neige tombe mollement sans être une entrave. L'humidité venue de la mer est cependant très désagréable. Nous sommes maintenant bien rodés dans l'établissement du camp et je ne sais pas ce qu'a fait Solairik, mais soudainement nous nous sentons bien plus forts, presque invincibles. C'est grisant comme sentiment. Cela n'a pas duré, notre premier quart de garde voit
Les Brumes maléfiques se lever. Je n'ai jamais vu le phénomène en direct et il semble glacer d'effroi mes compagnons.
J'en profite pour faire une digression sur les Brumes, phénomène qui m'intrigue au plus haut point. Les informations traitent plus de ses effets que de sa mécanique ou de son origine. Peut-être que des érudits l'ont étudié par le passé, mais que les connaissances ou les écrits se sont perdus. Je ne suis pas un adepte de la théorie qui veut que les Brumes ne viennent de rien. J'ai en tête plein de questions et d'hypothèses :
- Les Brumes existent-elles à l'état latent en sous-sol, comme les goudrons et les huiles profondément enfouis et qui remonteraient sous l'effet de conditions favorables?
- Existent-elles comme composantes de certaines matières du sol, qui sous certaines conditions laisseraient échapper celles-ci?
- Une ou plusieurs entités seraient-elles la cause de cette manifestation curieuse et si oui, pourquoi?
La connaissance ne sera pas facile à obtenir, peut-être une recherche de toute une vie ou même plusieurs, mais il faut bien commencer. Cette recherche pourrait éventuellement permettre de prévoir les phénomènes, de trouver des moyens de s'en prémunir, voire de l'utiliser à notre avantage.
Je me suis toujours demandé si les Brumes s'écoulaient ou suintaient du sol. J'ai bien lu les rapports d'autres aventuriers pour me faire une idée, mais je n'ai obtenu que des observations à vif sans description du processus. Je me rappelle notamment que lors d'une levée des Brumes pendant une expédition d'éradication des gobelins en
ville, un aventurier avait décrit l'écoulement des Brumes dans une cave. Cependant, celle-ci était dallée, ce qui rendait les conclusions hasardeuses. J'ai donc imaginé un dispositif que je pourrais disposer en pleine nature afin de lever le doute. Un anneau de toile cirée suffisamment haut pour éviter que les Brumes, dans sa forme la plus bénigne, puissent être contenues à l'extérieur.
- Si elles s'écoulent, l'intérieur de l'anneau ne devrait pas contenir de brume tant qu'elles ne débordent pas la toile.
- Si elle suinte, la hauteur de brume doit être la même a l'intérieur et à l'extérieur.
Je suis donc bien content de pouvoir faire mes observations. En effet les Brumes suintent du sol, il y en autant dedans que dehors. La recherche d'une source géographique en suivant le courant va être compromise. J'avais imaginé que les obélisques puissent être des générateurs de brumes et que suivre le flux nous aurait permis de trouver ceux-ci. Ils peuvent toujours en être les générateurs, mais sans se comporter comme des tuyaux diffusant un fluide. Ils pourraient avoir une influence de zone, extrayant les Brumes d'une couche plus basse du sol. Il faudrait que je trouve des
nains géologues pour évoquer l'idée avec eux. De même, quels sont les matériaux qui sont susceptibles de suinter les Brumes? Apparemment, les sols dallées ne sont pas perméables, mais la roche en montagne l'est-elle?
Revenons à la mission.
Nous évoquons donc, sachant que nous ne sommes pas si loin de la cité, la possibilité de faire demi-tour, de se mettre à l'abri et de repartir une fois que les Brumes auront disparu. Nos réflexions ont été interrompues par l'attaque d'un gigantesque
scolopendre de près de 12 pieds, une sale bestiole qui semble me détecter au moindre mouvement. Il s'ensuit une bataille aussi violente que courte, Vlad, comme d'habitude est au contact, il a le courage chevillé au corps celui-là! Heureusement que Solairik, toujours alerte, n'est pas loin pour le soutenir. De notre côté, Vondor, Kaski et moi nous faisons de notre mieux pour entamer sa résistance. Elle semble se focaliser sur Vlad, on en profite. Malheureusement la magie de Kaski n'a l'air de faire ni chaud ni froid à cette créature, l'accointance de Kaski pour le froid et la glace le désarme. Il faut cependant admettre que sa précision aux jets de dagues est légendaire. Nous finissons par avoir le dessus et remporter la victoire. Vlad a été pas mal malmené, mais à part une confusion passagère, il s'en sort sans trop de mal. Il nous informe que c'est un rémorhaz, créature rare et brûlante. Selon lui, nous avons eu beaucoup de chance, c'est un jeune et les adultes sont beaucoup gros.
