MISSION SURVIE
Moonie rouvrit les yeux et aperçut Bran, le paladin, penchant ses mains au-dessus d’elle. Il venait de la soigner et se battait maintenant vaillamment contre les six zombies qui l'avaient attaquée.
"Reste derrière moi, Moonie," dit Bran, brandissant son épée avec détermination. Moonie jeta un rapide coup d'œil autour d'elle. À sa droite, elle vit Kay, Pangur Ban et Samay engagés dans un combat acharné contre les deux volatiles géants. Mais Kethot était introuvable! Où était passé son ami, le druide ? Elle devait se débarrasser des zombies qui l’attaquaient pour partir à la recherche de son ami.
"Ô Sumie, entends mon humble requête,
Que tes esprits gardiens me protègent de cette tempête.
Dans leur douce aura, que je trouve refuge,
Sous tes auspices divins, ô déesse juge."
Instantanément, trois esprits gardiens aux formes voluptueuses et vêtus de tenues sexy apparurent et se précipitèrent sur les zombies, les éliminant un par un.
"Bran!! Je ne vois pas Kethot, il faut le retrouver !" cria Moonie.
"Je vais le chercher, Moonie, mais je n'ai aucune idée d'où il peut être," répondit Bran en s'avançant prudemment. Moonie vit au loin deux hordes de zombies approcher, une droit devant et l’autre à sa gauche.
"Aaaah!!" Le cri venait de l'un des volatiles que Samay venait de faire exploser.
La prêtresse était encore étourdie par la violente attaque des zombies. Sa vision était floue, mais elle parvint à apercevoir Bran, à une dizaine de mètres devant elle.
"Je dois rejoindre Bran, je suis vulnérable toute seule !" pensa-t-elle. Elle se leva et vit une horde de zombies s'approcher dangereusement à sa gauche. Rassemblant ses forces, elle lança une puissante boule de feu qui réduisit les zombies en cendres avant de se précipiter vers Bran. Alors qu'elle se rapprochait du paladin, un autre groupe de zombies surgit d'une ruelle. Une autre boule de feu les détruisit instantanément. Elle emprunta avec hâte la ruelle où elle avait vu Bran disparaître. En s'engageant dans la ruelle, Moonie vit au loin Bran en train de soigner Kethot, tandis que Cewngu, la panthère de Pangur Ban, combattait vaillamment les zombies.
"Par Sumie, Kethot semble gravement blessé," pensa Moonie avec inquiétude.
Samay, lévitant dans les airs, cria : "Nous avons éliminé les deux monstres volants, mais une horde de zombies approche! Nous devons partir maintenant!"
"D'accord, Samay!" répondit Moonie en se hâtant de rejoindre Bran et Kethot. Elle s'apprêtait à repartir lorsqu'elle vit Kay tomber lourdement devant elle.
"Kay? Ça va?" demanda Moonie, inquiète.
"Oui, ça va. J'ai mal évalué la distance en sautant du toit. Ne t'inquiète pas pour moi. Bran et Kethot semblent en danger là-bas," répondit Kay en se relevant péniblement. Moonie tourna son regard vers le paladin et le druide, maintenant entourés par six zombies. Kethot avait invoqué une dizaine de loups pour les assister dans le combat.
"Samay! Je vais ralentir la horde de zombies qui se situe derrière nous!" hurla Moonie. Elle se retourna et lança des rayons de flammes sur les monstres qui avançaient rapidement.
"Allez, Moonie, reviens! La voie est libre!" hurla Samay depuis les airs. Moonie se dépêcha de rejoindre le groupe resté au sol, Kay, Bran et Kethot. Elle entendit alors un cri derrière elle. C'était la voix de Pangur Ban. Sur le toit d'une maison, il était encerclé par une vingtaine de zombies.
"Par Sumie, Pangur!" hurla Moonie. Gardant sa concentration, elle lança un sort de sanctuaire sur Pangur Ban. "Surtout n’attaque aucun zombie!" cria-t-elle au rôdeur.
"Hein? Quoi?" répondit Pangur Ban, confus.
"Mince, j'espère qu'il a bien compris mon message," pensa Moonie. La prêtresse rejoignit Bran, Kay et Kethot, et remarqua que les zombies tués portaient les insignes de son temple.
"C'étaient des prêtresses de Sumie!" s'exclama Moonie.
"De Sumie ou de Shar?" demanda Bran.
"Euh... de Shar, je voulais dire. Désolée," répondit Moonie. Elle chercha rapidement du regard Pangur Ban et le vit sur le toit d'une autre maison, il avait réussi à échapper à la horde de zombies à ses trousses.
