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Sun 25th Feb 2024 01:14

Une soirée en ville (Chapitre 12, parti 2)

by Brän

La nuit était tombée et le groupe d’amis se retrouvait enfin à l’auberge du Poney Frétillant. À peine Brän avait-il franchi le seuil que Kay, déjà installé, sirotait une bière.
 
“Peu importe, l’essentiel est de partager une bière, pas nécessairement de la lui offrir,” pensa Brän, tandis que la serveuse lui versait sa propre chope.
 
“À notre retour à Neverview !” lança le Paladin, levant son verre.
 
Moonie, pressé, se leva : “Je dois y aller, j’ai un rendez-vous à honorer.”
 
Brän, surpris, rétorqua : “On vient à peine d’arriver.”
 
Moonie, en partant, leur souhaita : “Bonne soirée, les gars.”
 
Après avoir savouré sa bière et grignoté quelques morceaux, Kay se leva à son tour.
 
Kay annonça : “J’ai une affaire à régler en ville ce soir.”
 
Brän commença à protester : “Mais Kay…” Mais il était déjà dehors.
 
Samãy se leva également et se dirigea vers un jeune homme dans la salle. Kethot avait lui aussi disparu.
 
Brän et Pangur restèrent seuls à table.
 
“Cela ne ressemble pas à la fête que j’avais imaginée, mais tout le monde semble passer un bon moment. C’est l’essentiel,” pensa Brän.
 
Brän se tourna vers Pangur : “Si tu as le temps, on pourrait s’occuper de ton visage, mais pas ici. On monte dans ta chambre ?”
 
Pangur acquiesça : “D’accord.”
 
Une fois dans la chambre du ranger, Brän demanda à Pangur de s’asseoir sur le lit. Il lança alors un sort de restauration :
 
“Gaëa, mère de toute vie, restaure le visage de cet homme.”
 
Le sort fonctionna, mais le résultat n’était pas à la hauteur des espérances.
 
Brän, déçu, avoua : “Le sort n’a pas fonctionné sur ta cicatrice, j’étais pourtant sûr que cela marcherait.”
 
Pangur, triste, répondit simplement : “D’accord.”
 
Brän réfléchit un instant, puis proposa : “J’ai une idée, mais ce serait douloureux.”
 
Pangur demanda : “Douloureux comment ?”
 
Brän expliqua : “Je dirais comme une marque au fer rouge.”
 
Pangur, déterminé, accepta : “Alors on le fait.”
 
Brän lui demanda d’attendre : “Attends-moi ici, j’ai besoin de quelques composants.”
 
Le paladin revint un quart d’heure plus tard avec une bouteille de rhum, ses gantelets et sa dague.
 
Pangur n’avait pas bougé, restant pensif et interrogateur sur ce que son ami avait en tête.
 
Brän lui tendit la bouteille : “Bois ça.”
 
Pangur regarda le jeune homme dans les yeux, puis la dague.
 
“Tu es sûr, Brän ?”
 
“Oui.”
 
“Alors fais vite,” et Pangur but une grande gorgée de rhum.
 
Le paladin enfila son gantelet droit et prit la dague. Pangur regarda à nouveau le jeune homme dans les yeux et prit une autre dose de rhum.
 
“Mords ça,” dit Brän en tendant le manche de la dague vers la bouche du ranger.
 
Pangur regarda la dague avec perplexité, puis la mordit.
 
Brän posa alors sa main droite sur la joue de Pangur, qui ne comprenait pas ce que le paladin fabriquait.
 
“Prêt ?”
 
“Prêt à quoi ?” pensa Pangur.
 
“Gaëa, accorde-moi ta fureur,” incanta le Paladin. Le gantelet s’illumina et irradia d’énergie sacrée. Aussitôt, Brän entreprit un mouvement rapide d’aller-retour sur la joue de son ami. Pangur sentit sa chair se déchiqueter sous le frottement du gant, la douleur était insoutenable. Il mordit le manche de la dague de toutes ses forces. Soudain, la main de Brän devint aussi douce qu’un nid d’oiseau. “Par la grâce de Gaëa.”
 
La douleur se transforma en une sensation agréable. Brän avait rompu la fureur divine et appliqua sur la joue de Pangur une imposition des mains. Pangur était encore sous le choc quand Brän retira sa main, des vapeurs d’énergie sacrée émanaient encore de la tête du ranger.
 
Brän fit quelques pas en arrière et tendit à son ami le miroir de bronze de la chambre. Pangur se regarda dans le miroir avec appréhension.
 
“La rougeur va disparaître dans quelques jours,” dit Brän.
 
Pangur se frotta le visage avec sa main, il était lisse.
 
