Ces sangdémons sont un phénomène relativement récent dans l'histoire et le peu de lettrés qui restent en Abrasia font coïncider leur apparition avec le début du Déclin. L'Ère du Déclin a commencé il y a plus de cinq siècles, peu après la disparition de la dynastie des Nanchior et l'ascension de la ligné Cyri'andil sur le trône d'Erionth.
L'histoire récente
Cinq siècles que les Néruviens ont vu leur lien avec les primordiaux s'atténuer, que le nombre de candidats aux écoles de magie diminue et que les archimages se font plus rares. Cinq siècles que la qualité des récoltes se détériore. Ça et là des famines éclatent, des monstres apparaissent, les néruviens ne sont plus en mesure de se défendre. Chaque année la civilisation perd du terrain, les campagnes sont de plus en plus dangereuses... Et lorsque les petites gens n'en peuvent plus, que les hommes et les femmes meurent de la faim ou des assauts des bêtes, tandis que les riches seigneurs s'engraissent dans leurs palais et s'enivrent de vin épais, alors les paysans prennent les armes et se révoltent.
C'est là qu'ont surgi les pires monstres du Déclin : l'égoïsme et la cupidité. Les rébellions furent écrasées dans la violence, le sang innocent imbiba la terre des campagnes. Les structures de domination s'ancrèrent profondément et toute l'énergie des puissants fut dirigée vers la conservation de leur pouvoir plutôt que la réparation de ce qui avait été détruit.
Les néruviens n'avaient plus que leurs yeux pour pleurer et leurs mains pour prier. Mais c'était sans compter sur un élément nouveau. En l'année 271 de l'ère du Déclin, une secte mystérieuse et jusqu'alors inconnue entra en guerre contre les Eveillés (c'est le nom que l'on donne aux dieux en Abrasia). Lors d'une bataille titanesque cette année-là ils réussirent l'exploit de tuer Kalester, l'éveillé de l'endurance, de la résilience et de l'espoir.
Aujourd'hui encore, deux siècles et demi après sa mort, sa carcasse qui jamais ne se décompose orne les rues d'Erionth, la capitale du royaume. Ses étoiles se voilèrent et ses fidèles perdirent le lien avec lui. La connexion qui le reliait le peuple avec ce primordial se fana. Les autres Eveillés avaient eux-mêmes été ébranlés par cet évènement inédit: Otthar, primordial de la gloire, des combats et de la stratégie, Kharishaa, primordiale de la fécondité, de la colère et de la défense... Même Ithilvion, le primordial des choix et des futurs fut surpris par ce meurtre divin causé par des néruviens. Nul ne sait pourquoi les théocides ont agi ainsi, et ils ont aujourd'hui tous disparu, mais ils plongèrent Abrasia dans un nouveau niveau de désespoir.
La situation ne cessa de s'empirer depuis, les routes devinrent de plus en plus dangereuses, les monstres de plus en plus nombreux, tout comme les tyrans. Le coup de grâce fut porté treize ans avant le début de notre histoire, en l'an 198 de l'Ère du Déclin, quand les troupes de ce qu'on appellera plus tard l'Empire Boréal envahirent Abrasia, balayant avec leur armement supérieur les dernières forces du royaume.
Leur générale, une humaine nommée Luth, fit décapiter le roi, jeta son jeune héritier dans une geôle et s'auto-proclama arc-régente. Rien n'a changé pour le petit peuple, aujourd'hui il est toujours écrasé par les puissants, la seule différence étant que les seigneurs des provinces d'Abrasia doivent ployer le genou devant l'Arc-régente Luth.
Notre histoire
Mais notre histoire se passe bien loin de tout cela. Nous sommes en l'année 512 de l'Ère du Déclin, par une fraiche nuit de Primflore, dans le Duché de Contemplation, à plus de mille kilomètres de la capitale Erionth. Ce duché est un joyau, traversé par l'imposant fleuve Enma et au climat tempéré, il est l'un des greniers à blé du royaume. Sa capitale, Nilau, est située au Sud. C'est une cité d'un raffinement extrême, une des dernières à posséder encore une sublime bibliothèque et une université. Mais quant à nous, nous sommes cette nuit à Brytvia, à la frontière nord-est du duché, loin des intrigues de cour et de la politique.
Cette cité de huit cents âmes est un îlot au milieu des vastes plaines qui bordent la chaîne montagneuse des Mille-Crocs. Dans cette ville, et même dans les campagnes proches, on est en relative sécurité. La région grouille de créatures malfaisantes mais la cité a les moyens de se payer des mercenaires ou des chasseurs de monstres pour assurer sa protection. On croise donc régulièrement ce type d'individus dans les rues du bourg, mais aussi des artisans dont certains travaillent à la prestigieuse forge naine de Brytvia, des nonnes du temple de Kharishaa et, bien entendu, toutes sortes de soulards venus de l'auberge du Doga Velu.
C'est d'ailleurs dans cet établissement où le patron, un demi-nain-orc, vous a accueilli et où tous les quatre vous vous êtes retrouvés à dormir dans le même dortoir.
Quand soudain, un bruit vous réveille en sursaut !
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