Les Sildden

Anthony Orta
Sibyle attendait le reste de ses fils dans sa petite maison en bois. Il faisait chaud en cette fin d’été et l’humidité de cette Ceinture Tropicale n’arrangeait rien. Sibyle avait la patience qui vient avec l’âge et pourtant... Elle appréhendait. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été tous réunis. Alek était déjà là, il était toujours là, à protéger sa mère. Il était le plus jeune et les autres était tous partis de leurs cotés et aucun ne l’avait pris sous son aile. Alors il était resté... Il se tenait debout à côté de sa mère, assise à un bout de la table. Il était aussi fin que son arc mais son visage était celui de quelqu’un de sincèrement gentil. Ses cheveux ébouriffés tombaient en mèches blondes sur son front. Sibyle et Alek fixait Harald, l’aîné, qui était également assis à l’autre bout de la table.   Harald était arrivé le matin après un long voyage. Il se tenait droit, ses longs cheveux bruns (quoique légèrement grisonnant)Après avoir embrassé sa mère et son petit frère, il avait pris un repas et s’assura qu’ils allaient bien depuis le temps. Depuis, plus personne ne disait mot en attendant les autres. Harald restait avec les bras croisés, les yeux mi-clos. Impassible, sérieux, contenu. Tout le portrait de son père...   La porte finit par s’ouvrir brutalement. Si brutalement que Harald avait dégainé son épée en la brandissant vers la porte et qu’Alek avait encoché une flèche sur son arc. Dunkan ... Le cadet venait de faire irruption dans la maisonnée. Sibyle ne le reconnut pas l’espace d’une seconde avec sa barbe hirsute et son crâne rasé. Il avait toujours été le plus sauvage, le plus brutal.
  • "Quel accueil ! Ça plaisir d’vous r’voir aussi les gars..."
Harald et Alek rengainèrent leurs armes. De sa démarche lourde, Dunkan vint se présenter tout penaud devant sa mère.
  • "D’solé d’pas être venu plus tôt mère..."
Sibyle ne put s’empêcher de sourire devant ce golgoth massif avec sa crête rouge qui avait tué plus de cent impériaux ces deux dernières années et qui maintenant se tenait comme un petit garçon qui va se faire gronder.
  • "Bienvenu mon fils. Assieds-toi et prend à manger. Nous allons bientôt commencer."
Dunkan sourit et donna une bonne tape sur l’épaule à son petit frère Alek.
  • "T’as grandit le louveteau !"
  Il s’assit en adressant un signe de tête à Harald. L’aîné salua de la même manière. Décidément, ces deux là n’avait toujours pas réglé leurs comptes... Dunkan prit une miche de pain et du fromage et commença à manger avec appétit. Les minutes passèrent comme ça, en silence. Harald patientait dans une immobilité de statue, Dunkan mangeait et Sibyle sentait que la tension nerveuse d’Alek augmentait. Apres presque une heure, des rires et des voix montant dans les aigus approchaient de la porte. Cette dernière s'ouvrit à la volée inondant la maison du soleil de l’après-midi et de vents chauds. Skalden, le troisième fils de Sibyle venait d'arriver accompagné d'une jeune fille (certainement trop jeune) qui était accrochée à son cou. Skalden était toujours un bel homme élégamment vêtu, avec sa barbe finement taillée et ses cheveux châtains ondulés qui tombaient sur ses épaules.
  • "Hé ! Regarde moi ça Juldia ! Toute la famille au complet ! N'est-ce pas vivifiant !?"
De toute évidence, la jeune fille ne s'attendait pas à entrer dans un endroit remplit de monde et tout sauf intime. Juldia regarda tour à tour les protagonistes autour de la table qui l'a regardait elle et Skalden avec un œil noir. Lorsqu'elle se rendit compte de la présence de Sibyle, elle lâcha Skalden et se rembrailla un peu. Le rouge lui monta vite aux joues.