“Ce n’est pas parfait, mais dans quelques temps personne ne remarquera.”
 
Pangur sourit à Brän, qui lui rendit son sourire.
 
“Repose-toi, demain tu iras mieux.” Le paladin sortit de la chambre. Il savait que la solitude pouvait aussi être un remède et que Pangur en avait grand besoin. Les cicatrices ne marquaient plus son corps, mais elles étaient toujours présentes sur l’âme.
 
—--
 
De retour dans sa chambre, Brän déposa ses affaires et jeta un œil à ses listes. Il n’était pas encore très tard, peut-être pourrait-il accomplir quelque chose ce soir. “Brosser Louna ?” pensa-t-il. “C’est le bon moment.”
 
Il descendit retrouver sa louve. Il la trouva dehors, allongée dans la poussière.
 
“Allons, viens, je vais te brosser,” dit-il.
 
“Ici ?” demanda Louna.
 
“Non, pas dans la rue. Il y a un lac en ville. Allons-y.”
 
Louna remua la queue avec énergie. Brän la monta et ils partirent vers le lac de Neverview. Le jeune homme était ravi de pouvoir enfin monter sa louve, depuis son invocation, il n’en avait pas eu l’occasion. Il préférait que Louna porte les enfants sur son dos pendant le trajet de retour. Les rues de la ville étaient presque vides, la louve et son cavalier arrivèrent rapidement au lac Mebon. Arrivé au bord de la rive, Brän descendit, prit la brosse dans la sacoche de sa monture et lui retira sa selle. Il trouvait ça génial que Louna soit livrée “full options”. Cette pensée le fit rire.
 
Brän entreprit de la brosser avec délicatesse. La louve se laissait faire, profitant de ce moment avec son maître. Une fois fini, il regarda le lac.
 
“On prend un bain ?” proposa-t-il.
 
“Si tu veux, mais tu viens juste de me brosser,” répondit Louna.
 
“Tu n’es pas obligée de me suivre,” rétorqua Brän.
 
Brän se déshabilla et plongea dans l’eau. Louna le suivit. L’homme et la bête se mirent à jouer. La complicité entre la monture et l’homme était totale.
 
Au bout d’un moment, le Paladin remarqua une femme sur le bord de la berge. Elle était visible de loin, faisant les cent pas sous un lampadaire. Interrompant leur jeu, Brän nagea vers elle. En se rapprochant, le jeune homme vit une jeune femme au visage agréable. Elle semblait soucieuse et marchait d’un pas lent.
 
Brän sortit de l’eau et alla à sa rencontre. Elle ne remarqua pas le jeune homme qui s’approchait. Le paladin se demanda ce qu’elle pouvait faire ici à cette heure. Visiblement, elle attendait quelqu’un. Elle était blonde, plutôt grande pour une femme. Elle ne devait pas avoir encore la vingtaine et portait des vêtements de bonne facture.
 
“Vous avez besoin d’aide, madame ?” interpella le paladin.
 
La jeune femme surprise regarda le jeune homme et prit peur.
 
“Je ne vous ferai pas de mal,” dit Brän en tendant ses mains vers elle en signe d’apaisement. Mais le jeune homme ne portait presque rien sur lui, ce qui ne le rendait pas très engageant.
 
“Laissez-moi tranquille, sale manant,” dit la femme paniquée, mais sur un ton hautain. Elle dégaina sa lame.
 
“Partez, sans-nom, ou je vous pourfends de ma lame. Je suis une aventurière et je sais m’en servir,” dit l’aventurière sur un ton un peu plus assuré mais toujours aussi hautain.
 
“Un sans-nom, encore une pimbêche de la haute,” pensa Brän. Le paladin n’était pas prompt à répondre aux insultes habituellement, mais le “nom” de Brän était une corde sensible pour le paladin. Il avait l’impression d’avoir reçu une flèche en plein cœur.
 
“Désolé, Votre Altesse, je ne suis que Sire Brän ‘Hîrivargs’ et je m’inquiète de votre tourment,” dit le Paladin. En disant ces mots, Brän avait l’impression d’avoir du fumier dans la bouche, il détestait faire cela, mais elle l’avait trop cherché.
 
La femme fit un pas en arrière en montrant de la main quelque chose derrière le paladin. Louna venait de sortir de l’eau. Elle se posta derrière son maître, prête à mettre la blonde en charpie.
 
“Derrière vous, Sire,” dit-elle.
 
Brän savait que sa monture était derrière lui. Il haussa les épaules et partit s’asseoir près de la berge comme si de rien n’était. Louna s’ébroua, arrosant tout le monde au passage. Une petite vengeance personnelle contre cette femme qui importunait son paladin. Brän, lui, n’en avait que faire. Il commença à réfléchir.
 
