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Wed 24th Apr 2024 08:20

De chair et de métal

by Pangur Bán Jowro Futatoro

UN AMI RETROUVÉ
Un Mars tout neuf, tout nu et tout mutique, nous suivait ; ainsi que le troupeau bêlant des chèvres que Cwengu et Louna avaient rabattues à la perfection, animaux de combat, animaux de bergers ! Compagnons de fortune et d’infortune toujours présents. En arrivat au village des Terres Flétries, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir notre ami roublard ! Kay ! Il nous avait rejoints en bateau, à bord du fameux Vif Argent, évitant ainsi les plaines dangereuses que nous avions mis trois semaines à parcourir jusqu’au village. Mais jamais je n’aurais échangé ma place avec lui pour ce voyage, l’eau me faisait toujours autant horreur, mes pieds bien ancrés dans la terre craquelée aux abords de ce village martyr me le rappelaient.
Kay avait gardé l’orbe ténébreuse, celle-là même que Kethot avait touché à ses dépens, entrevoyant dans une autre dimension le Mal rouge absolu. Au grand soulagement de notre Paladin, l’habile voleur n’avait pas vendu la pesante relique malfaisante.
Quant à l’Elfe aux yeux de miel, Arin, il nous donna des nouvelles importantes par une lettre du conseiller suprême de Neverview qui soufflait le chaud et le froid… Le siège d’Edgewind était levé. Les elfes noirs avaient tenu leur promesse. Ces êtres esclaves des orcs, comme moi il y a plusieurs années des kobolds et de notre chamane pervertie, avaient rempli leur part du contrat. Nous les avions libérés, ils avaient libéré Edgewind.
Par contre, Sombrefeuille était dans une situation critique, et comment rejoindre le Nord aussi vite ?
Il faudrait voler. Il faudrait nous y téléporter…
Le conseiller n’avait pas oublié notre belle et plantureuse Moonie. Je vis les yeux de notre chère prêtresse briller lorsqu’il évoqua son nom dans sa lettre.
 
AMOUR À CŒUR DÉÇU, AMOUR À CORPS REPU
Même si j’étais content de retrouver Kay, c’est le beau berbère à la peau de châtaigne qui attirait toute mon attention. Je ne comprenais rien à ce qu’il nous racontait, notre prince Samay s’efforçait de nous traduire ses paroles… Il était questions d’une forteresse habitée par des nains, d’un marchand des Sables énigmatique, et d’un Céleste, un moyen de transport inédit que j’imaginais comme un grand faucon en or…
Samay avait rendu à Jalel la pierre de Tantaka, qu’il avait analysée comme étant une pierre de maîtrise ! Il lui avait surtout permis de se lier avec elle, et la pierre effectuait désormais des mouvements circulaires en flottant dans l’air autour de la tête du chef de village berbère. Un acte de la part de notre prince qui montrait une fois de plus sa grandeur de cœur. Car cette pierre aurait pu lui octroyer de grands pouvoir supplémentaires dans la maîtrise de sa magie d’occultiste. Tant de grandeur d’âme me serra le cœur, je voyais bien en Samay un grand roi, honnête, davantage préoccupé par le bien-être de son peuple que par le pouvoir.
Tout le contraire de la chamane des Futatoro, la vile Yaatako, qui avait cédé à l’appel du métal et de l’argent.
Toujours est-il que paré de la pierre volante, Jalel en imposait encore plus. Alors qu’il continuait à nous expliquer qu’il fallait protéger les femmes et les enfants du village dans une autre cité du désert, sur la route de la forteresse, un élan me saisit. Je lui accrochai deux branches de gui qui me servaient à matérialiser mes baies nourricières dans les replis de ses étoffes.
Malheureusement, mon geste resta sans grande réaction de sa part. il eut l’air de penser à un acte de récompense guerrière pour les précieuses informations qu’il nous donnait, et il ne vit pas l’offrande amoureuse que je lui faisais. Moi qui lui avais composé une chanson à accompagner au tympanon !
Le cœur empli de tristesse, je me morfondis pendant le reste de la soirée, brossant le poil de Cwengu et affûtant la pointe de mes flèches magiques récupérées dans l’antre labyrinthique de l’affreux naga corrupteur.
C’est alors qu’un des guerriers berbères du village que nous devions emmener avec nous s’approcha de ma tente et fait une caresse à Cwengu, en plantant ses yeux de terre dans les miens. Alors qu’il se léchait les lèvres, je compris que ce fier guerrier, musclé et bien charpenté, n’était pas farouche en ce qui concernait le mélange des corps. Ravalant ma déception, je me dis que si je ne pouvais approcher plus intimement le chef Jalal, je pourrais au moins m’entraîner aux amours masculines avec un de ses guerriers. En attendant qu’il comprenne. C’est donc plein d’un élan nouveau que je m’abandonnai aux étreintes viriles du guerrier dont je ne connaissais même pas le nom.
Moi Pangur Ban, moi le chasseur, je partis cette nuit-là en exploration de terrains inconnus pour moi. Ils étaient forts et très doux. Ils étaient chauds et musclés. Ils ne présentaient aucun danger, sinon d’en redemander encore et encore.
C’est plein d’une belle énergie que je me réveillai aux aurores, gardant sur ma peau l’odeur de celle du guerrier aux yeux de terre.
 