Le groupe continua prudemment sa progression à travers les ruelles sombres, quand soudain Bran murmura à Kay, Moonie, et Kethot : "Restez derrière moi ! Il y a un groupe de zombies tout à gauche et un autre droit devant. Et le Céleste est juste là-bas."
"Laisse-moi envoyer la horde de loups !" dit Kethot en commandant sa meute de huit loups qu’il lança vers la place centrale qui les séparait du Céleste.
"RRRRRRR !" Le sol sous les loups se déroba brusquement, laissant apparaître la gueule gigantesque d’un ver pourpre géant qui engloutit les malheureux animaux en un instant.
"Haaa !" hurla Moonie, terrifiée, tout comme ses amis qui sursautèrent de peur. Après avoir englouti les malheureux loups, le monstre s’enfouit dans le sol.
"Vite !! Dépêchons-nous de rejoindre le Céleste !! Il va réattaquer !!!" ordonna Bran. Le sol sous leurs pieds tremblait déjà, indiquant le mouvement du ver géant.
Kethot, réagissant rapidement, lança une incantation qui fit surgir des ronces qui immobilisèrent le groupe de zombies à leur gauche. Il ne restait plus que le groupe de zombies qui leur faisait face et surtout l’abominable ver.
Pangur, qui se déplaçait sur les toits de la ville, cria : "Essayons de faire diversion en reproduisant des mouvements de pas pour attirer le ver ailleurs !!! Grimpez vite sur les toits, ne restez pas au sol !!!"
"Bien vu !" approuva Samay, lévitant au-dessus de la scène chaotique. Utilisant ses sorts de télékinésie, il fit bouger des corps de zombies, créant l'illusion de déplacements de pas. Moonie tenta d’escalader la façade d’une maison mais tomba lourdement au sol.
"Je suis trop lourde avec cette armure pour escalader les murs de cette maison !" pensa-t-elle. Elle sprinta alors vers Bran, qui avait pris de l’avance. Soudain, le sol se déroba sous ses pieds et elle tomba dans la gueule béante du monstre qui se referma sur elle. La salive acide de la bête la brûla, et elle perdit rapidement connaissance dans l’obscurité de la gueule de l’abomination.
Elle se réveilla au côté de Kethot, allongé à ses côtés, grièvement blessé.
"Qu’est-ce qu’il s’est passé ?" demanda Moonie, la tête lourde.
"Samay vient de nous sauver la vie à tous les deux, la bête nous avait avalés..." répondit Kethot, encore sous le choc.
Bran se tenait juste devant le druide et la prêtresse pour les protéger des zombies qui les encerclaient. Un des zombies se jeta sur le druide et l'agrippa.
"RRR !" Le ver pourpre surgit du sol, engloutissant le groupe de zombies à une quinzaine de mètres sur leur gauche.
"C'est notre chance !" pensa Moonie, s’échappant discrètement du champ de bataille en prenant la direction du Céleste. Elle se retourna et vit Kethot et Bran toujours en plein combat contre les zombies. "Mince, ils sont toujours bloqués par les zombies !!! Je ne peux pas les laisser !"
« Les amis, fuyez ! Le monstre est trop puissant ! Montez sur les toits, ne restez pas ici ! » hurla Pangur Ban, visiblement terrifié, depuis le toit d’une maison.
« Kethot et Bran sont encerclés par les zombies, je suis grièvement blessée mais il est hors de question de les laisser mourir ici ! » répliqua Moonie avec détermination.
« D’accord, fais comme tu veux, moi je m’en vais ! » répondit Pangur Ban en se dirigeant vers le Céleste. Les larmes montèrent aux yeux de Moonie en réalisant que celui qu’elle considérait comme un ami les abandonnait, elle, Kethot et Bran, à la mort.
« Je suis grièvement blessée, je ne sais pas comment je peux les aider, » murmura Moonie en rebroussant chemin pour rejoindre ses amis en danger. Elle vit le ver géant subirent les coups du paladin, les décharges occultes du prince et le rayon de lune du druide. « Haaa ! » hurla le ver géant qui s’enfouit dans le sol pour fuir.
« Super ! Vous l’avez eu ! Mais je pense qu’on pourrait l’achever, allons le chercher sous terre ! » lança Pangur Ban depuis son poste d’observation.
« Non ! C’est trop dangereux ! » objecta Moonie.