“J’aurais dû m’y attendre, j’aurais dû faire comme le prince et Moonie, me trouver une bonne compagnie à l’auberge. Mais je n’en avais pas la force après ce que j’ai fait subir à Pangur, il a dû en baver. Je ne sais pas si j’aurais le courage de faire subir le même traitement à Samãy. Il faudrait déjà qu’il me fasse suffisamment confiance pour me l’avouer…
J’espère que les enfants vont bien. Leyvin a l’air d’être honnête, je ne suis pas sûr qu’il ait apprécié la mauvaise blague de Vellor. Je trouve sa réaction déroutante, au niveau du prince, de Rufus, des enfants, rien ne prouve nos dires et pourtant il nous a donné 6000 sika et une mission diplomatique, après on ne lui a rien demandé pour la formule de Rufus. Je crois que ça a joué en notre faveur. De toute façon, personne dans le groupe n’a eu à un moment l’intention de la vendre cette formule. Il nous cache certainement quelque chose,” pensa Brän.
 
“Sire… Sire Brän d’Irivag ?” interrogea une voix féminine.
 
“Hîrivargs,” corrigea Brän, “et ce n’est pas une contrée ou un lieu, mais plutôt un surnom.”
 
“Vous n’êtes pas un Sire,” dit la jeune femme.
 
“Si,” répondit Brän en tremblant de froid, “mais je suis juste un simple chevalier. Je vous croyais partie ou en train d’attendre encore.”
 
“Je ne pense plus que mon rendez-vous va venir,” avoua-t-elle.
 
“Un galant ?” demanda Brän.
 
“Bien sûr que non !” répondit la jeune femme sur un ton un peu vexé.
 
“Alors que faites-vous dans ces lieux, madame ?”
 
“Un homme m’avait dit qu’il me vendrait des potions de soin et m'avait donné rendez-vous ici.”
 
“Pourquoi ne pas aller voir un alchimiste dans les quartiers marchands de la ville ?” demanda Brän.
 
“C’est trop cher, là il me proposait 5 sikka la potion de soins de première qualité, mais je devais venir ici et seule.”
 
“Et vous l’avez cru ?” demanda Brän.
 
“Comment ça ?”
 
“Et c’est moi le naïf, 5 sikka pour une potion c’est vraiment trop peu cher, c’était un tracnard.”
 
“Vous croyez ?” demanda-t-elle.
 
“Certainement, c’était trop beau pour être vrai.”
 
“Mais pourquoi n’est-il pas venu ?” demanda-t-elle.
 
“Un empêchement ou ils ont eu peur,” frissonna Brän.
 
“Ils ? Peur de quoi ? D’une femme ? De vous ?” demanda-t-elle.
 
Louna arriva et déposa tant bien que mal sa couverture de selle sur les épaules de son maître pour le réchauffer. Elle était partie la chercher au premier frissonnement du jeune homme.
 
Brän mit correctement la couverture sur ses épaules.
 
“Une louve géante ?” demanda-t-elle.
 
La jeune femme regarda Louna, elle n’avait plus peur. La louve traitait son maître avec tant de soin qu’elle ne lui faisait plus peur.
 
“Peut-être ! Je suis dame Elysa de Blancherive,” se présenta-t-elle.
 
“Enchanté, moi c’est Brän.”
 
“Pas Sire Brän d’Hîrivargs ?”
 
“Si, c’est Brän ‘Hîrivargs’, il n’y a pas de ‘de’,” corrigea Brän.
 
“Hîrivargs c’est de l’elfe,” remarqua-t-elle.
 
“Oui, ce sont des elfes qui m’ont surnommé ‘Hîr i vargs’,” expliqua Brän.
 
“Le seigneur des loups, mais pourquoi ?” demanda-t-elle.
 
Brän regarda Louna.
 
“Oui, je suis bête,” admit Elysa.
 
“Non, Madame de Blancherive, pourquoi une noble cherche à acheter des potions de soin ?” demanda Brän.
 
“Je fais partie d’un groupe d’aventuriers, mais nous n’avons pas de clerc avec nous,” expliqua-t-elle.
 
“Êtes-vous aventurière ?” demanda Brän.
 
“Oui, tout comme vous, mais c’est compliqué,” admit-elle.
 
“Je ne suis pas aventurier, mais c’est compliqué,” rit Brän.
 
Les deux jeunes gens rirent ensemble.
 
“Je vous recommande de prendre un clerc ou un druide dans votre groupe, les régions autour de Neverview ne sont pas sûres,” conseilla Brän.
 