  • "Il me semble, jeune Prissca, que tu devrais être avec tes sœurs pour la récolte du sel à cette heure, dit Sibyle d'un ton autoritaire. Tu ne tiens pas a ce que tes parents apprennent ce que tu fait de ta vertu sur ton temps de travail, n'est-ce pas ?"
  • "Je... non... Je vais de ce... Bonne journée dame Sibyle ! Messeigneurs..."
Après une révérence maladroite, Juldia se précipita derrière et referma la porte en courant comme si des Orzyks étaient à ses trousses. Dunkan réprima un ricanement (ou un rot) alors qu'il vidait un pichet entier de vin.
  • "Non Juldia ! Ne part pas !! Elle plaisante voyons, ne p... Ah bravo ! Votre sens de l'hospitalité mère me laisse pantois ! Avec qui vais-je danser maintenant ? Alek !?"
Harald soupira.
  • "Tu as bu mon fils ?"
  • "Comme tous les jours à cette heure ! Et alors ?"
Sibyle n'insista pas. La famille était au complet, et donc les disputes et les cris n'allait pas tarder. Inutile de précipiter l'inéluctable.
  • "Bienvenue à toi Skalden, prends place à table, toi aussi Alek. J'ai à vous parler depuis longtemps. Mais il n'a pas été facile de vous joindre tous les trois (elle regarda Harald, Duncan et Skalden), j'ai du envoyer des messagers discrets pour ne pas utiliser vos prénoms et attirer sur vous l'Empire."
Tous les quatre regardaient leur matriarche et attendait la suite. Harald regardait sa mère avec une sorte de résignation, il pressentait à n’en pas douter quelque chose de grave. Tout son père... Sibyle n’avait de toute façon pas le choix, il fallait leur dire.
  • "Je suis mourante."
Les quatre fils restèrent sans voix devant cette déclaration.
  • "Une maladie est en train de m’emporter, il ne reste que quelques mois de vie en moi."
Alek était complètement déboussolé. Skalden se resservit à boire et Dunkan explosa son assiette avec son poing massif. Harald soutenait le regard de Sibyle.
  • "Comment est-ce possible mère ? Vous êtes sûrement la plus grande alchimiste de votre temps, il existe bien un remède !"
  • "Non aucune potion, aucun élixir ne peut vaincre ce mal. Je meurt de chagrin... La mort de votre père m’a causée une blessure mortelle. Et l’échéance de ma vie approche."
Tous avait la mine sombre car l’ombre de Parangon Sildden, leur père, venait de planer sur eux. Comme prévu, Dunkan fut le premier à exploser.
  • "Mais par toutes les putes d'Erionth, tu as à toi toute seule empoisonnée un régiment entier d'impériaux ! Tu es surement la seule à pouvoir aller si loin dans la ceinture tropicale et tu as inventé ta potion fantôme, c'est pas rien ! Tu dois bien pouvoir guérir un maladie Foutre-ciel !"
  • "Ne jures pas fils ! Non aucune magie ne peut guérir de ce mal, hormis celle qui demande un coût trop élevé que je m'interdis d'utiliser. Et la mort fait partie de la vie. C'est dans l'ordre des choses."
  • "Mais mère, tu ne peux pas mourir, supplia Alek."
  • "Grandis un peu p'tit frère, trancha d'un ton sec Skalden. Tout le monde finit par crever."
Dunkan se redressa sur sa chaise.
  • "Eh là, doucement belle gueule."
  • "Ah ca y est, tu as finit de remplir ta panse de vachemouth !?"
  • "Ma panse de quoi ?"
Sibyle soupira, c'était commencé... Dunkan fixait Skalden avec des yeux noirs. Il venait de mettre la main à sa ceinture ou une hachette pendait. Une table seulement les séparait.
  • "S'il-te-plait Skalden, implora Alek d'une voix apaisante et faussement légère, ne fait pas d'histoire aujourd'hui."
