Maa kodôn bê... L'homme a tout pour savoir...
Les ruines de ce qui fut autrefois le palais de Neelam avaient maintenant quasiment toutes disparu sous une végétation luxuriante. Sequoias, fougères, lianes, palmiers et cacaotiers étendaient leurs racines, leurs branches et leurs feuilles autour des quelques pierres encore debout. Le sol était frais. L'humus était riche. Une source d'eau surgie d'on ne sait où alimentait la zone et quelques trous d'eau permettaient aux diamants mandarins, aux marantes, aux becs de corail de s'abreuver. Les insectes bourdonnaient sous une chaleur écrasante : mouches et moustiques s'en donnaient à cœur joie. Comment cet oasis était-il apparu sur un continent d'Herra'tat dévasté par les dragons ? Nul ne le sait. Mais la zone autour de ce qui avait été le palais de Neelam était verte. Une tache au milieu d'un océan de désolation craquelé par le souffle du tyran et de son fils. Anan. Vasu.
D'homme ? Aucun. D'elfe ? Encore moins. Mais sur le sol surchauffé aux confins de cet oasis pas plus large qu'une demi lieue, un bousier pousse sa boule de nourriture dix fois plus grosse que lui. En évitant de tomber dans les fissures de la terre morcelée. Il travaille sans relâche à sa survie. Sa survie qui ne tient qu'à un fil. Le pouvoir, l'ambition, la corruption, l'argent, la jalousie, tout ce qui a abîmé ceux qui autrefois vivaient ici, qui marchaient sur deux jambes, tout cela lui est inconnu. Dans son minuscule cerveau d'animalcule, seul compte son voyage pour survivre. La destination lui importe peu. Il stockera sa boulette là où le sol sera moins brûlant.
Sur un promontoire rocheux, une magnifique panthère noire vient observer le tableau vert. Ses muscles font briller sa peau. Les reflets du soleil se perdent dans l'ébène profond de son pelage, presque bleu. Derrière elle, ses deux petits trébuchent et hument l'air de leurs petits museaux palpitants.
Maa kodôn bê... L'homme a tout pour savoir...
... nka i kobê dôn tê. Mais il ne peut tout savoir.