« Allons-y ! » dit Bran. « Le Céleste n’est plus loin.» Les héros apportèrent l’éclat de fanal aux nains, qui purent ainsi faire démarrer le Céleste des Brumes. Le monstre de métal se mit rapidement en route, mais alors qu’il quittait Clairfeuille, une centaine de zombies essayèrent de s’agripper et monter à bord, mais furent projetés violemment vers l’extérieur par la vitesse du puissant Céleste.
« Les amis, j’ai besoin de me reposer. Je suis éreintée, » dit Moonie en se dirigeant vers sa cabine, où elle s’allongea puis tomba rapidement dans un profond sommeil.
UNE AUTRE VIE
Moonie se réveilla en sursaut, réalisant qu'elle était encore en retard.
"Ah ! Mince, je suis encore en retard, je dois me dépêcher !" s'exclama-t-elle en s'habillant à toute vitesse. Elle embrassa sa mère avant de se hâter en direction du restaurant "Une autre vie", un lieu très prisé dans le quartier branché de Neelam ou elle occupait le poste de serveuse.
Elle arriva en catastrophe au restaurant, sa patronne l'attendait, visiblement mécontente.
"Moonie !!! Encore en retard ! C’est la dernière fois que je tolère ça, la prochaine fois, ce sera déduit de ton salaire !" gronda Makrita.
"Désolée, Makrita. Je ferai attention, je suis vraiment désolée," répondit Moonie, la tête baissée.
Makrita, la patronne de Moonie, était une femme brune qui pouvait se montrer parfois stricte mais avait toujours su se montrer juste.
"Table cinq ! Le monsieur a commandé du bacon et du pain au miel," ordonna Makrita.
"D’accord, Makrita !" répondit Moonie en s'empressant de servir le client. La journée s'écoula tranquillement, le restaurant ne reçut que trois clients pour toute la matinée. À l’heure de la pause, Moonie rejoignit sa collègue pour un moment de répit.
"Journée calme, aujourd’hui," observa Moonie.
"Oui, c’est pas étonnant la princesse Amelyss se marie aujourd'hui. Les gens de Neelam campent devant la demeure royale pour assister à la procession. Je suis tellement dégoûtée de devoir travailler aujourd’hui," se plaignit Keeka.
"Ah, je vois. Je n’étais même pas au courant. Tu sais, je ne suis pas vraiment au courant de toutes ces actualités royales. Ces gens-là, ne sont pas comme toi et moi. C’est un autre monde," avoua Moonie.
"Comment ? Tu ne suis pas tout ça ? Tout le monde ne parle que de ça dans la capitale. Amelyss est la fille unique du roi Oudarta et de la reine Mina, c’est un événement national voire même international. C’est incroyable que tu ne sois pas au courant de tout ça. C’est quand même elle qui deviendra un jour notre reine."
"Entre mon boulot de serveuse et mes heures supplémentaires à la bijouterie de mes parents, c’est difficile de trouver le temps de suivre ces choses-là…" soupira Moonie. "J’aimerais tellement trouver un travail qui me laisse plus de temps et surtout qui paie mieux que ça…"
« Le bar d’à côté, le Samayeshvara, cherche des danseuses sexy pour leurs soirées. C’est plutôt bien rémunéré, » dit Keeka.
« Je me suis renseignée, mais ça ne conviendrait pas. Déjà, ils cherchent des femmes aux formes généreuses, ce qui n'est pas vraiment mon cas, et en plus, ils demandent aux danseuses de se dénuder, et ça, je suis contre. Je suis trop pudique et je trouve ça vraiment trop dégradant, » répondit Moonie.
« Et la religion, ça ne te tente pas ? » suggéra Keeka.
« Je ne sais pas. Je ne viens pas d’une famille très religieuse… » dit Moonie.
« Je dis ça simplement parce que je sais que les prêtres de Sumie recherchent des recrues. Le Très Grand Prêtre Pangur Ban cherche des nouvelles prêtresses. J’ai entendu dire que le concours d’entrée était très difficile, mais une fois que tu deviens prêtresse, tu as droit à plein d’avantages, notamment une bonne paye. Après, on demande aux prêtresses et aux prêtres de s’habiller de manière sobre et très stricte, mais ça me paraît acceptable vu la paye, » expliqua Keeka.
« Prêtresse de Sumie ? Je ne connais pas du tout cette déesse… C’est la déesse de quoi ? » demanda Moonie.
« C’est la déesse de l’amour, voyons. Tout le monde sait ça, Moonie, » répondit Keeka avec un sourire moqueur.
