Notes à moi-même
J'ai promis à Regimbald que je l'aiderai dans sa quête, je lui devais bien ça. Sa gentillesse bourrue envers moi méritait bien de lui passer quelques caprices.
Il est obsédé par "le Bouffon". Celui qui lui avait échappé lors d'un retour des marais. Ce bouffon aurait perpétré des attentats, aurait tenté assassiner Ludivine. Courir après le front de libération n'est pas une bonne idée, mais j'espérais qu'avec nos gros pieds plats on ne trouverait rien, qu'on passerait quelques jours à l'auberge, un moment sympa avec Nenri et les filles puis qu'on rentrerait tranquillement au puit.
Je me suis donc retrouvé avec Ll'ÿel, Fahad et Edhel et Regimbald pour courir après un clown ridicule. On était bien à l'auberge, bonne chère, bons sièges, j'y serais bien rester plus longtemps. Llÿel avait l'air de penser à autre chose, probablement à sa blonde. Fahad faisait le joli cœur avec Edhel, mais je soupçonne qu'il vérifiait si sa nouvelle armure mettait ses formes en valeur. Par contre, entre le chef et Edhel, c'était tendu. Elle dans ses petits souliers, lui qui s’arrête à la première pinte. Le voilà qui prend le mors aux dents et m’entraîne de l'autre coté de la rue voir Clothair.
Nenri était bizarre, mais j'ai mis ça sur les manières brutes de Regimbald. Il était tellement impatient que j'ai cru qu'il allait passer à travers la porte de Clothair. Pourquoi ces chuchotements à travers la porte ? D'habitude, Nenri frappe, entre et annonce la visite après avoir perçu l'inévitable contribution aux services de renseignement. Tout ça pour que Fahad fasse le malin avec un gosse crasseux et timide ? Probablement un chapardeur des taudis. J'ai mis ça sur le compte de leur inquiétude pour un informateur en danger dans les griffes des loraciens qu'ils voulaient que l'on fasse sortir. Rien à voir avec la mission de Regimbald mais, selon Clothair, cet individu pourrait nous mener au Bouffon. C'te blague ! Mais j'y reviendrai plus tard.
J'aurais du me dire que les événements étaient trop bien huilés, le gamin nous conduisit directement à une cache du front. Les autres avaient l'air de soupçonner ce gamin d'être bien plus dangereux que son allure, mais d'après Ll'ÿel, la vie dans les taudis est dure et laisse des traces. Un gamin comme des milliers d'autres dans ce trou à rats.
Evidement, les autres ont tenu à pénétrer dans la cache vite et en force. Et en passant par les toits, bien sur. Vous imaginer sauter de toit en toit, avec un nain grognon et empoté et deux balourds en armure ? Même Hédel, pourtant d'habitude gracieuse, avait deux pieds gauches. Je vous épargne les détails, mais méchants, bagarres, blessures, douleurs, cris, victoire.
On a fini par retrouver l'espion dans une cave, un demi-elfe qui ne ressemblait à rien. Des cheveux rouges, roses, délavés par la détention. Un maquillage blanc, enfin blanc sale, craquelé. Je ne voulais rien avoir a faire avec ce gars là. Après tout c'était le problème des autres et un meurtrier. Sauf que... "Lorsque la vieille pie mépris fronce les sourcils, il est l'heure d'aller au lit". J'ai cru prendre une brique en plein visage. Il n'y en a qu'un qui disait cela ! Les jours heureux de la commune, l'insouciance quand on se faufilait dans et entre les serres de Tante Meriel gouter les fruits murs. Rasvan, mon cousin, compagnon de chapardage et d'aventures contre les monstres cachés sous nos lits ou dans les placards. Les moments à essayer de tromper la vigilance de tonton Vroggy et de lui tomber sur le dos. Les parties de pêche sur le Faenomène, emmené par Oncle Coriolis. Les histoires inventés pour échapper au bienveillant courroux de maman quand elle nous prenait la main dans le pot de confiture pourtant bien caché. Cachette que papa nous dévoilait malicieusement en réclamant sa part le larcin accompli.
Maman... Papa...
J'ai pris toutes ses images en pleine face, d'un coup, un temps que je croyais oublié, loin derrière moi, un temps simple, heureux...
Et maintenant, voilà que j'aide les autres à remettre mon cousin, mon ami d'enfance, entre les mains des Miers...
(La note s'arrete abruptement, sur des mots, des bouts de phrases raturées, réduits à de simples taches d'encre)