Skalden se leva et domina l'assemblée avec un rictus narquois.
  • "Au contraire ! Je ne vois pas meilleur jour pour en faire ! Pour une fois que nous sommes tous réunis..."
  • "Ta gueule Skald'..."
Dunkan semblait doubler de volume sous l'effet de la colère.
  • Mes fils, calmez-vous je vous prie. J'ai un...
  • "Oh mais j'ai toujours fermer ma gueule Dunkan. Mais je ne suis plus un gosse, et tu n'es pas père..."
  • "Ne parles pas de père."
Harald venait de parler d'une voix grave, sentencieuse. Il gardait les yeux rivés sur sa mère en face de lui. Mais son regard était froid et sa mâchoire était crispée.
  • "Aah ! Le fils parfait ! Je m'étonnais de ne pas avoir encore entendu de sermon."
  • "Skalden, fermes-là un peu, gronda Alek. T'es pas là depuis cinq minutes que..."
  • "Oui je sais, c'est encore moi qui gâche le moment ! La honte de la famille... c'est ça !?"
  • "Par Kharishaa si tu continue de parler jte jure que j'défonce ta jolie p'tite gueule..."
Ils étaient tous en colère, Sibyle le voyait bien. En colère et triste. C'est là qu'ils étaient le plus dangereux. Sibyle allait intervenir mais elle voyait bien qu'ils n'écouteraient pas. Ils ne s'étaient pas vu depuis trop longtemps. Ils devaient régler leur compte une bonne fois pour toute si elle voulait leur exposer son plan. Qu'ils vident leurs sacs.
  • "Ma p'tite gueule en a assez de voir les vôtres. J'en ai marre j'me tire. Désolé mère mais je crois que je vais..."
  • "Tu ne vas nulle-part Skalden, annonça Harald. Mère n'a pas finit de nous parler".
  • "Et quoi ?! C'est toi qui va m'en empêcher ?
Skalden avait clairement augmenter le volume et ses yeux exprimaient une réelle envie d'en découdre.
  • "Ou c'est toi peut-être Dunkan ? Qu'est-ce que vous croyez que j'ai encore seize ans ? Vous n'allez rien faire c'est ce que vous faites de mieux ! Comme lorsque vous avez laissé mourir père !"
C'en était trop. Dunkan saisit sa hachette en reversant sa chaise mais Harald fut plus rapide. L'aîné se leva et d'un geste précis qui était en attente, décocha un coup de poing au visage de Skalden. Ce dernier tomba au sol avec une roulade pour se reprendre et au moment où il se stabilisa se retourna en lançant trois poignards dans la direction d'Harald. Ce dernier en esquiva deux mais le troisieme vint se planter dans son bras. Sans marquer de pause, Harald asséna plusieurs coups méthodiques au corps de Skalden. Skalden effectua toute une série de parade qui dénotait de sa grande agilité et de sa jeunesse. Mais Harald avait une alliée imparable; l'expérience. Il encaissa une contre-attaque de Skalden au visage qui lui donna une ouverture au buste de son petit frère. Harald donna deux coups secs dans le ventre de Skalden qui en eu le souffle coupé. Il lui donna ensuite un coup de coude latéral à la tempe qui l'envoya s'écraser sur des étagères dans un grand fracas. Skalden gisait au milieu de pots cassés, avec la bouche en sang et une larme de rage qui coulait sur sa joue tuméfiée.