« Hé, les filles, c’est fini les papotages. Nous avons un client. Moonie, tu t’en occupes, vu que tu es arrivée en retard ce matin, » dit Makrita en jetant un coup d'œil sévère.
Moonie se dirigea vers la table de l’homme qui avait commandé une bière. En déposant la choppe, elle remarqua que l’homme était vêtu d’une armure.
« Voilà, votre bière. Désolée pour l’attente, » dit Moonie. L’homme attira immédiatement l’attention de Moonie, son regard bleu perçant contrastait avec ses cheveux noirs de jais. Mais ce qui la captiva le plus, c’était les traits harmonieux de son visage et sa musculature impressionnante.
« Avez-vous besoin d’autre chose ? » demanda-t-elle timidement.
« S’est-on déjà rencontrés ? J’ai l’impression de vous avoir déjà vue, » dit l’homme avec curiosité.
« Non… je ne crois pas… » répondit Moonie, certaine qu’elle se serait souvenue d’avoir rencontré un si bel homme.
« Pourtant, j’ai vraiment l’impression de vous avoir déjà rencontrée. Quel est votre nom ? » demanda-t-il, ses yeux bleus la scrutant intensément.
"Je m'appelle Moonara, mais tout le monde m'appelle Moonie," dit-elle avec un sourire timide.
"Un nom charmant pour une charmante demoiselle. Je suis Khadlin Leyvin," répondit l'homme avec un sourire séducteur.
"Enchantée. Maintenant, je suis certaine de ne vous avoir jamais rencontré," dit Moonie, un peu nerveuse.
"Ah… Je me suis peut-être trompé. Je suis de passage dans la capitale, je viens de Neverview où j'exerce comme soldat," expliqua Khadlin Leyvin. "Je suis à Neelam pour une semaine. Comme je suis nouveau ici, j'aimerais bien avoir quelqu'un pour me faire visiter la capitale.... Quelqu’un comme vous…" ajouta-t-il en la regardant intensément.
Khadlin était très direct, il la courtisait ouvertement, mais cela ne semblait pas déranger Moonie, au contraire.
"Hmm… J'aimerais bien, mais aujourd'hui je suis assez occupée. Après mon service, je dois aller travailler dans la bijouterie de mes parents," dit Moonie en soupirant légèrement.
"Ah? Mais je peux passer vous chercher après votre service à la bijouterie. Peut-être pourrions-nous flâner dans les rues de la capitale. On m’a dit que Neelam de nuit était très belle avec ses spectacles et marchés nocturnes," suggéra Khadlin avec un sourire charmeur.
"Nous fermons la bijouterie à dix-neuf heures ce soir," répondit Moonie. "Vous pouvez venir me chercher à cette heure-là."
"D'accord, quel est le nom de la bijouterie?" demanda Khadlin.
"Le Ganakhshetr," répondit Moonie.
Moonie se réveilla en sursaut, ses pensées encore embrumées par son rêve étrange.
"Quel rêve étrange !" pensa-t-elle.
ARRIVÉE À SOMBREFEUILLE
Moonie rejoignit ses amis dans le wagon principal, où l’énigmatique Arin se tenait au centre du cercle qu’ils avaient formés.
« Est-ce que j’ai l’air d’un lézard ? Vous voyez bien que je suis un elfe ! » protesta Arin avec véhémence.
« Je suis persuadé que tu es un Naga ! Si on suit la prédiction de Sumie, la déesse de Moonie, et ce que j’en ai déduit, tu es un Naga. Il n’y a aucun doute ! » affirma Bran avec conviction.
« Vous y croyez vraiment à sa déesse ? Vous faites vraiment confiance à ce que dit cette prêtresse ? » rétorqua Arin, pointant un doigt accusateur vers Moonie. « Elle a été la protégée de Shar pendant plusieurs années ! »
« Eh bien… » commença Bran, mais il s’interrompit, envahi par le doute.
« Ce dont nous sommes sûrs, c’est que tu ne nous dis pas tout. Tu dois nous faire confiance, nous dire qui tu es vraiment… » intervint le prince Samay d’une voix ferme.
« Je… Très bien, Kesaman, » répondit Arin, jetant un regard amoureux au prince. « Je suis… »
« Boum ! » Le wagon explosa, projetant tous ses occupants dans tous les sens. Moonie se releva, la tête douloureuse après avoir heurté le coin d’une table, mais fort heureusement, elle n’était pas grièvement blessée.
