Visiblement, j'ai pris du retard dans l'écriture de mes rapports. Disons que j'ai été passablement occupé par ailleurs. La situation à Nouvelle-Audarque ne s'améliore pas, au contraire. L'hiver amène son lot de problème, sans compter toutes les menaces qui entourent la ville.
Depuis octobre, la Guilde est moins exigeante sur la narration de nos péripéties. Aujourd'hui, je peux conclure que Merrick devrait insister sur ce point. Les rapports contenaient de précieuses informations qui sont maintenant compartimentées dans l'esprit des nombreux membres de la guilde. D'autant plus que les enjeux sont de plus en plus importants, et l'information est le nerf de la guerre, littéralement.
Au cours des derniers mois, j'ai accepté de joindre Wallace et Arintur, entre autres, dans l'exploration de la prison de l'Ancien. Naïf, je ne savais pas à quoi m'attendre, si ce n'est le plaisir à explorer un site rempli de mystère. Mais j'ai lentement déchanté lorsque le prix à payer pour nos incursions étaient de plus en plus couteux (pauvre Chass). Après avoir ouvert plusieurs portes verrouillées, nous avons découvert les vestiges d'un culte consacré à cinq entités d'un autre temps, des Ashuras. Une puissante magie émanait de la prison, autant pour garder son illustre prisonnier que pour préserver un contact avec ces Ashuras, ou du moins, leur esprit. Nous avons affrontés des invocations démoniaques et des gardiens de pierre, mais le vrai défi fut l'épreuve de la vision. Chacun d'entre nous, isolé dans une pièce, avons appelé l'un des Ashuras. Pour ma part, j'ai invoqué le nom de Gricenchos, le Cyclope. Un oeil gigantesque m'a scruté jusqu'au plus profond de mon âme L'épreuve fut éreintante et traumatisante. J'en ai même presque perdu l'usage d'un oeil. Outre l'intense fatigue et la blessure, je suis ressorti de la prison avec un symbole étrange qui persiste à s'illuminer sur mon front. Rien, ni personne, ne parvient à l'effacer.
Le chemin du retour vers Nouvelle-Audarque passa proche d'être mon dernier voyage. La traversée du désert de cendre nous mena à la porte de la mort parce que de nombreuses rations avaient disparu de nos paquetages, alors que nous les avions pourtant bien calculées. Pendant ce difficile retour, j'ai senti un changement en moi. La confrontation avec les Ashuras y est sans doute pour quelque chose. Avec le support de Belanor (que la Faucheuse veille sur son passage), j'ai réalisé qu'une flamme s'était allumé dans mon âme. J'étais maintenant habité par une formidable magie, celle que manie les disciples des Huits.
Sans trop pouvoir expliquer cette transformation, il m'apparait clair que mes récentes épreuves, incluant la rencontre avec le démon de l'Hiver, qui tient sous son joug des membres de la guilde, ont tourné un regard divin sur mes actions. Si de tels pouvoirs m'ont été conféré, c'est pour accomplir la volonté des Huits, sur ces Terres Sauvages.
Belanor, honni par le Candélabre, accepta de me guider dans l'appropriation de cette magie divine. Habile que je suis de mes mains, j'ai également senti un attrait pour la chaleur de la forge. Là, sous l'inspiration du Protecteur, j'ai fabriqué un petit bouclier, gravé à l'effigie de l'Octacle. C'est également la forge que j'ai été inspiré par le Guerrier et le Sage, pour infuser mon arme d'une parcelle de ma magie. Ces atouts combinés à une armure de mithril acquise aux magasins du Seigneur, je me sens mieux outillé pour affronter les dangers de la Nouvelle-Sarnale.
J'ai renoncé à retourner à la prison de l'Ancien. Je porte honteusement un bandeau pour masquer le symbole magique qui orne mon front. Depuis la disparition subite de Belanor et le décès impromptu d'Albert, emporté par une étrange maladie, je tente, tant bien que mal, de chausser les souliers du frère pourpre. Son départ a laissé un grand vide dans la communauté. Les habitants de Nouvelle-Audarque doivent sentir que leurs dieux ne les abandonnent pas sur ces terres inhospitalière. Il est maintenant de mon devoir de contribué à leur survie grâce à l'influx divin qui m'habite.
Ma dévotion à la cause des indigents m'a fait remarqué par l'un des vétérans de la Guilde, Solairik le Bouillant. Sous son aile, je continue à oeuvrer pour nourrir, loger et soigner la population affligée de la ville. Grâce à lui, nombreux sont ceux qui jouissent de la protection divine de l'Hospice, depuis que le Pacte Noble s'est dissout. Enfin, c'est ce que le pieux drake espère. Depuis l'effroyable épisode des Brumes sur Nouvelle-Audarque, celles-ci ne sont pas revenues sur la ville, portant avec elles des créatures cauchemardesques.
Et grâce à lui, j'ai appris à partager une vision de la chose divine, qui nous tient à distance du Candélabre et de leurs bonzes. C'est sans doute grâce à cette jeune et fructueuse relation que Solairik a mentionné mon nom à Fabio, qui part de nouveau vers un (autre) lieu teinté de mystère, la Citadelle de Perle. Selon les récits du drake, l'enceinte dédié aux Huits a été profané par, à tout le moins, une des puissantes sorcières qui séviss(ai)ent en Nouvelle-Sarnale. Tout comme pour la prison de l'Ancien, je ne sais pas trop à quoi m'attendre, mais je me sens mieux outillé pour affronté les ennemis de l'Octacle, accompagné, cette fois-ci, d'une escouade dévouée.