Chère mère… Il est déjà loin le jour ou j’ai quitté l’été de votre palais… J’imagine que pour vous, un battement de cil, tout au plus, marque le passage du temps, que je ressens plus fortement ici. Oui, j’espère au plus profond de mon être que vous êtes encore vivante.. Et pourtant, j’ai trouvé une autre chaleur, ici, dans la simple compagnie de ces gens. Leur magie est différente et semblable en même temps. Ils ont chacun une particularité, qui semble être ce qui nous relie, visiblement. J’ai longtemps cru que porter votre sang était ce qui me distinguait, mais il semblerait qu’au contact de ces camarades, une autre partie se réveille.
Il y a d’abord Bran, si beau et si parfait… Dire qu’on l’appelait trois pommes, le voila bien murit, si tu veux mon avis. Il se lance dans le danger avec enthousiasme et naïveté, et semble mettre un point d’honneur à protéger ma personne. Je ne comprend pas pourquoi… Je ne mérite pas cet honneur…. Même si j’espère en secret vous revoir, je redoute ce jour, ou je devrai vous expliquer comment et pourquoi j’ai tué notre plus grand amour à tous deux… Père me hante, tel l’ombre d’un regret, et me mort comme le vent d’hiver qui semble ne plus quitter mon cœur désormais… Las ! je suis revenu, avec un mélange dangereux de détermination, justice, vengeance et, peut-être, d’espoir… Bran m’aidera, je sais pouvoir compter sur lui… Il est mon été, fier, brillant, réchauffant le cœur.
Moonie… Elle a bien grandit, elle aussi, et certaines parties de son anatomie plus que d’autres… Je pense sans trop me tromper que sous cette apparente superficialité se cache une histoire aussi cruelle et désespérée que la mienne… Te souviens-tu d’elle ? Elle ouvrait grand ses yeux sur l’âme des gens, et semblait trouver réconfort dans les prières… J’étais le vilain petit canard à l’époque, cherchant désespérément du pouvoir, pour être à la hauteur d’amélys… Pas une once de magie en moi, à part notre héritage de sang….Est ce que tout cela ne serait pas arrivé si je m’étais tourné vers la prêtrise, comme moonie ?... Je ne sais pas comment l’aborder… Elle se cache derrière une attitude aguicheuse et provocatrice, mais j’ai peur d’ouvrir des blessures non cicatrisées… Elle est l’automne qui me suit comme un chat nouveau-né, mélancolique, lascive, cachant une poésie derrière une flamboyance chamarrée…
Kethot est notre printemps à tous… Il a bien grandit et semble avoir arrêté de manger des vers de terre… Il est accompagné par un étrange volatil qui semble bien plus que cela à ses yeux… Une sorte de malédiction, comme dans les contes que tu nous lisais le soir avec Amelys… J’ai perdu sa trace. Ma sœur… Ma chère sœur, qui semble être devenu importante et se produit dans des tavernes et autres endroits prestigieux… Nous semblons systématiquement avoir une longueur de retard sur elle, mais je ne perd pas espoir. Kethot est toujours aussi lié à la nature, aux bois, à la terre… Il est courageux et à toujours ce sourire particulier…
Et enfin, il y a Kay… Il est l’hiver, pragmatique, rigoureux, sombre, mais qui sait aussi faire briller la beauté simple du reflet de la lumière… Il était déjà doué enfant, mais je peux te garantir que les assassins du maitre des murmures du palais feraient pale figure face à ce qu’il est devenu… Il n’y a pas l’once d’une hésitation en lui lorsqu’il doit plonger son coutelas dans la panse d’un adversaire… Pour une raison que j’ignore, il semble vouloir me protéger aussi..
Je ne puis me contenter d’avancer à l’aveuglette, avec tous ces gens qui comptent sur moi, et je ne puis leur donner comme valeur la simple perduration de ma propre étincelle de vie… Je dois agir… Nous avons eut une petite victoire, permet que je te la conte à mon tour, elle ne sera pas issu des vieux contes des noces du printemps, celle-ci… J’imagine qu’Amelys saurait mieux le faire, mais, las !
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Or, donc, toute cette joyeuse troupe se retrouva dans des circonstances pour le moins étrange, alors que nos retrouvailles amenuisaient nos ressources. Sans nouvelle d’Amelys, nous décidammes de partir faire enquête sur une horde de Gnolls… Il ne nous fallut pas longtemps avant de se diriger vers Copperwren Lake. Chemin faisant, nous avons pu mettre à l’épreuve notre détermination afin de sauver trois malheureux. Si le mot « courage » était alors un peu pompeu, n’ayant à affronter qu’un gnoll, il nous fallut le rassembler pour de bon pour la suite, le village qui était notre destination étant littéralement assiégé par les gnolls…
Il n’est aucun mot pour décrire l’horreur, tout ces gens qui sombraient sous nos yeux, et des décisions à prendre, car oui, comme les tragédies antiques dont j’étais friand lorsqu’elles n’étaient pas vraies, nous ne pouvions pas tous les sauver…
Il nous était impossible de passer par l’entrée, au vu du carnage, il nous fallait un moyen détourné. Mars, le fidèle compagnon de Kethot, fit une reconnaissance aérienne, ombre noire gracile dans la nuit sans lendemain pour la plupart de ces habitants.