« Le Céleste a frappé une grosse pierre et a déraillé ! Nous sommes encerclés de zombies ! » C’était la voix de Kay, qui avait quitté le Céleste et était maintenant à l’extérieur.
« Préparez-vous au combat ! » ordonna Bran, commandant aux Guerriers de l’Ouest et aux Duergars. Le paladin avait appris quelques bases de leurs langues respectives pour mieux les diriger au combat.
« Venez avec nous ! » hurla un homme de l’extérieur du Céleste. À ce moment, Moonie s’évanouit sous la fatigue et le coup à la tête. Quand elle se réveilla, elle se trouvait dans une carriole, entourée de ses amis.
« Qu’est-il arrivé ? » demanda-t-elle.
« Nous avons été sauvés par les soldats de Neverview et nous arrivons bientôt à Sombrefeuille, » répondit Kethot.
« Sombrefeuille ? » dit Moonie, son enthousiasme grandissant à l’idée de revoir l’homme qu’elle aimait. « Et comment vont les nains et les Guerriers de l’Ouest ? »
« Malheureusement, nous avons perdu cinquante d’entre eux, » soupira Samay.
« Cela aurait pu être pire. Nous pouvons nous estimer chanceux d’avoir été sauvés par les soldats de Neverview, » ajouta Kay.
La carriole s’arrêta à Sombrefeuille, et les héros descendirent. Devant eux se dressait la magnifique ville de Sombrefeuille, resplendissante, une cité elfique dont les remparts étaient faits de bois magique. Ils furent accueillis par la reine consort Mina Ashtikar, qui n’avait guère changé et était toujours aussi belle. À ses côtés se tenaient Gugnyk, la reine des Elfes Noirs, un homme vêtu des habits de la Cathédrale de la Lumière, et enfin, le beau conseiller suprême en armure, encore plus séduisant que dans les rêves de Moonie.
« Fils ? Alors c’était vrai ? Je n’osais y croire… Je suis si heureuse que vous soyez là, venez dans mes bras, fils ! » dit la reine consort Mina en prenant Samay dans ses bras dans des retrouvailles émouvantes. « Et votre sœur ? » demanda Mina, cherchant des yeux l’absente.
« Amelyss est vivante, mère. Mais ne vous inquiétez pas, je la retrouverai bientôt, » dit Samay avec détermination.
« Arin, c’est bien vous ? » demanda Mina en se tournant vers l’elfe aux yeux de bronze.
« Je vous ai ramené votre fils, comme promis, » répondit Arin avec un sourire.
« Je savais que je pouvais compter sur vous, » répliqua Mina, le visage illuminé de gratitude.
Le prince Samay, se sentant investi d’une grande responsabilité, haussa la voix pour capter l’attention de tous. « J’ai quelque chose à vous dire à tous. Après tout ce que nous avons traversé, il est temps de cesser les discussions. Nous allons mener la bataille de Sombrefeuille. Plus que jamais, il faut que nous soyons unis, quelles que soient nos races, nos croyances, nos ambitions. Aujourd’hui, nous avons un ennemi commun, le fléau que nous devons combattre. Mais cet ennemi a aussi été un ami, un ami car il a réussi à unir tous les peuples d’Heeratat. »
« Vive le Nouveau Xorlock ! » murmurèrent Stilgard et Forud à voix basse à l’issue du discours inspirant de Samay.
« Très beau discours, » applaudit le Conseiller Suprême Khadlin Leyvin. « Je vais devoir vous laisser, j’ai une réunion avec Gareth Duvall, le templier de la Cathédrale de la Lumière. Vous trouverez des chambres à l’étage de cette auberge où vous pourrez vous reposer. Ce soir, nous nous retrouverons pour le dîner. »
Moonie, que le conseiller semblait avoir ignorée, s’avança et lui dit : « Khadlin, je suis tellement contente de vous revoir. Êtes-vous également content de me revoir ? »
« Je suis ravi de vous revoir, ma prêtresse. Je vous ai réservé une suite spéciale à l’étage et ce soir, après le dîner, peut-être pourrions-nous nous retrouver dans mes appartements ? » répondit Khadlin avec un sourire.
« Oui, » répondit Moonie, le cœur battant la chamade et les joues rougies. Des elfes accompagnèrent les héros à leurs chambres, Moonie à sa suite. La suite était gigantesque et luxueuse. Elle s’allongea dans le lit, dans les draps de soie, où un lit de roses rouges avait été disposé pour elle. Elle pensa à Khadlin, son cœur brûlant d’amour pour lui. Elle n’avait envie que d’une chose, le retrouver au plus vite. Il fallait qu’elle trouve une jolie tenue affriolante à porter ce soir.