“Je sais bien, mais ce n’est pas facile et nous avons un blessé. C’est pour lui que je cherche les potions,” expliqua-t-elle.
 
“Il ne guérit pas par lui-même ?” demanda Brän.
 
“Non, sa blessure est trop grave, vous auriez peut-être une potion à nous prêter. Nous vous rembourserons dès que possible. Cela nous rendrait un grand service,” proposa-t-elle.
 
“Non, nous n’en avons plus,” répondit Brän.
 
“Vous pouvez nous prêter de l’argent alors ?” demanda Elyse sur un ton charmeur.
 
“Impossible, nos ressources sont déjà trop limitées,” refusa Brän.
 
Elyse, triste, acquiesça : “D’accord.”
 
“Je peux peut-être aider votre ami. Où est-il ?” proposa Brän avec un sourire.
 
Elyse regarda Brän, perplexe. “Vous n’êtes pas un chevalier.”
 
“Si, je le suis.”
 
“Comment comptez-vous faire alors ?”
 
“Je vais demander à ma déesse.”
 
“Vous êtes un clerc ?”
 
“Non, juste un Paladin.”
 
“Un Paladin ?”
 
“Oui, un chevalier sacré, si vous voulez.”
 
“Et vous pouvez soigner ?”
 
“Bien sûr ! Depuis combien de temps êtes-vous aventurière ?”
 
“Euh… trois mois. Et vous ?”
 
“Dix ans.”
 
“Dix ans ? Mais quel âge avez-vous ?”
 
“Presque seize ans et demi.”
 
“Vous vous moquez de moi, vous êtes plus jeune que moi.”
 
“Non, les Paladins ne mentent pas. Dans quel hôtel logez-vous ?”
 
“En face du Poney Frétillant.”
 
Brän rit. “C’est aussi mon hôtel.”
 
Brän ramassa ses affaires, se rhabilla et ressella Louna. Ensuite, il monta sur la louve.
 
Il tendit sa main à Elysa et dit : “Madame de Blancherive, avez-vous déjà chevauché un loup ?”
 
“Non.”
 
“Alors, montez.”
 
Il ne fallut pas longtemps à Louna pour retourner à l’hôtel. Elysa emmena Brän au chevet de son major d’homme, Gaston. L’homme, dans la quarantaine, était mal en point et ses plaies étaient infectées.
 
Brän préféra garder ce qui lui restait de l’imposition pour soigner les blessures de l’homme. Il lança donc une restauration pour éradiquer l’infection.
 
“Par la grâce de Gaëa, guéris cet homme,” dit Brän en posant sa main sur Gaston et lui redonnant toute la force vitale qui lui manquait. Le paladin fut étonné de ne pas avoir utilisé toute sa réserve, signe d’une force vitale relativement modeste.
 
Gaston allait beaucoup mieux. “Merci, Sire,” dit Gaston. “Merci, Sire,” dit Elysa.
 
“Juste Brän, c’est suffisant, Madame.”
 
“Alors, ce sera Elysa pour toi aussi,” dit Elysa.
 
“Mais madame, c’est inconvenant.”
 
“Gaston, nous ne sommes plus au manoir. Vous n’êtes que deux dans votre groupe ?”
 
“Non, j’ai aussi ma dame de compagnie, Estelle.”
 
“Gaston est notre guerrier, Estelle et moi sommes mages.”
 
“Deux mages avec un guerrier, c’est une bonne base, mais il faudrait un clerc ou un druide,” dit Brän.
 
“Ou un Paladin, cela nous rendrait service,” dit Elysa, rougissante.
 
“Désolé, Elysa, j’ai des obligations,” dit Brän, se mordant les lèvres pour ne pas accepter.
 
“Vous restez en ville combien de temps ?”
 
“Nous n’avons pas beaucoup de temps, juste quelques jours, le temps de nous ravitailler. Nous avons vu le conseiller suprême ce soir et il nous a chargés d’une mission diplomatique à l’est.”
 
“Vous travaillez pour le conseiller ?”
 
“Bien sûr que non,” dit Brän.
 
“Mais vous venez de dire…”
 
“Je t’ai dit que c’était compliqué…”
 
“Oui, effectivement…”
 
“Non, Elysa, ne me pose plus de questions sur ce sujet, s’il te plaît. Je n’ai pas le droit de mentir, mais je peux ne rien dire. Si j’ai des informations utiles pour votre groupe, je vous les donnerai.”
 
“Merci encore pour Gaston, Brän.”
 
“De rien, il est tard, mais on pourrait peut-être se revoir demain ?”
 
“Alors à demain, même endroit,” chuchota Elysa à l’oreille du Paladin, en l’embrassant sur la joue.
 
Brän prit congé.