Bran nous fit comprendre que c’était réellement des gnolls de lignée, et non pas des humains transformés par le fléau… La présence de hyène, comme nous l’avais signalé le druide via les yeux de son familier, était assez claire à ce sujet. Une soixantaine de gnolls… beaucoup trop pour notre petite troupe…
Alors mère, qu’aurait été votre choix ? En tant que figure politique, il aurait fallut que je sauve les aristocrates, garant d’une politique et garde-fou du chaos social. En tant que prince ayant subit mon lot d’injustices et de souffrance, j’aurai choisit le mage, pour assurer la survie de mon peuple et permettre une prospérité et un renouveau printanier. Mais en tant qu’enfant perdu, celui qui est resté prisonnier de son cri alors que Père était démembré sous ses yeux, je ne pouvais qu’acquiescer à la proposition de Bran de sauver aussi les enfants…
Notre choix était donc fait : le mage, puis les enfants…
Vous ai-je dit que l’entité qui guide à présent mon avenir me sommait de gagner de l’influence ? Le choix judicieux aurait été alors les artistocrates… Ai-je jamais été judicieux, mère ?
Kay nous ayant indiqué un endroit possible, une faille dans le mur d’enceinte, nous nous faufilâmes, espérant que notre plan, lui, serait sans faille. Je ne pense pas être de l’étoffe d’un héros, mais Bran, lui, en a à revendre, si fait que j’ai pu m’en draper à mon tours, revêtant pour l’occasion l’apparence d’un gnoll, moonie faisant de même.
La ruse fut de courte durée, et le combat de Bran risquait lui aussi de l’être si nous n’intervenions pas. De leur côté, Kay et Kethot combattais vaillamment, mais, alors que j’envoyais une décharge occulte en direction d’un gnoll aux prises avec Bran, je touchai Moonie par erreur, grimaçant par empathie avec elle… Il ne sera pas dit que ma carrière de Prince, si elle existe encore, sera toute reluisante…
Le combat ne fut pas de ceux que l’on relate, avec forces arabesques et poésie. Il me rappela plutôt la hache à viande de notre chère cuisinière, et je puis te garantir ne plus jamais vouloir associer ces images..
Nous nous retrouvâmes finalement dans une masure, avec, gisant au sol, le mage que nous recherchions. Heureusement il était encore vivant, et en fouillant, l’on put sauver son grimoire, que je rangeai prestement dans mon petit domaine privé hors du temps…
Bran ne serait pas Bran s’il n’eut ce moment d’été dans ses yeux… La maison en flamme, la ville à feu et à sang, il décréta ne pas pouvoir laisser les enfants… Mon cœur saignait de lui dire que nous ne pouvions pas, mais il était si déterminé que je laissait l’implacable hiver m’envahir, réchauffé par le cœur de soleil battant de Bran.. Moonie, kay et kethot partirent , pour survivre et raconter cette histoire, et je suivis Bran, la peur au ventre, mais heureux de, peut être, mourir en héros…
La maison des enfants étaient envahie et ils se faisaient dévorer un à un. Je pris de nouveau l’apparence d’un de ces canibales et après avoir réuissit à faire sortir trois enfants, nous primes la fuite avec bran, se faufilant de maison en maison , usant de sortilèges d’illusion, et courant avec ce si fragile et précieux trésor…
C’est le cœur battant et l’amertume coulant sur mes joues que nous retrouvâmes nos camarades…
Quand finalement le firmament nous fit grâce d’une pause, nous primes le temps de connaitre les enfants sauvés…
Hennie, Thaï et Velor.. Cela me déchirait le cœur de savoir ce qu’ils avaient vu et vécu, aussi fis-je de mon mieux pour les distraires, jouant au saltimbanque, usant du peu de magie que j’ai à présent pour faire couler un ruisseau de printemps sur leur blessure à vifs… Velor attira plus particulièrement mon attention, issu d’une famille noble, il était capital qu’il rentre, au même titre d’ailleurs que les deux autres enfants, sain et sauf… Je devint de par le fait une sorte de grand frère pour lui et en retire encore aujourd’hui une sorte d’étrange réconfort…
Je me sens si seul, entouré ainsi…
J’aimerai être aimé et non pas juste « important stratégiquement », je trouve un peu de soleil dans les yeux de Bran, mais je sais que ce n’est que du respect et de l’amitié…
Nous décidons d’aller de l’avant, avec plus de questions que de réponses, malgré l’immense savoir du mage.
Le ciel est parsemé d’étoiles, qui semblent discuter avec celles de mes yeux… Mère, cela suffit-il d’avoir les yeux qui brillent si le cœur est éteint ?