« Souviens-toi de ta mission ! » dit une voix familière.
« Quoi ? Imana ? » demanda Moonie, cherchant l’origine de la voix.
« Sumie te demande de protéger Samay, pas le Conseiller Suprême, » répondit Imana.
« Mais je t’ai déjà dit que j’accomplirai cette mission. Ni l’un ni l’autre ne mourra. » répliqua Moonie.
« Si tu dois faire un choix, souviens-toi de qui tu sers. Ta déesse et personne d’autre…Tu devrais plutôt rejoindre tes amis dans leur chambre plutôt que de rêvasser, » dit Imana en disparaissant après ce discours mystérieux.
LES SPHÈRES DE L’OUBLI
Suivant les conseils d’Imana, Moonie rejoignit la chambre de ses amis et ouvrit la porte pour découvrir une petite pièce précaire où tous ses amis semblaient entassés.
« J’ai touché cette orbe noire qu’a Kay dans son sac et je pense que c’est une sphère de l’oubli. Et ma théorie est que vous auriez subi un châtiment de la sphère de l’oubli et que vous souvenirs sont enfermés dedans, » dit Kethot.
« Encore ces théories sur moi… Je vous ai déjà tout dit sur moi, » répliqua Arin. « Mais je vous rejoins sur le fait que l’orbe noire pourrait être une sphère de l’oubli. C’est pour ça que je voulais la toucher. Mais je doute que ce soient mes souvenirs qui soient enfermés dedans... »
« Le châtiment de la sphère de l’oubli ? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? » demanda Moonie, curieuse.
« On raconte que cette méthode de châtiment fut développée par un conseil de mages elfes au début de l’ère des Elfes. Ils cherchaient un moyen de punir les criminels les plus impitoyables sans verser inutilement le sang. L’exécution du châtiment se déroule en quatre étapes. Le condamné est placé dans un cercle magique au centre de la place publique. Des mages puissants, appelés les Pabans, exécutent un rituel complexe en utilisant des incantations et des artefacts anciens. Ce rituel a pour effet de lier l’âme de l’accusé à une sphère de cristal noire qui aspire son âme et l’intégralité de ses souvenirs. Le rituel laisse une marque en forme de poinçon très reconnaissable à la base du front du condamné, appelée la marque de l’oubli. Le rituel en lui-même ne prend guère qu’une poignée de secondes, mais tout le cérémonial précédent peut durer jusqu’à une heure pour certains condamnés, le mage énumérant tous les crimes dont il a été reconnu coupable. Pendant toute la cérémonie, le condamné n’a pas le droit de parler. Une fois le rituel terminé, l’âme de l’accusé est emprisonnée dans la Sphère de l’Oubli. L’accusé, désormais dépourvu de tous souvenirs, est banni de sa ville d’origine et renvoyé dans les grandes étendues sauvages sans identité. Ne sachant même plus parler, il est condamné à vivre le reste de ses jours sans se souvenir de son crime ni de son passé ; seule la marque sur son front renseigne ceux qu’il rencontre de son passé criminel. » révéla Arin.
« Mais évitez de fixer mon front, vous voyez que je n’ai pas de marque, » lança Arin à Moonie.
« J’aimerais que tu nous montres le tatouage que tu as sur le torse, si tu le veux bien, » demanda Samay.
« D’accord… » soupira Arin. Le bel elfe dévoila le tatouage qu’il avait sur le torse, censé représenter la réincarnation. Il représentait un volumineux et effrayant dragon se mordant la queue.
« Un dragon rouge ? Anantakaal ? Serait-il possible que vous soyez Anantakaal et que ce soient vos souvenirs dans l’orbe ? » s’exclama Moonie.
« La théorie de Moonie semble cohérente, » dit Bran.
« Accepteriez-vous de toucher l’orbe noire que Kay a conservée ? » demanda Kethot.
« Surtout pas de contact direct, » ajouta Bran.
Arin consentit à toucher l’orbe et alors qu’il s’approchait de la sphère, des étincelles bleus se formèrent autour d’elle. L’elfe aux yeux de bronze toucha la mystérieuse sphère, la main de Samay enlacée entre ses doigts tandis que Moonie et Bran touchèrent l’orbe du bout de leurs lances. Le paladin et la prêtresse eurent la même vision que celles qu’avaient eu Kethot et Bran auparavant, tandis que Samay revécut la vision qu’il avait eu en touchant l’orbe.
