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Fri 31st May 2024 08:49

Déchirures de métal et trous de serrure

by Pangur Bán Jowro Futatoro

LE VER POURPRE
 
Ce mouchoir appartenant à Kethot, je l’avais ramassé dans un couloir du Céleste. Je comptais le lui rendre. Comme l’étoffe de la robe de Moonie à Neverview. En attendant, avoir quelques affaires intimes de mes compagnons me permettait de les faire renifler à Cwengu afin qu’elle se mette sur leur piste. Et là, j’avais besoin qu’elle apporte une potion de soins majeure au druide aux cheveux de feu. Le pauvre était mal en point. Ma fidèle panthère bondit du toit et courut vers Kethot. Malheureusement, elle dut bondir sur une de ces créatures mortes-vivantes qui menaçait le druide à terre… La fiole de potion roula de la gueule de Cwengu et se perdit. Mon sauvetage félin avait échoué.
Quant à moi, je bandais très fort… tous mes muscles saillants, afin de retenir l’infâme créature volante encore vivante avec mon grapin de fortune, mon fidèle piège à mâchoires de 20 kilos au bout de ma corde. Je voulais l’empêcher de nous faire encore plus de mal. Samay, couvert comme Moonie de spores verdâtres et fétides, repoussa la créature de sa main télé kinésique. Je me retrouvai soulevé du toit et fis des cercles en l’air.
Lorsque l’immonde monstre volant fut enfin mort et que j’eus retrouvé mes esprits, je me retrouvai seul sur le toit, avec une horde de non vivants bien vivants grognant les bras tendus vers moi. J’en tuai un avec mes épées courtes mais je compris rapidement que j’étais en mauvaise posture. Moonie a alors lancé un sort de sanctuaire, je le sus plus tard, afin d’empêcher les créatures de m’attaquer, m’empêchant également de les attaquer encore et encore. Il en viendrait d’autres, encore et toujours. Les hordes geignardes de créatures non vivantes peuplaient cette ville maudite. Ma raison retrouvée, ma rage retombée, je décidai de fuir en sautant, dans un bond prodigieux, sur le toit d’en face. Les mètres qui m’en séparaient auraient paru infranchissables à quelqu’un de banal. Mais je n’étais pas banal. J’étais un chasseur de plus en plus en plus entraîné. Dans l’air, je vis Cwengu entourée de mes compagnons courir au loin.
Alors que nous pensions enfin sortir de cet enfer et retrouver la douceur des sièges capitonnés du Céleste, une ultime infâmie se mit en travers de notre chemin. Une monstruosité sortie de terre dans un vrombissement assourdissant. Un ver pourpre immense, à la gueule béante et au corps hérissé de pointes. Il avala Moonie, puis Kethot, qui devaient suffoquer à l’intérieur ! Et alors que Bran donnait de l’épée, moi de la flèche, Samay utilisa ses pouvoir pour faire vomir l’immondice et recracher nos compagnons affaiblis pas les sucs gastriques de la bestiole. C’est alors que je me rappelai des légendes qui entouraient ces monstruosités dans les plaines autour de mon village. Elles étaient attirées par des sons sourds et répétés au sol. Juché sur un toi, je dis à mes compagnons de me rejoindre en hauteur, et de laisser la créature plonger dans le sol et ressurgir ailleurs. Plusieurs sources de bruits furent ainsi conçues, la plus ingénieuse étant celle de notre prince qui anima les restes de non vivants pour les faire marcher au sol. Le ver géant, ayant percé le sol de part en part, finit par disparaître. Mes compagnons me dissuadèrent d’emprunter les galeries qu’elle avait laissées derrière elle pour aller l’achever. Nous l’avions vaincue par la ruse. Nous devions rejoindre le céleste au plus vite.
 
 
SOMBREFEUILLE
 
Quel plaisir de retrouver le Céleste… et les bras de Jalel ! Mon amant m’accueillit avec un « basoutat nigri cartam », « bienvenue mon chasseur d’ébène ». La nuit fut intense. Les suivantes furent brûlantes. Mes blessures furent vite soignées.
Arin fut une fois de plus confronté à nous soupçons et nos questions se firent de plus en plus pressantes. Nous n’avions pas trouvé d’écaille de Naga à Clairfeuille. Nous ne savions toujours pas qui il était vraiment, quels étaient ses parents… Il nous avoua que lui non plus ne savait pas.
Décontenancé par toutes ces incertitudes, j’allai retrouver mon beau Jalel pour une sieste coquine, et alors que le plaisir allait nous étreindre à nouveau, la Céleste rugit et se plia dans un fracas de métal.
J’avais connu un naufrage dans la Mer de la Désolation, voilà maintenant un déraillement. Les hordes de zombies nous entouraient. A nouveau. Heureusement, des soldats de neverview mirent les morts vivants en déroute et nous escortèrent. Jusqu’à Sombrefeuille.
Quelle merveille que cette ville. Verdoyante, toute de bois construite. Autant Neverview m’avait rebuté avec ses hautes façades minérales et son argent affiché ostensiblement, autant Sombrefeuille, même si elle respirait une certaine noblesse, m’attirait. Tout respirait la nature ici.
Samay a retouvé sa mère adoptive, la reine Mina. Moonie a retrouvé le conseiller Leyvin.
Notre prince nous fit un discours exaltant, dont j’ai retenu ce morceau de phrase : « Finies les préférences et les choix ethniques. »
Tout comme Jalel m’avait appris à m’ouvrir aux amours masculines, j’avais appris avec mes compagnons à côtoyer des personnes d’autres origines, leur faisant confiance. Mon esprit s’était considérablement ouvert. L’aventure m’avait transformé.
Nous gagnâmes une chambre collective en haut d’un manoir magnifique.
Samay trouva une énigme dans son livre, parlant de vaisseau échoué de l’âme, de six lettres apparaissant à la lumière de l’amour. Vasuki ? Au bout de ce voyage, à Neelam, là où tout avait commencé pour Samay et les autres, nous attendait l’écaille. Vraiment ?
Arin, une fois de plus pressé de questions, nous montra un tatouage de naga rouge se mordant la queue de toute beauté, mais effrayant. Il a oublié beaucoup de choses. Des fragments entiers de son passé…
J’errais un peu dans les couloirs du manoir, écoutant quelques conversations aux portes. Moonie me rejoignit bientôt, un livre à la main. Elle semblait déçue de ne pas en apprendre beaucoup plus sur Anaantakal ou le châtiment de l’oubli.
Dans le petit salon, avant le dîner, les révélations sont allées bon train. Kay notre roublard a accusé un vieil homme important de Port Shanti du meurtre de son frère… Le vieil homme en question est le grand-père de Mars !
Samay a beaucoup parlé avec sa mère adoptive, la reine Mina.
Moi, j’ai rôdé dans les cuisines pour savoir ce que nous allions manger au grand dîner, mais je me suis fait chasser par un drôle de jeune homme avec une cicatrice sur la joue.
En m’asseyant en face de Jalel et à côté de Vellor que nous avions retrouvé toujours aussi bavard, je constatai que les mines étaient graves. Kethot n’était pas là…
Le lendemain à l’aube, il nous faudrait partir. Je n’ai pas bien compris où. Mais je suivrai mes amis. Je rendrai le nom de ma tribu, les Futatoto, célèbre.
Là, dans cette pièce luxueuse, entouré de ses amis, de son bel amoureux à la peau de châtaigne, de tous ces gens importants, Pangur Ban, Panpan, simple chasseur de lions, était arrivé bien loin.
Et le voyage n’était pas terminé.
Tant que l’homme n’est pas mort, il n’a pas fini d’être créé.