La nuit passée, nous continuons vers la lisière de la forêt. Malheureusement les Brumes s'intensifient; mes camarades n'ont pas l'air d'apprécier ça. Surtout Kaski, qui a une expérience douloureuse de l'augmentation de densité des Brumes. Nous décidons alors de faire demi-tour - le camp Marcil étant encore à trois jours de traversée d'une zone inconnue et infestée d'orcs, du moins à ce que l'on dit. Je ne verrai donc pas encore les orcs, je ne pourrai donc pas en massacrer quelques-uns, histoire de calmer une vieille démangeaison.
Sur le retour, pataugeant dans cette laitance de plus en plus épaisse, nous tombons sur un autre scolopendre et, en effet, les adultes sont nettement plus grands; un bon 25 pieds de pattes, d'antennes, de crocs et de méchanceté. Kaski essaye de la tromper, je ne vois pas ce qu'il a fait, mais elle a l'air perturbé. Soudainement, elle disparaît dans le sol, je deteste les fouisseurs, une flèche ne traverse pas un pied de terre! Je me creuse la cervelle pour essayer de l'attirer loin de nous, faire du bruit, lancer des cailloux sur les arbres, rien n'y fait. Elle surgit en plein centre de notre groupe. Vondor et Vald bloquent comme ils peuvent les mouvements de ce monstre, Solairik fait des aller-retours entre eux pour les maintenir au mieux de leur forme - il est cependant très proche de la bestiole, si on le perd, on est perdu. Kaski et moi, nous essayons de l'affaiblir, mais c'est aussi efficace que de lancer des boulettes de mie de pain sur un rhinocéros au galop. Vlad et Vondor ont l'air de souffrir, mais Kaski trouve dans sa magie quelque chose qui a l'air de ne pas plaire à cette créature. Je ne vois pas ce que c'est, c'est assez perturbant. Nos guerriers ont posé plusieurs fois le genou par terre, mais nous avons fini par mettre en fuite cette horreur. J'espère qu'on ne la reverra pas de sitôt, Quoique j'aurais aimé récupérer mes flèches. Je donne mes dagues à Kaski, la chose s'est enfuie avec les siennes. C'est toujours bon de s'attirer la bienveillance d'un membre du conseil.
Nous ne demandons pas notre reste, nous fuyons vers la cité, les Brumes continuent à s'épaissir. Les humains de notre groupe en ressentent les effets, le découragement commence à les atteindre. Il ne faut pas abandonner. Solairik, puisant dans ses ultimes ressources et sa force prodigieuse, supporte Kaski et Vlad, refusant de laisser tomber.
Presque arrivés en ville, nous tombons sur un groupe de
morts-vivants étranges. Ils ne sont que trois, ça devrait aller. Je me suis trompé! Non seulement ils sont très résistants, mais ils pratiquent une magie étrange. Cela prend une sale tournure. On essaye donc de fuir le combat, mais c'est pas si simple, ils ont l'air de se déplacer instantanément. J'ai été pris pour cible et d'un seul coup, j'ai perdu tout lien avec la réalité, je ne pouvais plus bouger. Quand j'ai repris mes esprits, j'avais un mort-vivant juste en face de moi, vision que je n'oublierai pas de sitôt. Malgré tout, le combat finit par tourner en notre faveur. Solairik en a fait fuir un, sûrement en faisant sa tête des mauvais jours, un coup d'épée heureux de ma part dans un autre déjà bien amoché et Kaski qui achève le dernier à coup de boules de neiges - je ne l'imaginais pas si taquin. Rapidement, nous leur faisons les poches afin de savoir à quoi on avait affaire. Nous trouvons surtout de la monnaie ancienne curieusement frappée d'un cercle et un vieil instrument de navigation, une espèce de compas.
Nous finissons notre périple au galop, supportant nos compagnons sombrant dans la mélancolie et la dépression. C'est passé tout juste.