  • "Tu ne sais pas de quoi tu parles, lui dit Harald en enlevant le poignard de son bras. Tu n'étais pas là. Dunkan et moi avons vu père combattre comme jamais pour repousser l'invasion impériale. Les autres seigneurs tombaient un à un, succombant à la force de cette armée qui était plus forte que tout ce que nous avions pu voir auparavant. Père à été le dernier à tenir. C'est lui qui à donna l'ordre de se replier. Pour que nous ne mourrions pas tous inutilement à cette bataille. Duncan voulait mourir avec père. Moi aussi. Mais il avait donné un ordre, et j'ai du faire un choix. J'ai traîné Dunkan de force pour qu'il quitte le champs de bataille. Et alors que nous fuyions avec ce qu'il restait de guerriers, nous avons assisté à la grandeur d'un homme. Parangon Sildden qui tenait tête a une armée entière. Il combattit vaillamment comme seul lui pouvait le faire. Mais ils tuèrent, le décapitèrent et utilisèrent son corps comme bannière pour humilier notre résistance. J'ai fuit et j'ai forcer ton frère à fuir... et je doit vivre avec ça tous les jours."
Skalden se releva maladroitement en essuyant le sang de sa bouche d’un revers de manche. Dunkan serrait sa hachette jusqu’a la crampe et avait la tête baissée, des larmes tombant sur le plancher. Tous pleuraient, et Sibyle laissa passer un instant avant de prendre la parole.
  • "Votre père était un homme de valeur et le traitement qu’il reçu par ses envahisseurs pèse sur mon âme. Je vais mourir car ainsi je rejoindrais le flux de Parangon. Mais je ne peux partir tant que je n’ai pas sauvée ses fils. Alek a besoin de mentors, Skalden d’une cause, Dunkan a besoin d’une revanche et Harald, il te faut assumer l’héritage de ton père. Avant de partir je compte venger la mort de mon époux... en attaquant L'archipel du mirage."
Tous se tournèrent vers leur mère avec des yeux exorbités. Ils ne l’avaient pas vus venir...
  • "Cela fait treize ans que l’Empire nous a tout pris. Notre terre, nos proches, notre fierté... Ils ne craignent rien ni personne et je n’arrive plus à le tolérer. Si je doit partir je veux le faire en paix, et pas avant d’avoir fait payer l’Empire."
  • "Attends mère, interrompit Dunkan. Tu... veux qu’on aillent attaquer le camp de l’archipel ?"
  • "Et que vous tuiez chaque impériaux qui s’y trouvent, oui."
Skalden partit en fou rire en ramassant son gobelet pour se resservir en vin.
  • "Mais mère c’est impossible, tenta de raisonner Alek, il doit y avoir presque 600 soldats avec tout les ravitaillements et les navires et un armement d’une puissance qui... ça serait du suicide."
  • "D’accord, annonça simplement Harald."
  • "Quoi « d’accord » ?! demanda Dunkan. Tu voudrais qu’a quatre on aillent attaquer une armée entière !? D’habitude c’est moi qui propose de foncer dans l’tas mais là..."
  • "Si il s’agit de la dernière volonté de mère, alors nous le feront."
  • "Mais... on va tous crever."
  • "Et alors, tu avais quelque chose de mieux a faire prochainement ?"
Dunkan remarqua l’éclat dans les yeux d’Harald et peut-être un léger plissement des lèvres. Son frère venait de reprendre vie. Dunkan regarda Skalden qui étaient toujours en train de rire et qui lui remplit également sa choppe. Le colosse se mit à partager l’hilarité de son frère et rit de sa voix puissante également. Alek avait le visage qui s´était illuminé. Il se leva et partit en trombe ouvrir un coffre dont il vida la moitié du contenu par terre. Il sortit une vieille bannière poussiéreuse qu’il se précipita de tendre devant lui avec fierté. La bannière du loup vert. La bannière des Sildden. Dunkan se leva en riant fort et frappa sa choppe sur le gobelet de Skalden, toujours hilare pendant qu’Alek partageait leur joie. La maisonnée devint très bruyante et les rires emplifiaient, des rires fous, des rires dangereux, des rires carnassiers... Sibyle avait réveillée les loups.
Harald se rassit et regarda sa mère avec un regard déterminé et hocha légèrement la tête. Il avait un sourire. Pas le sourire de la joie, ni du bonheur. Non, le sourire du sang à venir, celui des jours de tempête. Celui de la guerre...
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