« Arin ? Qu’avez-vous vu ? » demanda Kethot.
« J’ai vu Mahaan Prakash aux côtés d’un dragon de bronze lançant un châtiment de l’oubli à un naga rouge, mais j’ai eu l’impression qu’ils n’y arrivaient pas et qu’ils dûrent utiliser des orbes de communication pour remplacer les sphères de l’oubli, » dit Arin.
« Cela ne nous dit pas si vous pourriez être Anantakaal. Avez-vous des souvenirs de votre enfance ? Qui sont vos parents ? » demanda Moonie.
« Je n’ai pas de souvenir de ma mère, je sais que mon père m’a abandonné… » répondit Arin.
« Et comment peut-on restituer ses souvenirs à une personne condamné au châtiment de l’oubli ? Vous le savez ? » demanda Moonie.
« Pour cela, il faut briser la Sphère de l’Oubli, » dit Arin.
« Je crois, les amis, que nous avons assez embêté Arin avec nos questions. J’en suis d’ailleurs désolé, Arin, » dit Samay en l’embrassant. « Allons au salon. Le Conseiller Suprême nous a dit qu’une surprise nous y attendait. »
LE DUEL DE KAY
Les héros rejoignirent le salon où étaient déjà installés quatre personnes. Une femme brune, ressemblant à une bohémienne, était assise aux côtés d’un vieillard d’allure noble. Devant eux, se tenait un séduisant homme brun avec de petits yeux bleus portant les insignes des Conseillers d’Harmonie. Enfin, dans un coin, Roy Jabryt, le conseiller Rufus, était assis. Vellor, le jeune demi-elfe, se précipita dans les bras de Samay pour le serrer avec joie.
“ Samay !!! “
« Grand-Père ! » s’écria Mars en retrouvant le vieil homme et le serrant dans ses bras.
« Vous ! » dit Kay en pointant du doigt le vieil homme. « Je vous connais ! »
« Eh bien, moi je ne vous connais pas. Je suis le gouverneur de Port Shaanti. Je ne vous autorise pas à me pointer du doigt, jeune homme. Qui êtes-vous ? » dit le grand-père de Mars.
« Vous êtes un meurtrier ! » hurla Kay. Toute la salle resta bouche bée face à cet échange vif. Kay, habituellement calme, accusait cet homme de meurtre avec une conviction implacable.
« Quoi ?! Ce sont de lourdes accusations, jeune homme ! Vous ne savez pas qui je suis, je ne laisserai pas quelqu’un de votre espèce me parler ainsi ! » s’énerva le vieil homme.
« Vous reconnaissez cette chevalière ? Savez-vous comment je l’ai obtenue ? » dit Kay en montrant la chevalière qu’il portait au doigt.
« C’est la chevalière de notre famille, vous n’êtes qu’un vulgaire voleur. Rendez-moi cette chevalière, elle m’appartient. » dit le vieil homme.
« Allons, calmons-nous. Nous ne sommes pas là pour nous battre, nous avons plus important à faire. » dit le Conseiller d’Harmonie.
« Il en est hors de question. Le sang se paie par le sang. Mon frère a été assassiné par cet homme et son fils, c’est lui qui portait cette chevalière à son doigt ! » lança Kay avec véhémence.
« Un frère ? Je ne savais pas que Kay avait un frère. » pensa Moonie. « Il avait une sœur, Katharina. Mais il ne m’a jamais parlé de son frère. »
« Très bien, si vous voulez régler cela, je vous provoque en duel. » lança le grand-père de Mars.
« Ne nous précipitons pas, calmons-nous un peu. Ce duel peut attendre demain matin. » intervint Samay.
« Très bien ! » accepta le grand-père de Mars.
Kay quitta la pièce sans dire un mot.
« Qui êtes-vous ? » demanda le Conseiller d’Harmonie en s’adressant à Samay.
« Je suis le prince Samay Prakash. » répondit Samay.
« Le prince Samay Prakash ? Vous êtes vivant ? Je croyais qu’on vous avait éliminé. Je suis Thanae Riel, un proche ami de votre sœur Amelyss. » dit Thanae.
« Ma sœur ? Vous avez des nouvelles d’Amelyss ? » demanda Samay.
« Oui, Amelyss va bien. Elle et ses amis se dirigent actuellement vers Montasentar à la recherche d’une arme. D’ailleurs, en parlant de ses amis, il faudrait que votre sœur revoit un peu ses fréquentations. » dit Thanae.
« Savez-vous si Amelyss a avec elle le cube, le Ganakhshetr ? » intervint Moonie.