LES NEGOCIATIONS RATEES
Me faire passer pour un écuyer m’allait très bien. Le marchandage, ce n’était pas mon affaire. Ce Xorlock était un « marchand des sables » selon Jalel. Je me méfiais de l’argent qui corrompt les cœurs, comme le coltan avait pourri le cœur de notre chamane.
Rester en retrait et porter l’armure de notre belle et plantureuse Moonie sur le dos de Cwengu m’allait très bien. La Divine avait décidé de charmer le marchand. Elle ne désirait pas se montrer vêtue de plates.
Je profitai de notre déambulation dans le couloir du marchand pour composer dans mon esprit un hymne à ce Xorlock. Je savais que la flatterie était le mécanisme qui animait ce genre de personnes.
Il avait fallu laisser Louna et Cwengu à l’entrée, les gardes dwergars refusant l’entrée de poils dans la forteresse… Etrange…
Mais ce que nous découvrîmes dépassait de très loin notre imagination. Xorlock n’était qu’un immense œil terrifiant, parcouru de pédoncules incurvés comme des couleuvres malades. Rassemblant tout son courage face à ce monstre répugnant il entama la négociation. J’entonnai sur mon tympanon portatif ce chant sans prétention, la voix un peu tremblante, pendant que Moonie gonflait sa poitrine et que Bran et Kay serraient les pommeaux de leurs épées.
Ô puissant Xorlock
Ô vous, assistants nains,
Nous venons en brocs,
Nous venons en bien.
 
Xorlock tout puissant,
Prince des Marchands
Voilà not’ requête,
Ecoutez, c’est chouette…
 
Une royale offre marchande
Que vous devriez prendre
Nous sommes dans le besoin
D’un seul de vos biens :
 
Un céleste…

 
Sur mes dernières syllabes je vis les lèvres de Samay prononcer une incantation, je crois qu’il venait de lancer un sort de « Charme-monstre ». Malheureusement, ni ma petite ode, ni la magie de notre prince ne furent d’aucune utilité.
L’infâme créature nous précipita dans un précipice qui s’ouvrit sous nos pieds, nous tombâmes de trop haut pour ne pas subir de dégâts… Quand au son de « tyra ! tyra ! » scandé par les nains gris nous vîmes apparaître une autre créature, énorme et- comme sortie d’un autre âge… Nous comprîmes que notre sort était scellé…
 
 
SILENCE ET CHEVAUCHEE
« Kay, vise le tyranoeuil avec tes flèches ! » lança Bran à notre roublard. Et en effet, l’œil immonde flottait au-dessus de notre arène, nous lançant d’horribles sorts. Des rayons de magie pure sortaient de son iris. Le pauvre Kethot se vit transpercer le ventre par un rayon violet de magie concentrée. Ses chairs laissaient entrevoir un trou béant, comme les guerriers du village des terres flétries attaqués par le dard des bourdonneurs.
Mais le pire… C’est que l’immonde créature savait lancer des zones d’antimagie ! Des zones de magie morte ! La pauvre Moonie était sans armure, vêtue seulement de sa belle robe de soirée rouge, et elle ne pouvait lancer ses sorts salvateurs ! Notre bonne prêtresse courait, toujours élégamment mais en tremblant, la terreur se lisait sur son visage… Kethot se transforma en corbeau pour aller picorer l’iris abominable, mais un rayon le volatilisa hors de son perchoir (une lance récupérée de notre dernière aventure !)… Même notre vaillant Bran succomba à un rayon de sommeil. Et il y avait le tyrannosaure, énorme créature de muscles. Je lançai un sort de silence sur Xorlock afin de nous donner un peu de répit, mais la créature en sortit bientôt, lévitant à l’envi au-dessus de nos têtes. Cwengu n’était pas là pour ajouter ses morsures à mes flèches. Petit à petit, nous grignotons la vie du tyra. Samlay l’abat. Et Kay notre ami mystérieux retrouvé se fait l'auiteur d'une action de grâce ! Il grimpe avec une agilité dépassant l'entendement sur l’immonde œil et lui plante ses épées dans le blanc, projetant des gerbes de sang !
J’utilise mon piège à mâchoires comme grapin pour remonter, mais l’engin n’est pas pratique à projeter. Nos compagnons déjà dans la salle du haut nous font monter Moonie et moi le long d’une corde.
Le combat fut terrible. Nous avons tous failli y passer.
En déchiquetant les restes du marchand des Sables de son épée, Bran sembla bizarre lorsqu’il toucha du bout de son épée une orbe noire identique à celle que Kay avait conservée. Nous décidâmes de conserver cette abomination que le marchand conservait dans ses entrailles pour communiquer avec un seigneur du mal.
Des dwegars, au nombre de six, étaient prêts à nous attaquer encore… Lorsque de prince, Samay se comporta en roi. Il fit un discours d’une noblesse et d’un courage incroyables, il imposa sa fermeté, il soumit les nains gris pour obtenir ce que nous étions venu chercher…
 
LA CELESTE MACHINE DE METAL HURLANT
Les dwegars, courbant la tête, nous guidèrent auprès de deux nains rigolos. Les dresseurs du céleste.
Je n’arrivais décidément pas à me représenter cette créature… D’autant qu’elle mangeait du charbon ! Comment une créature de la nature peut-elle ingurgiter cette matière noire dépourvue de tout nutriment ?
Puis nous comprîmes. Nous vîmes la merveille. Le monstre de métal hurlant. Prêt à conduire une véritable armée.
 
Moi Pangur Ban, moi Panpan comme m’appelait Moonie, moi le chasseur des plaines, moi l’ancien esclave, j’allais chevaucher avec mes amis une machine magnifique. Nos aventures s’enchaînaient, nos liens se serraient, le destin du monde nous attendait. Une flèche de plus dans l’œil du malheur.
 
Sombrefeuille, nous voilà !...