« Malheureusement, le cube a été volé par Rufus, un mage naga… » dit Thanae.
« Rufus n’est plus un mage naga, il s’est transformé en liche. » intervint Bran.
« En liche… je comprends mieux maintenant… » dit Thanae puis, se retournant vers Moonie, il reconnut ses insignes. « Mais vous êtes une prêtresse de Sumie ! » hurla-t-il.
« Moonie est une amie, elle a été elle-même victime des Grandes Prêtresses de Sumie. Elle n’est pas comme elles. » dit Samay.
« Ce qu’ont fait ses sœurs est abominable et innommable. Êtes-vous sûr qu’on peut compter sur elle ? » demanda Thanae.
Sous la colère des accusations, Moonie quitta précipitamment la pièce. Où qu’elle aille, elle portait le poids de l’image des Grandes Prêtresses. Comment s’en défaire ? Comment, elle, la Mahasa, pouvait-elle rétablir la confiance des gens envers le temple de Sumie ? Cette mission lui paraissait impossible. Elle quitta la pièce, et tomba nez à nez avec Pangur Ban qui semblait errer dans les couloirs.
« Pangur ? Qu’est-ce que tu fais dans le couloir ? Tu écoutais aux portes ? » demanda Moonie.
« Euh… non. J’étais dans les cuisines, mais on m’a gentiment escorté dehors. Le repas de ce soir a l’air délicieux. » répondit Pangur Ban.
« Au fait, Pangur, je voulais te demander quelque chose. » dit Moonie.
« Oui, dis-moi. » répondit Pangur Ban. Pangur avait été maltraité, pourchassé, avait dû tout quitter et avait dû s'adapter pour survivre dans un nouveau monde hostile et inconnu. Elle se rappela son visage terrifié face aux zombies et au ver pourpre. Son apparence guerrière et robuste masquait des traumatismes profonds et contrastait avec sa vraie nature calme et paisible. Ce ver, lui a-t-il rappelé la monstrueuse naga chamane Yaatako qui avait décimé tout ce qu’il avait de plus cher devant ses yeux. Même s’ils étaient différents l’un et l’autre, elle le comprit. Pourquoi se sacrifierait-il pour des gens qu’il connaît finalement depuis si peu… Pourquoi nous accompagnait-il dans cette guerre ? Était-il prêt à risquer sa vie pour la mission du prince ? Était-il prêt à affronter le Seigneur Noir ?
« Moonie ??? Alors ta question ? » demanda Pangur Ban.
« En fait, ce n’est rien. Euh… Enfin, je voulais simplement te demander si tu n’avais pas vu une de mes culottes, elle manque à mes affaires. » dit Moonie.
« Euh… non. Je n’ai pas ta culotte. » répondit Pangur Ban.
Moonie regagna sa chambre en repensant à son ami Pangur Ban. Après quelques minutes de réflexion, elle réalisa qu’ils n’étaient pas si différents tous les deux. Tous deux aspiraient à une vie meilleure, loin des combats, à une vie de simplicité et d’amour. Elle aussi aurait aimé quitter le champ de bataille pour rester ici avec l’homme qu’elle aimait, le Conseiller Suprême. Mais une chose la distinguait de Pangur Ban : lui était libre de rester ou de partir, rien ne l’obligeait à les suivre dans le combat final. Elle, en revanche, était prisonnière de sa destinée. Elle avait quitté la prison des Grandes Prêtresses pour, en réalité, rejoindre une autre prison, celle qu’on avait écrit pour elle. En cela, elle ressemblait tellement à son ami Samay. Sumie avait lié son coeur à celui du Conseiller Suprême comme elle avait lié celui de Samay à celui d’Arin. Mais les dieux souhaitaient également qu’ils accomplissent leurs missions. Elle trouvait ça si cruel qu’on lui demande de choisir entre son propre bonheur et celui de l’humanité. N’étaient-ils que de vulgaires pions entre les mains des dieux ? La défunte mère biologique de son ami le prince Samay n’y croyait pas. Elle croyait au libre arbitre. Et si c’était elle, Moonie, qui prenait les décisions pour une fois, plutôt que de suivre une quelconque prophétie ? Quelle était la solution ? Quelle décision devrait-elle prendre ? Devait-elle suivre son coeur et rester ici auprès du conseiller suprême ? Ou devait-elle rester auprès de ses amis pour accomplir la mission que lui avait confiée sa déesse ? Seule, sa déesse connaissait ces réponses, et demain, Moonie espérait les connaitre également.